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08H48 - vendredi 2 août 2019

Le Japon raye la Corée du Sud de sa liste de partenaires de confiance

 

Le Japon a décidé vendredi de durcir encore les restrictions commerciales envers la Corée du Sud, la rayant d’une liste d’Etats bénéficiant d’un traitement de faveur, une mesure perçue comme une sanction par Séoul et qui risque d’aggraver encore les tensions bilatérales. Cette disposition prendra effet le 28 août, a détaillé devant la presse le ministre nippon du Commerce et de l’Industrie, Hiroshige Seko. Tokyo assène ainsi un nouveau coup à Séoul avec qui existent divers différends historiques liés à l’occupation coloniale de la péninsule coréenne par le Japon (1910-1945), qui empoisonnent leurs relations depuis des lustres.

Le gouvernement sud-coréen n’a d’ailleurs pas tardé à réagir.

« Nous exprimons nos profonds regrets quant à la décision du gouvernement (du Premier ministre japonais) Abe », a déclaré la porte-parole de la présidence sud-coréenne, Ko Min-jung. « Notre gouvernement répondra sévèrement à la décision injuste du Japon ».

Un conseil des ministres exceptionnel aura lieu vendredi autour du président Moon Jae-in.

Pour les autorités japonaises, « il s’agit d’une révision de la liste nécessaire pour une gestion appropriée du contrôle de nos exportations pour la sécurité nationale », a justifié M. Seko, niant à nouveau qu’il s’agisse d’une sanction. L’expression « liste blanche » jusqu’à présent employée pour les pays bénéficiant d’un traitement de faveur disparaît au profit d’une catégorie de pays A, et B,C,D pour les autres, en fonction du niveau de confiance qui leur est accordé. La Corée du Sud passera au niveau B.

Tokyo signifie ainsi que son voisin n’est pas fiable et qu’il faut s’assurer avant d’exporter qu’il ne va pas utiliser à des fins détournées (militaires notamment) les matériaux venant du Japon.

 

Impact incertain

« Ce n’est pas un embargo sur les exportations. Cela n’affectera pas la chaîne d’approvisionnement et n’aura pas d’impact négatif sur les entreprises japonaises », a toutefois encore assuré M. Seko.

Selon Tokyo, nombre de firmes nippones disposent déjà d’une autorisation pour exporter vers des pays de catégorie B, et ce sésame sera utilisable pour la Corée du Sud.

« Si les entreprises ont des autorisations spéciales, il ne devrait pas y avoir d’entraves », a confirmé à l’AFP Hajime Yoshimoto de Nomura Securities.

Cependant vu de Séoul, cette disposition nouvelle ne sera pas si neutre que les Japonais veulent bien le dire.

La liste concerne 15 catégories regroupant chacune des dizaines de produits, allant des armes à divers appareils électroniques, en passant par des produits chimiques, des matériaux avancés ou encore des équipements pour les navires.

« L’impact est susceptible de se propager au secteur de l’automobile et des écrans organiques (OLED) parmi beaucoup d’autres », a indiqué à l’AFP à Séoul Mun Byung-ki, un chercheur de l’Association coréenne du commerce international.

Le Japon avait déjà décidé début juillet de lever l’exemption de procédure pour trois produits chimiques nécessaires entre autres à la fabrication de smartphones et de téléviseurs, une décision très pénalisante pour les géants de l’électronique sud-coréens comme Samsung et LG Electronics.

Les fabricants japonais de ces trois composés doivent en effet faire une demande d’autorisation d’exportation pour chaque commande reçue depuis la Corée du Sud, une démarche qui n’aboutit pas avant 90 jours.

 

Menace pour la sécurité régionale

Le ministre nippon du Commerce et de l’Industrie, Hiroshige Seko, devant la presse à Tokyo, le 2 août 2019 – AFP / Toshifumi KITAMURA

 

Le ministre japonais des Affaires étrangères, Taro Kono, avait indiqué dès jeudi soir que les deux pays n’étaient pas parvenu à trouver un terrain d’entente sur un de leurs contentieux historiques pour éviter cette radiation.

Il venait de s’entretenir avec son homologue sud-coréenne à Bangkok, en marge d’un sommet de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean).

Le gouvernement japonais est furieux que des tribunaux sud-coréens exigent d’entreprises japonaises qu’elles dédommagent des citoyens sud-coréens qui avaient été forcés de travailler dans leurs usines durant l’occupation japonaise jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

« Le problème du travail forcé est extrêmement grave et il compromet les bases légales des relations entre le Japon et la Corée du Sud », a déclaré jeudi M. Kono.

La patronne de la diplomatie sud-coréenne, Kang Kyung-wha, avait averti de son côté jeudi que « le cadre de coopération en matière de sécurité entre la Corée du Sud et le Japon pourrait être affecté » par les mesures prises par Tokyo.

Elle a notamment indiqué que la reconduction d’un accord de partage de renseignements militaires pourrait être compromise.

Le Japon et la Corée du Sud sont tous deux alliés des Etats-Unis, dont dépend en grande partie leur sécurité notamment face à la menace nord-coréenne.

 

Miwa SUZUKI, Karyn NISHIMURA

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