L’épilogue d’une affaire hors normes : Vincent Lambert, patient en état végétatif depuis presque onze ans, est décédé jeudi au CHU de Reims, un peu plus d’une semaine après l’arrêt de ses traitements, un cas devenu le symbole du débat sur la fin de vie en France.
« Vincent est décédé à 8H24 ce matin » au centre hospitalier de Reims, a précisé à l’AFP François Lambert, neveu de cet ancien infirmier de 42 ans, devenu tétraplégique en 2008 à la suite d’un accident de la route. « Nous étions préparés à le laisser partir », a ajouté François Lambert, qui a obtenu l’information du médecin traitant de Vincent.
Joint par l’AFP, Jean Paillot, l’un des avocats des parents Viviane et Pierre Lambert, a confirmé cette information, indiquant que « l’heure était désormais au recueillement » et que les parents s’exprimeraient plus tard « s’ils le souhaitent ».
Mardi 2 juillet, le docteur Vincent Sanchez, chef de service de soins palliatifs du CHU de Reims, avait engagé un nouvel arrêt des traitements, effectif depuis le mercredi 3 au soir, de ce patient de 42 ans, processus rendu possible le 28 juin par la Cour de cassation. Outre l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation par sonde, le protocole médical prévoyait notamment une « sédation profonde et continue ».
Cette annonce met un terme à un long feuilleton judiciaire et médiatique qui a vu la famille de Vincent Lambert se déchirer.
D’un côté ses parents, fervents catholiques fermement opposés à un arrêt des traitements, soutenus par leurs avocats et plusieurs associations, dont le comité « Je soutiens Vincent ». De l’autre, son épouse Rachel, son neveu François et six frères et sœurs qui dénonçaient un « acharnement thérapeutique ». Selon eux, Vincent leur avait confié oralement préférer mourir que de vivre « comme un légume », bien qu’il n’ait jamais laissé de directive anticipée.
« La mort de Vincent est désormais inéluctable » et « nous ne pouvons que nous (y) résigner », avaient déclaré lundi ses parents dans une lettre ouverte. Son père Pierre avait dénoncé dimanche « un assassinat déguisé, une euthanasie », avant de se rendre au chevet de son fils, ancien infirmier psychiatrique victime en 2008 d’un grave accident de voiture l’ayant laissé tétraplégique.
Dans le courriel adressé aux membres de la famille pour leur annoncer le nouvel arrêt des traitements, le Dr Sanchez avait appelé « à la responsabilité de chacun » afin que « l’accompagnement de M. Vincent Lambert soit le plus paisible, intime et personnel possible ».
Cette procédure avait déjà été enclenchée le 20 mai avant d’être interrompue dès le lendemain sur demande de la Cour d’appel de Paris. Mais la Cour de cassation a ouvert la voie à un nouvel arrêt des traitements le maintenant en vie. « Il n’y a plus de voies de recours possibles », avait alors assuré l’avocat de son épouse Rachel, qui s’est toujours battue pour qu’il puisse mourir conformément à ce qu’il aurait souhaité selon elle.
Imbroglio judiciaire
Sa sœur Marie Lambert s’est de nouveau entretenue lundi avec le Dr Sanchez qui lui a réaffirmé avoir « la certitude » que « Vincent ne souffre pas », grâce notamment « aux produits administrés ».
« On a beau se dire que Vincent ne souffre pas, c’est problématique de voir son corps qui périclite, Vincent suffoque, il est tout blanc (…) Il va partir, je ressens une forme de soulagement », a déclaré lundi son neveu François Lambert devant l’hôpital.
Depuis six ans, l’affaire Vincent Lambert s’était enlisée dans un interminable imbroglio judiciaire, les deux camps se répondant par recours successifs, tandis que le monde politique et médiatique s’était emparé de l’affaire.
Malgré de nouvelles tentatives pour interrompre le processus, dont une prise de parole devant l’ONU à Genève pour lancer « un appel au secours » et un ultime recours en urgence, rejeté par la tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, les parents de Vincent ont finalement vu leurs espoirs s’envoler.
Voyant dans ce processus « une folie », ils estimaient que leur fils était handicapé et non « pas en fin de vie, ni un légume » et demandaient qu’il soit transféré dans un établissement spécialisé.
En soutien aux parents, une vingtaine de personnes s’est rassemblée mardi soir devant le centre hospitalier de Reims pour protester contre l’arrêt des traitements à l’appel des « Veilleurs de Reims », un groupe né en 2013 à la suite de la Manif pour tous.
Le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour tentative d’homicide volontaire après une plainte déposée par les avocats des parents.
L’interruption, dans le cadre d’une décision médicale signée par le Dr Sanchez en avril 2018, avait été validée fin avril par le Conseil d’Etat et le recours des parents devant la Cour européenne des droits de l’Homme avait échoué.
Dominique CHARTON, Clément MELKI, Elia VAISSIERE, Frédéric DUMOULIN