Le témoignage de Rex Tillerson, l’ancien secrétaire d’État américain du 1erfévrier 2017 au 31 mars 2018, révèle le rôle omniprésent, peut-être sans précédent, de Jared Kushner dans l’administration Trump.
Son témoignage le 21 mai 2019, à huis clos, devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants du Congrès américain, met en lumière le rôle inhabituel de Jared Kushner au sein de l’administration Trump. C’est ce que révèle un article informé de l’agence Reuters paru le 27 juin.
Dans la transcription de sa conversation avec le Comité des affaires étrangères de la Chambre, rendue publique jeudi dernier par Reuters (lire pages 80 et s.), Rex Tillerson a raconté comment Kushner l’avait régulièrement exclu des réunions et des délibérations politiques. Le témoignage de Tillerson, que Trump a licencié dans un tweet fin mars 2018, donne un aperçu saisissant du rôle influent et mal défini que Kushner joue en tant que conseiller principal à la Maison-Blanche, notamment quant à la situation géopolitique au Moyen-Orient.
Les relations de Kushner avec les dirigeants de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis ont parfois entravé la capacité de Tillerson à calmer les tensions au Moyen-Orient, a confessé l’ancien diplomate. C’était particulièrement le cas en juin 2017, lorsque ces pays, ainsi que l’Egypte et Bahreïn, ont décidé de rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar.
Ce blocus économique total a surpris Tillerson et d’autres hauts responsables américains qui faisaient notamment valoir que les Etats-Unis abritent la plus grande base militaire américaine au Moyen-Orient.
De la transcription de cette même conversation, il ressort que les membres du Comité des affaires étrangères de la Chambre ont déclaré à Tillerson qu’ils avaient appris que les Saoudiens et les Emiratis avaient présenté leurs plans pour le Qatar à Kushner et à un autre conseiller de Trump, Steve Bannon, lors d’un dîner quelques semaines plus tôt, le 20 mai 2017. Rex Tillerson a précisé qu’il n’avait pas entendu parler de ce dîner jusqu’à ce que des membres du comité le lui disent. Quand on lui a demandé comment il se sentait, il a déclaré : « Ça me met en colère… parce que je n’ai pas eu mon mot à dire. Le point de vue du département d’Etat n’a jamais été exprimé. »
Beaucoup d’anciens présidents se sont appuyés sur des conseillers de la Maison-Blanche pour superviser les grands dossiers politiques, mais peu, voire aucun, n’a disposé d’un portefeuille aussi vaste que Kushner aujourd’hui… Sans parler de son manque d’expérience en matière géopolitique.
Rappelons que Jared Kushner, âgé de 38 ans, est conseiller principal de Donald Trump avec son épouse, Ivanka, la fille du magnat, depuis les premiers jours de sa présidence. Avant de rejoindre la Maison Blanche, Kushner dirigeait la société immobilière de son beau-père.
Michel Taube