François de Rugy a donc jeté l’éponge imbibée de grands crus. Dont acte. Le pourquoi du comment alimentera, en homards, la chronique. A-t-il été lâché par Macron ? Est-il victime d’un lynchage calomnieux orchestré par Mediapart, ou s’est-il fait prendre les doigts dans le pot de confiture acquise sur fonds publics à la Grande Épicerie du Bon Marché, le plus chic des grands magasins parisiens qui n’a de bon marché que le nom ? Rien de tout ça ou un peu de chaque peut-être… Le fait est que malgré les efforts entrepris par les pouvoirs publics à la suite de révélations et de scandales au cours de ces dernières décennies, la France éternellement néo monarchique persiste à chérir le culte du tapis rouge et de la voiture de fonction. Dans les hautes sphères de la politique comme au sein de la haute fonction publique, on oublie parfois qu’on est là pour servir l’État et non l’inverse.
S’agissant du sieur de Rugy, tournons la page, la sienne en tout cas, car il en faudra plus pour faire cesser les pratiques susmentionnées, qui perdureront, sans doute avec un peu plus de discrétion et de précaution.
L’écologie n’est aujourd’hui plus une option ou une mode. Elle n’est plus même un volet d’une politique. Elle est LA politique. Les verts peinent encore à le comprendre, toujours prisonniers de leur idéologie gauchisante, ne concevant l’écologie politique que dans un système collectiviste dont l’économie libérale serait exclue. Lorsque Nicolas Hulot fut nommé ministre d’État chargé de la transition écologique, une lueur d’espoir irradia la France. Enfin, un homme de conviction, pas trop dogmatique, prenait les rênes de l’Environnement, avec les moyens adéquats pour que l’ensemble des politiques mises en œuvre par le gouvernement soient marquées de son empreinte. Grande fut la désillusion. La sienne d’abord, celle des Français surtout. Nicolas Hulot n’a jamais été un vrai politique. Si regret il doit y avoir, il doit être tempéré. Il n’était pas le bon cheval que l’on imaginait.
Qui aujourd’hui, pour remplacer François de Rugy (trop tendre avec les lobbies) dont le bilan politique, en neuf mois, est reconnu unanimement comme assez maigre ? Qui donc ?
Ce sera donc Elisabeth Borne, la ministre des transports, propulsée à la tête de ce super ministère de la Transition écologique et solidaire. Sa rigueur, sa droiture, sa technicité (elle a été directrice de cabinet de Ségolène Royal dans ce même ministère) l’aideront à tenir le navire. Sera-t-elle assez politique pour faire de l’écologie, au-delà des mots, le grand rendez-vous de l’Acte II du quinquennat Macron ?
Elisabeth Borne n’a pas l’allure d’une douce potiche qui se coucherait devant tous les lobbies, ceux de Paris comme ceux de Bruxelles ? Le glyphosate ? Certes, on prendra notre temps pour ne pas fâcher les agriculteurs (les industriels de l’agriculture, en réalité). La transition énergétique : certes, on ne va pas nuire à nos fleurons de l’énergie, comme Total, ni à ceux de notre industrie automobile…
Avec Elisabeth Borne, l’exécutif s’épargne la tâche de remplacer le noble de Rugy par un écolo bobo gaucho pur jus, auquel on aurait fait vite comprendre que « ce n’est pas possible », mais qui y réfléchirait à deux fois avant de claquer la porte. Tous n’ont pas la fortune d’un Hulot !
Les élections européennes, tout comme la réalité de l’urgence climatique que la récente canicule accompagnée d’une terrible sécheresse nous rappelle encore poliment, commandent de confier le navire à un capitaine digne de le diriger dans la tempête, avec pragmatisme et autorité. Car le prochain rappel de la nature risque d’être moins tendre, moins poli : un accident climatique majeur au printemps 2022 pourrait mener à l’Élysée un Yannick Jadot entouré d’une gauche convaincue qu’il faut abattre le capitalisme pour sauver la planète. C’est surtout la France que ces idéologues incompétents abattraient, sans faire progresser la cause écologique.
La carte Corinne Lepage
Si Emmanuel Macron n’avait choisi Elisabeth Borne, nous aurions « voté » Corinne Lepage. Nous comptions titrer : « Vas-y Corinne ».
Mais les deux femmes pourront certainement se rencontrer car il va falloir retrousser les manches, regrouper les meilleurs et faire preuve d’audace pour bousculer les administrations et les conservatismes.
Corinne Lepage a été trop tôt ministre de l’Environnement (de Jacques Chirac de 1995 à 1997), ultérieurement collaboratrice de François Bayrou puis députée européenne. Après 2014, elle poursuit son combat en fondant l’association Essaim et en prenant la direction du parti LRC – Cap 21. Dans toutes ses fonctions, elle s’est toujours battue contre la corruption, pour les libertés, pour les femmes, et bien sûr, pour l’environnement. Une femme entière, sincère et tenace. Elle a même défilé avec nous en clôture du 3ème Congrès mondial contre la peine de mort en février 2007 devant l’Opéra Bastille.
En qualité d’avocate, elle pourfend les pollueurs et les empoisonneurs avec une détermination, une compétence et une efficacité dont la France, Emmanuel Macron et on gouvernement ont aujourd’hui le plus grand besoin pour réussir le pari écologique dans ses multiples dimensions. Sauf que les relations de Corinne Lepage avec le chef de l’État ne sont pas au beau fixe : après l’avoir soutenu durant la campagne des présidentielles, et avant de devenir membre du comité politique de LaREM, elle l’accuse d’être « revenu sur à peu près tout » et ne crois plus en sa flamme écologique.
Mais cette déçue du macronisme jupitérien peut (doit ?) se réconcilier avec le Macron nouveau, sorti indemne et peut-être renforcé du mouvement des Gilets jaunes, et mis par les électeurs et les jeunes devant ses responsabilités environnementales. Un certain François de Rugy, et même Édouard Philippe avaient eu des mots bien plus durs que Corinne Lepage à l’égard du candidat Macron. Cette page aussi doit être tournée.
Nous avons aujourd’hui besoin des meilleurs à chaque poste. Bonne chance Elisabeth Borne ! Et entourez-vous des meilleurs(e)s !
Michel Taube