Paris, jeudi 22 août : Boris Johnson affiche un sourire radieux, en arrivant à l’Elysée en cette fin de matinée ensoleillée. L’été est revenu, mais sans canicule. Un temps idéal pour discuter tranquillement de problèmes qui fâchent lors d’un déjeuner de travail. Il s’agit de préparer le G7 de Biarritz, bien sûr, mais surtout d’éviter le hard Brexit que l’imprévisible Johnson nous promet si l’Europe n’accepte pas ses conditions.
Emmanuel Macron, qui l’accueille sur le perron de l’Elysée, est moins souriant. Il sait que la discussion aura un arrière-goût de viande bouillie à la sauce à la menthe (heureusement ce plat ne figurera pas au menu du déjeuner) et qu’il faudra jouer serré. Angela Merkel, avec laquelle Boris Johnson s’est entretenu la veille en tête à tête, ne s’est pas montrée plus flexible que le président français, même si devant les médias elle a savamment noyé le poisson (un fish and chips bien amer en l’occurrence).
A 13h30, Macron raccompagne Johnson, toujours aussi souriant, sans déclaration ni commentaire. En fin d’après-midi, des « sources bien informées » laissent penser qu’une solution a été trouvée pour que le divorce entre le Royaume Uni et l’Europe ne soit pas bâclé et que ses effets soient maîtrisés. Le Premier ministre britannique sait qu’à Westminster sa majorité ne tient qu’à un fil et qu’après la peur de l’Europe, ses concitoyens pourraient craindre davantage encore les effets d’amarres larguées précipitamment, en pleine tempête. Fantasque, mais pas fou, l’ami Johnson !
Biarritz, dimanche 25 août.
L’été s’est installé dans la station balnéaire transformée en camp retranché. Le G7 bat son plein depuis la veille : Hong Kong, Poutine, l’Iran, le climat, la croissance… La carte postale des 25 chefs d’Etats et grands de ce monde a été réussie. Personne n’a manqué à l’appel… En sera-t-il de même à la fin ?
A 13h30, Donald Trump et Boris Johnson s’éclipsent soudainement, hors protocole. Presque une heure d’entretien, sans conseillers, les yeux dans les yeux. Une nuée de journalistes les assaillent, abandonnant quasiment les autres chefs d’Etats et de gouvernements. On sent que c’est là, entre quatre murs et quatre yeux, que les choses se passent.
Mais rien ne se passe. Les deux hommes, dont l’air de famille semble soudain évident, rivalisent d’intensité dans leur sourire façon publicité pour dentifrice. Mais aucun ne pipe mot sur la nature de leurs échanges.
A 15h, contre toute attente, Boris Johnson annonce qu’il effectuera une déclaration à la presse à 16 heures, en présence de Donald Trump. Emmanuel Macron et Angela Merkel semblent surpris, incrédules même, à en croire leur masque figé et inquiet. Ils n’étaient visiblement pas dans la confidence. Le Président français, président en exercice du G7, se précipite sur Johnson comme un journaliste en quête d’un scoop. L’Anglais tape sur l’épaule du Français, comme pour le rassurer, sans jamais quitter son sourire et sa bonhomie. Macron à son tour sourit.
16h20. Les (rock) stars du jour se font attendre. Ce n’est plus un G7, mais une rencontre bilatérale entre Trump et Johnson avec les autres comme spectateurs. Il n’y a d’œil et d’oreille (de journalistes et reporters) que pour eux.
16h30 : Boris Johnson se présente au pupitre. Donald Trump est bien à ses côtés, derrière un autre pupitre. Le dirigeant britannique commence par se féliciter de la qualité des échanges sur les dossiers internationaux. Le baiser de la mort. Suit une diatribe contre ce même G7, incapable de prendre la moindre décision.
16h35 : contre toute attente, Boris Johnson commence à s’en prendre à l’Union européenne, ce « machin » (il reprend le terme en français) insipide et inefficace qui a tant coûté au Royaume Uni et nuit aux pays qui s’acharnent à la défendre.
16h40 : Boris Johnson annonce que son pays quittera définitivement l’Union européenne le 31 octobre à minuit, qu’il considère ne pas devoir soumettre au vote du Parlement britannique une décision qui a été prise souverainement par le peuple lui-même lors du référendum du 23 juin 2016, et qu’il met donc fin à toute discussion en vue d’aménager le Brexit. « Le Royaume Uni agira en fonction de ses seuls intérêts », précise-t-il. Il termine son discours par une mise en garde à l’Europe : si elle devait chercher à nuire à son pays, si elle décidait par exemple de « libérer » les migrants de Calais et de Sangatte pour qu’ils traversent la Manche, il utiliserait le levier fiscal sans modération et transformerait l’ensemble du Royaume Uni en paradis fiscal.
16h50 : Boris Johnson, en maître de cérémonie, passe la parole à Donald Trump. Le président américain commence par s’approcher de lui pour l’enlacer et le congratuler. L’hôte de la Maison blanche annonce ensuite la mise en place au 1ernovembre du plus vaste accord commercial et douanier jamais signé par les Etats-Unis. « L’Union entre les Etats-Unis et le Royaume Uni sera plus large et plus fructueuse que ne l’est le traité de l’Union Européenne. » Il se fait à son tour l’apôtre du bilatéralisme et invite tous les Etats de l’Union européenne à suivre l’exemple britannique : quitter l’UE et s’engager sur la voie d’accords gagnants – gagnants avec Washington.
17h : Ensemble Boris Johnson et Donald Trump annoncent la création au 1erjanvier 2020 d’un nouvel organisme, TheUnited States of America & United Kingdon Union, The UUU.
17h10 : la presse exulte. Ça valait le déplacement ! Les politiques sont médusés.
18h : Emmanuel Macron improvise un point presse avec Angela Merkel. Dans son intervention aux accents de discours de clôture anticipé, le président du G7 commence par faire comme si rien n’était. Il se félicite des résultats du Sommet de Biarritz et notamment de la Déclaration spécifique signée par les 25 chefs d’Etats présents sur la crise de Hong Kong. Mais très vite il dénonce « ce coup de Trafalgar » de la perfide Albion et dénonce le cavalier seul des Anglais et des Américains.
Rome, dimanche 25 août, 18h30. Matteo Salvini publie un communiqué de presse enjoignant le président de la République italienne à convoquer des élections législatives anticipées et s’engage, s’il devient président du Conseil, à organiser un référendum sur la sortie de l’Italie de l’Union Européenne et son adhésion, en accord précise-t-il avec Donald Trump et Boris Johnson, à cette super – zone de libre-échange avec les Etats-Unis et le Royaume Uni.
Soirée du 25 août et matinée du lundi 26 août : toutes les délégations repartent de la belle Biarritz en se disant que le Vieux Continent est en train de basculer dans un nouveau monde et que l’Union Européenne (sans parler du G7) aura du mal à en survivre.
Il se dit qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel, sortant vers 23h30 de l’Hôtel du Palais où s’était tenu un Sommet du G7 chaotique, se seraient promenés sur la plage du Miramar. Ils auraient contemplé en silence pendant de longues minutes le Phare de Biarritz et l’Atlantique dont l’horizon se perd au nord, par-delà la Bretagne, vers l’Angleterre et, plus loin, beaucoup plus loin à l’ouest, vers l’Amérique…
Michel Taube
Des « fake stories » de Michel Taube et Raymond Taube, rédacteur en chef d’Opinion Internationale et directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique