L’Hebdo Opinion Internationale recevait hier Aymeric Chauprade, auteur de « Géopolitique d’un Roi, essai sur un Maroc moderne et multipolaire » qui vient de paraître aux Editions Ellipses. En présence de Chakib Benmoussa, Ambassadeur de Sa Majesté le Roi du Maroc en France, de Mustapha Laabid, député d’Ille-et-Vilaine, président du groupe d’amitié France – Maroc de l’Assemblée Nationale (excusé), Michel Taube, fondateur d’Opinion Internationale, a interviewé Aymeric Chauprade sur les relations franco-marocaines et les enjeux de la Fête du trône qui, mardi 30 juillet 2019, marquera les vingt ans de l’accession au pouvoir de Mohammed VI.
Lisez l’édito de Michel Taube ci-dessous et revivez l’entretien vidéo avec Aymeric Chauprade.
Opinion Internationale s’intéresse depuis longtemps au Maroc, ce pays complexe et hétéroclite, en Afrique, mais si européen à certains égards, musulman et ouvert aux autres religions, un pays que son Roi s’acharne à moderniser dans le respect de traditions ancestrales, ce qui oblige à ajuster en continu de savants dosages politiques et sociétaux, afin de ne pas rompre un équilibre si précaire.
Les ouvrages consacrés à un État et son dirigeant suscitent naturellement méfiance et scepticisme. Souvent, ils sont bêtement à charge ou obstinément à décharge. Ce ne sont pas des livres, mais des manifestes pour ou contre. Pour ou contre tout, sans nuance, et surtout, sans éléments factuels, sans preuve. Le Maroc ne mérite pas pareil traitement caricatural, précisément parce qu’il est pluriel et modéré.
Géopolitique d’un Roi du géopoliticien Aymeric Chauprade n’est pas un livre de plus sur le Maroc ni un pamphlet politique sur son roi. Il permet de découvrir l’évolution de ce pays sur les deux dernières décennies, au long d’une présentation méthodique et académique de ses multiples facettes : géopolitique, économique, sociale, culturelle… Pourtant, l’ouvrage se lit facilement, avec plaisir voire délectation. Ce n’est pas un cours de faculté, même si son auteur est un géopoliticien de renom, mais un voyage dans les coulisses, dans l’envers du décor, qui permet de savoir et de comprendre, grâce à une multitude de références incontestables. Un travail d’universitaire avec un regard de journaliste, en quelques sortes.
Alors oui, au final, le bilan du Maroc, et des vingt ans de règne de Mohamed VI est largement positif. C’est un constat, fruit d’une démonstration. Positif ne signifie certes pas parfait, la perfection n’étant qu’une utopie (pour beaucoup de donneurs de leçons) vers laquelle on ne saurait pas même tendre, tant elle est impalpable et immatérielle, s’agissant d’un État et de sa conduite.
L’ouvrage d’Aymeric Chauprade explique parfaitement comment ce roi atypique a fait progresser la démocratie à tous les échelons de la société marocaine, et avec elle, la liberté d’expression et de pensée, comment le pays s’est doté, et se dote encore, d’infrastructures et d’un cadre juridique et technique visant à attirer les investisseurs étrangers, comment Mohamed VI gère les conflits locaux, notamment au Sahara occidental et marocain, et internationaux, ce qui lui vaut d’être devenu un interlocuteur incontournable sur la scène mondiale.
Avoir l’oreille du Roi Mohammed VI permet de se faire entendre au-delà du Maroc, en particulier en Afrique, dans le monde arabe et sur toutes les rives de la Méditerranée, en particulier sa rive européenne et plus particulièrement en France. Géopolitique d’un Roinous éclaire sur les multiples raisons qui font de France et du Maroc des partenaires étroits, indissociables, inséparables. Qu’il s’agisse d’endiguer l’islam radical, de maîtriser les migrations, de relever le défi du changement climatique, de promouvoir la paix en Afrique subsaharienne…
Sur tous ces enjeux, la France et le Maroc travaillent main dans la main. Par conviction, par valeurs partagées, par intérêts réciproques.
Les deux corps du Roi
Un intérêt majeur de l’ouvrage est aussi de nous faire découvrir ce personnage énigmatique qu’est le Roi Mohammed VI, sans doute un des plus fins stratèges politiques que la planète ait connus au cours de ces vingt dernières années. Car il avait toutes les chances d’échouer, d’être balayé par les printemps arabes, d’être vaincu par le terrorisme islamique, ou pour y résister, de s’enfoncer dans une dictature obscurantiste et brutale, où les droits de l’homme n’auraient voix au chapitre…
Et pourtant, rien de cela ne se produisit ! Au contraire, le Maroc de Mohammed VI progresse. À son rythme, celui du pragmatisme, du réalisme et surtout de la pérennité, du temps long, ce qui suppose également un sens aigu du consensus. On ne change pas une société en la brutalisant, sauf à prendre le risque de la faire éclater, puis régresser, en particulier sur le terrain des droits de l’homme. L’échec des Printemps arabes en donne une douloureuse illustration. Aymeric Chauprade parle « d’élasticité » de la société marocaine. Grande qualité qui fonde, parmi d’autres talents, la modernité et la géopolitique d’un Roi.
Mohammed VI et un monarque éclairé, apprécié et respecté, mais aussi pleinement engagé au service de son pays. Il n’est pas un roi paresseux qui se contente de jouir des plaisirs de sa fonction dans ses palais dorés. Comme le devient son pays, chaque jour un peu plus, il est un souverain moderne.
Un ouvrage pour comprendre et bâtir l’avenir. Un ouvrage dont la photo de couverture (Mohammed VI aux côtés de quelques-uns grands de ce monde lors du Centenaire de la Première Guerre Mondiale le 11 novembre 2018 à l’Arc de Triomphe) inscrit dans le temps long la géopolitique subtile d’un Roi.
Michel Taube