Près d’une vingtaine d’ONG (Amnesty International, la Fédération Internationale des Ligues Droits de l’Homme (FIDH), Oxfam, France, Sherpa…) sont mobilisées pour dénoncer les menaces qui pèsent selon elles sur la liberté de la presse en France, suite à la convocation par la Direction Générale de la Sécurité Intérieur (DGSI) de trois journalistes qui enquêtent sur la vente d’armes françaises servant potentiellement dans le conflit au Yémen. Benoît Collombat de la cellule investigation de Radio France et Geoffrey Livolsi et Mathias Destal du média d’investigation Disclose, ont été entendus par les services de renseignements dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet faisant suite à une plainte déposée par le ministère des Armées pour « compromission du secret de la défense nationale ». Les journalistes sont inquiétés à la suite de la publication de notes « confidentiel défense », le mois dernier, qui confirment l’utilisation d’armes françaises dans le conflit au Yémen. Ils mettent en lumière le risque que ces armes soient employées de manière illégale, contre les populations civiles, par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis.
Les autorités françaises n’apprécient pas que soient mise au grand jour leur manque de certitude quant à l’utilisation formelle des armes françaises dans ce conflit, contrairement aux affirmations récentes du chef de l’État et de ses ministres parmi lesquels Florence Parly et Jean-Yves Le Drian.
Avec la publication de ces documents compromettants, Discole joue, par ses révélations, un rôle démocratique important en permettant à la société civile de comprendre et d’agir. C’est ainsi que plusieurs ONG et des parlementaires se sont mobilisées en cette mi-mai, pour s’opposer au chargement d’une cargaison d’armes dans le port du Havre sur le cargo saoudien Bahri Yanbu. Si ces ONG n’ont pas complétement abouti sur le plan du droit avec la saisine du tribunal administratif qui ne leur a pas totalement donné raison, leur mobilisation a tout de même compromis le départ des armes vers la péninsule arabique. Bahri Yanbu, après avoir essuyé des problèmes dans les ports du nord de l’Europe (Grande Bretagne et Belgique), poursuit sa route, tel un bateau ivre, vers les ports de Santander en Espagne et de Gênes, en Italie où l’attendent d’autres cargaisons d’armes.
L’interpellation des trois journalistes qui n’ont publié aucun élément pouvant porter atteinte à la sécurité de nos soldats ou de nos infrastructures stratégiques, porte atteinte à la liberté de la presse. Ces dernières années, de manière régulière les journalistes sont inquiétés notamment quant à la protection de leurs sources. Dans un Etat de droit digne de ce nom, ces attaques sont simplement inadmissibles.
La France continuera-t-elle à jouer un double jeu en poursuivant la vente d’armes pouvant ouvrir la voie à des crimes de guerre, en contradiction avec les engagements pris et les traités sur les ventes d’armes pourtant ratifiés ?
Claudie Holzach