Même si aucun Eurodéputé français n’est parvenu à se faire élire à l’une des quatorze vice- présidences du Parlement européen, on ne peut pas sérieusement parler d’une perte d’influence française à Strasbourg ! Non ! Non ! Et Non ! Les résultats des élections européennes du dimanche 26 mai dernier associés aux nominations d’importance de ces derniers jours démontrent que la voix de la France est entendue. Qu’on se le dise, le Président de la République a doublement gagné son pari. Un pari non pas tactique mais intellectuel. Pourquoi ?
En s’engageant d’abord, ni plus ni moins depuis sa juste place dans la campagne européenne, Emmanuel Macron a fait le choix, comme il aime le dire, de « prendre son risque ». Il n’y était pas obligé. Le chef de l’Etat a pris son risque, c’est vrai, non pas pour sauver la candidature chahutée de sa ministre chargée des Affaires Européennes, Nathalie Loiseau, ni même pour saturer gratuitement le spectre politico-médiatique, ou encore marquer du sceau présidentiel l’engagement d’une nouvelle génération d’Européens engagés pour le progrès, mais pour assumer son engagement véritable pour une Europe responsable. Et avant de parler aux autres de responsabilité, il a su, et on peut lui reconnaître ce mérite, prendre les siennes, de responsabilités.
Comme toujours sur le terrain, Emmanuel Macron a cassé tous les codes et bousculé toutes les habitudes présidentielles. Là où ses prédécesseurs se contentaient de fuir leurs engagements européens et de minimiser les branlées électorales de mi-mandat, il a su monter au filet, jouer toutes les balles, remonter au score et même s’incliner tout en sauvant l’honneur de sa majorité mais aussi de notre pays tout entier. Il a assumé ses profondes convictions européennes. Et c’est tant mieux.
En même temps, après avoir perdu les élections européennes, il a dirigé les négociations de ces derniers jours à Bruxelles pour identifier le casting idéal à positionner à la tête de l’Europe. Il a au passage envoyé un signal positif à celles et ceux qui doutaient de l’influence française en Europe. L’enjeu était de taille ! Car il s’agissait de quantifier la capacité des personnalités politiques françaises, le Président en tête, à peser pendant les cinq prochaines années sur les décisions engageantes pour l’Europe et pour la France en Europe. Tous les critères – parité, expérience, francophonie, équilibre politique, empêchement des nationalistes – soutenus par Emmanuel Macron, quant aux choix des femmes et des hommes susceptibles d’être désignés, ont été respectés. Offrant en même temps à la France une nouvelle narration politique que les plus cyniques imaginaient torpillés par les quelques nuages conjoncturels au-dessus de l’idylle franco-allemande.
A l’arrivée Emmanuel Macron a imposé ses choix et une certaine idée de l’Europe.
Proposée par Paris et par Berlin pour présider prochainement la Commission Européenne et succeéder à Jean-Claude Juncker, l’allemande Ursula von der Leyen, ministre francophone depuis quinze ans en Allemagne, sur les Affaires sociales comme sur la Défense, soutenue par une grande Européenne en la personne de la Chancelière Angela Merkel, semble annoncer le retour d’une éclaircie politique entre la France et l’Allemagne. Elle est aussi la première femme désignée pour présider la Commission Européenne.
L’arrivée de l’ancienne Ministre française de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde, dirigeante du FMI, à la tête de la Banque Centrale Européenne à la place de l’italien Mario Draghi est une vraie bonne nouvelle pour la France et pour l’Europe. Pour notre pays, en écartant d’un poste important les co-disciples de la rigueur aveugle et inquisitrice, en proposant un profil français apprécié, expérimenté et respecté, à de très hautes responsabilités, et en accueillant en Macronie une des ministres les plus populaires du quinquennat Sarkozy.
Et en même temps pour l’Europe car ledépart de l’Européenne Christine Lagarde ne devrait pas, sauf révolution historique, priver les Européens d’une nomination prochaine à la direction générale du FMI.
De même, l’élection de l’Eurodéputé italien, social-démocrate, David Sassoli, à la tête du Parlement européen est une vraie bonne surprise. Certes inconnu du grand public, peu influent dans son pays d’origine, à contre-courant des positions de la droite extrême italienne, cet imprévu vient en même temps contrecarrer les plans populistes du supermédiatique Matteo Salvini et du charismatique dirigeant hongrois Victor Orban. Là encore le recul, du moins en affichage des postures nauséeuses de toutes espèces doit être accueilli comme il se doit : Avec le sourire ! Une configuration progressiste parachevée par l’arrivée du ministre socialiste espagnol Josep Borell à la tête de la diplomatie européenne !
Pour finir, avec le Premier ministre belge Charles Michel à la Présidence du Conseil européen, Emmanuel Macron offre à la France un allié libéral et précieux ,et en même temps à l’Europe une personnalité très pro européenne capable notamment de faire bouger les lignes parfois trop conservatrices d’une Europe qui doit se transformer profondément tout en rassurant ses millions de concitoyens.
En même temps… En même temps… En même temps… Ca ne vous rappelle décidément rien ?
Sébastien Ménard
Ancien conseiller ministériel, ancien auteur-concepteur et producteur d’œuvres audiovisuelles, ancien chargé d’enseignement universitaire, engagé politiquement depuis 2000, Sébastien Ménard est actuellement conseiller chargé de la stratégie au sein d’un moteur de recherche européen éthique et responsable.