L’association ARBP (Association Rungis Brillat Peuplier) existe depuis plus de vingt ans au cœur du 13ème arrondissement de Paris et tout près de la place de Rungis. Sa vocation : nouer des liens entre les habitants dans un quartier qui depuis vingt ans a beaucoup évolué avec le développement d’une mixité sociale, mais aussi de nombreuses familles encore en difficulté. Le vivre mieux ensemble est le vrai projet de l’association, qui propose des aides au quotidien et surtout des activités qui créent ce lien social.
Entretien avec la présidente de l’ARBP, Marie-Stéphane Prugne.
Que signifie précisément le vivre-ensemble, dans votre quartier ?
Cela commence par le fait de se croiser dans la rue, sans tension ni appréhension. Pour y parvenir, nous organisons des événements ponctuels, tout en gardant au quotidien notre porte ouverte pour les personnes en difficulté. Elles peuvent rencontrer notre médiateur, obtenir divers conseils, par exemple pour utiliser un ordinateur ou internet, faire un CV, s’adresser aux services publics. C’est un mécanisme d’entraide que nous avons mis en place.
Nous apportons aussi notre concours aux jeunes dans le domaine du développement durable, en leur permettant de faire découvrir et de partager les compétences qu’ils ont pu acquérir, en particulier grâce à l’association. Par exemple, ils expliquent à d’autres jeunes comment fabriquer du savon. Cela peut sembler anecdotique, mais ces actions ont le mérite d’attirer toute une population et de susciter le dialogue entre des personnes qui ne se seraient pas rencontrées autrement. Nous avons également des jardins partagés : les habitants développent de petites cultures sur leur parcelle, et partagent leur savoir-faire avec d’autres.
Une fois par semaine, nous organisons une activité que nous appelons « l’élan culturel », qui consiste en une balade pour leur montrer leur ville et ses aspects culturels, ce qui ne va pas de soi pour eux, contrairement à d’autres enfants. C’est une manière de lutter contre les inégalités voire les discriminations culturelles.
C’est aussi cela le vivre ensemble : inciter les habitants à prendre des initiatives et leur permettre de les concrétiser, ce qui leur serait impossible seul dans leur coin. Nous ne leur apportons pas seulement nos encouragements, mais aussi une aide technique ou financière. Nous les aidons à se sentir mieux dans leur environnement.
Quelles sont vos actions qui recueillent la plus forte participation citoyenne ?
Elles sont nombreuses. On a également organisé des rencontres entre des populations africaines venues de différents pays, pas nécessairement francophones. Ce fut une magnifique fête de quartier, avec des danses, et des échanges créant ou renforçant les liens entre les habitants.
Nous avons aussi fait venir une écrivaine et un cinéaste avec lesquels les gamins ont fait un petit film sur le quartier. Cela leur a permis de s’exprimer, de se retrouver entre eux sans se sentir obligés de s’invectiver voire de se battre. Ces gamins, qui sont parfois un peu décrocheurs, sont très friands de ce type d’activité.
Ce samedi, nous organisons une fête de quartier en partenariat avec les habitants, deux associations dont l’objet est similaire au nôtre, une école et notamment sa chorale. Il y aura des animations pour les enfants, un bal populaire mixte pour que toute la population se mélange et se rejoigne dans la danse.
La région souhaite ouvrir un centre pour SDF à proximité de la place de Rungis. Qu’en pensez-vous ?
A priori, on devrait se réjouir de la création d’une institution au bénéfice des personnes qui dorment dans la rue. Mais ce projet, nous ne pouvons pas l’approuver. Il existe en effet déjà deux institutions de ce type dans le quartier, « La mie de pain » et « La poterne ». Nous avons réussi à y instaurer une véritable mixité, une harmonie, une entraide.
Tout ce fragile ensemble risque d’être déséquilibré et il serait opportun de créer ce centre un peu plus loin, pour éviter une trop forte concentration de difficultés de nature à engendrer une reghettoïsation du quartier. Nous avons mis beaucoup de temps et d’énergie pour remédier à cette maladie urbaine. Ce serait dramatique de la raviver en créant de nouvelles tensions. Nous avons des projets pour les jeunes du quartier, souvent en grande souffrance. Ce serait leur nuire que de concentrer tant de misère au même endroit, de les stigmatiser en stigmatisant leur quartier, leur environnement. Nous préconisons un habitat équilibré, et non la création de ghettos.
Propos recueillis par Michel Taube