Le seul ministre d’Etat du gouvernement d’Edouard Philippe aurait-il commis un péché mignon d’Ancien régime ou un crime de lèse-majesté républicaine ? Petits plats dans les grands et les pieds dans le plat : telle est l’histoire que Médiapart (en panne de bonnes affaires ?) a révélée pour un été qui s’annonce enivrant.
« Homards m’a tuer »… Ce qui risque de devenir l’affaire de Rugy inspire déjà les chroniqueurs…
Retour aux origines : François de Rugy s’appelle François Goullet de Rugy (famille anoblie en 1785 et admise en 1945 dans l’Association d’entraide de la noblesse française). Le Château Margaux 1969 sied-il à Monsieur le Vicomte ?
On peut parfois se réjouir qu’une maladresse fasse trébucher un politique incompétent. Un bon prétexte pour s’en débarrasser, en somme. Tel n’est pas le cas de François de Rugy, aujourd’hui ministre de la Transition Ecologique et Solidaire. Ministre pragmatique, courageux, très politique.
Certes, il n’a pas encore véritablement fait ses preuves, puisque ce sont les élections européennes (et plus encore la véritable urgence écologique) qui ont ouvert le chantier fondamental de l’humanité. Il serait difficile de succéder à Nicolas Hulot. François de Rugy le savait. Un autre style était annoncé…
Mais la maladresse qui aujourd’hui rattrape l’ancien Président de l’Assemblée nationale (c’est dans ses fonctions qu’elle a été commise) décrédibilise sensiblement celui qui aujourd’hui doit mettre en œuvre la transition écologique (et non œnologique) de la France quand elle ne discrédite pas, une fois de plus, toute la classe politique déjà mise à mal par le mouvement des gilet jaunes, désormais réduit à l’état de braises sur lesquelles cette affaire tend à souffler.
Quelques costumes de luxe ont suffi à coûter (avec le Penelope Gate tout de même) la présidence de la République à François Fillon. Avant lui, les bottines Berluti de Roland Dumas ou le coiffeur de François Hollande à près de 10.000 euros par mois avaient défrayé la chronique, mais les quelques vaguelettes de ce tsunami de baignoire n’avaient pas inondé le marais élyséen.
François de Rugy peut boire (à chaque fois avec modération, bien sûr) autant de grands crus et se délecter d’autant de homards qu’il lui plaît… avec son argent. Mais même dans cette hypothèse, prendre en photos une table royale sans avoir conscience qu’elles peuvent être publiées ne peut qu’alimenter (encore) l’idée d’un personnel politique hors sol, si déphasé de la réalité de la société que cela en devient une question de compétence.
Un président de l’Assemblée nationale ne doit pas faire cela !
Sauf que c’est avec l’argent du contribuable que François de Rugy a financé ses quelques fastueux dîners mondains, auxquels s’ajouterait la réfection de ses appartements personnels (peintures, parquets, moquettes, salles de bains, dressing) pour la modique somme de 63 000 euros. La dite réfection a cette fois bénéficié au logement de fonction du ministre, à l’Hôtel de Roquelaure, aussi vétuste sans doute que le sont ces habitudes que l’on voudrait d’une époque révolue.
Bien sûr, on ne viendra pas au bout de la misère de l’hôpital ou de la justice, on ne freinera pas le réchauffement climatique en obligeant de Rugy à se contenter de steaks frites (notre plat national !) produits en circuits courts et dégustés entre amis. Et mettre les petits plats dans les grands au frais de la princesse (Marianne !) peut se justifier, eu égard à l’enjeu, lorsque l’on reçoit des personnes importantes. Macron ne va quand même pas servir du MacDo à Trump (encore que…) ou servir de la piquette à l’Émir d’Abu Dhabi (il préfère sans doute les grands bourgognes).
La France néo monarchique entretient le culte du tapis rouge, oubliant que ses hauts dignitaires, jusqu’au sommet de l’État, n’en sont que des serviteurs, et non l’inverse.
François de Rugy a raison d’être un bon vivant et de vouloir partager entre amis son plaisir, sa joie, sa fierté d’être le numéro 4 de la République (à l’époque des faits). Mais il lui aurait suffi de faire ce que les Canadiens font depuis des années : soit payer de son propre chef les agapes offertes à ses convives, soit les financer sur le budget de la présidence de l’Assemblée mais, alors, en publiant le lendemain sur un compte Internet la facture des denrées consommées et la liste des personnes reçues.
Transparence rime avec confiance. Et en attendant ces bonnes habitudes, voici une chanson de notre artiste Marginal Ray (ci-dessous).
Michel Taube