Mélodrame, psychodrame, triste spectacle d’une Europe désunie et déchirée pendant trois jours… Acteurs et commentateurs de la vie politique n’en finissaient pas de se lamenter les sur chamailleries nocturnes des vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement (les Anglais sont toujours là) de l’Union Européenne, incapable de désigner les représentants de l’exécutif européen.
Et le miracle survint ! Quatre nouvelles têtes dirigeantes, nullement attendues ces derniers mois, animeront désormais l’Union européenne pour une sorte de nouveau quinquennat…
Le conclave fut pénible, bien plus encore que pour désigner un pape. La France aurait préféré qu’un Français – Michel Barnier était pressenti – dirige la Commission européenne. Les petits pays se méfiaient des grands, et nombreux étaient ceux qui se méfiaient plus ou moins d’une Allemagne dominatrice et peu encline au partage (de leur dette !) et d’une France arrogante… Sans parler des gouvernements populistes opposés aux conservateurs et socio-démocrates qui gouvernent l’Europe depuis des décennies.
Mais, sur suggestion d’Emmanuel Macron, ce fut une Allemande qui emporta le morceau. Non pas le Bavarois Manfred Weber, auquel notre président avait opposé un vigoureux « nein » mais Ursula von der Leyen, ministre de la Défense, francophile, dont la prochaine nomination (la confirmation par le Parlement Européen est attendue mi-juillet) permet à Angela Merkel en fin de règne de rentrer à Berlin, auréolée d’une ultime victoire. En contrepartie, les 27, se sont entendus sur la nomination de la française Christine Lagarde à la tête de la Banque centrale européenne, la BCE.
Voilà une double bonne nouvelle pour l’Europe : d’abord, les deux postes les plus importants de l’exécutif bruxellois seront occupées par des femmes. Me too ! (moi aussi), pourraient-elles scander, car jusqu’alors, les hommes trustaient ces postes tant convoités. Cette féminisation des dirigeants de l’Europe, en particulier s’agissant de la présidence de la Commission, est une brise rafraichissante soufflant sur une vieille Europe engoncée dans ses contradictions et prisonnière de ses doutes.
Ensuite, ces nominations ne sont pas seulement une victoire du féminisme, mais aussi celle du pragmatisme, de l’art du compromis et surtout, de la compétence.
Ursula von der Leyen est très appréciée dans son pays. Méthodique, calme et précise, doué d’une autorité naturelle, ce médecin de formation maitrisant parfaitement l’anglais et le français occupa plusieurs postes ministériels importants, à la Famille, au Travail, aux Affaires sociales et enfin à la Défense.
Christine Lagarde n’a pas a être présentée au Français. L’ancienne ministre de l’Economie de Nicolas Sarkozy, Directrice générale du Fonds monétaire international depuis 2011, se sentira comme un poisson dans le bassin monétaire européen.
Quant à la nomination du premier ministre belge Charles Michel et de l’Espagnol Josep Borrel à la tête du Conseil et de la diplomatie européennes, ce sont d’heureuses surprises qui rehausseront le leadership de l’Union.
Les grands perdants sont les Italiens et l’Europe centrale et orientale qui risquent de freiner la confirmation de ces prochaines nominations. Première étape : le vote du Parlement Européen mi juillet pour confirmer que Madame Ursula von der Leyen sera bien présidente de la Commission Européenne.
Michel Taube