Décideurs engagés
13H40 - samedi 24 août 2019

Sarkis Sarkissian, un Arménien à Strasbourg

 

Attaché, dans notre rubrique – signature « Décideurs engagés », à promouvoir des dirigeants de PME et de TPE qui innovent et bâtissent la France de demain, Opinion Internationale vous propose un entretien avec Monsieur Sarkis Sarkissian, chef d’entreprise d’origine arménienne, qui développe ses affaires dans une région, l’Alsace, plus ouverte qu’on ne le croit à la diversité…

Opinion Internationale lance courant septembre la rubrique Alsace Monde pour mettre en valeur les formidables atouts d’une région carrefour, capitale européenne au rayonnement international.

Monsieur Sarkis Sarkissian, vous dirigez l’entreprise « Transport Sarkissian », transporteur à Strasbourg. Qu’est ce qui vous a conduit à choisir l’Alsace et pourquoi Strasbourg ?

Je viens d’Erevan et mes parents sont arrivés à Strasbourg en 2001. J’avais 14 ans. La chute du mur de Berlin a bouleversé la donne géopolitique de toute la région de l’ex-URSS et la Russie a dû laisser les anciennes républiques s’émanciper. Mes parents, qui importaient des fleurs d’Arménie sur tout le marché de Saint-Petersbourg, en ont profité pour partir de Russie et la France, pays des libertés, et Strasbourg, à la fois capitale provinciale et capitale européenne, étaient une évidence.

 

Vous avez 33 ans, vous êtes chef d’entreprise avec 14 salariés (vous inclus) dont 11 chauffeurs. Comment fait-on pour réussir un tel parcours ?

Les débuts ont été durs car un adolescent ne pouvant communiquer avec les jeunes de son âge se cherche et doit trouver des moyens personnels pour s’épanouir. Après un bac en électronique, j’ai très vite cherché à monter mon entreprise. C’était une évidence. J’ai passé ma capacité, emprunté 10 000 euros à ma famille et j’ai démarré ma première tournée de livraison express en messagerie.

Ma force a été de pouvoir entraîner avec moi des coreligionnaires pour conduire les véhicules et assurer les commandes des grands donneurs d’ordre. J’ai toujours été particulièrement strict en matière de ponctualité, de service de qualité. Les résultats ont suivi naturellement.

 

 

Comment analysez-vous votre gestion d’entreprise ?

Les dirigeants de petites entreprises d’origine étrangère sont rarement formés. On les laisse partir à l’aventure et c’est l’instinct qui dicte les décisions. C’est très grisant mais parfois très dangereux.

Par exemple, dans le transport de véhicules légers, dans la messagerie que tout le monde connaît avec Amazon et les commandes en ligne, les marges sont devenues nulles voir négatives. Le déséquilibre entre les gros et les petits est devenu dangereux. Les très gros imposent à toute la chaîne des conditions où tout le monde perd.

J’ai donc décidé de diversifier mon activité en passant dans le transport de poids lourds. Et là, l’instinct ne suffit pas. Il faut se former et faire de belles rencontres. Vos partenaires doivent alors vous accompagner réellement, vous considérer comme un individu et non pas comme des honoraires ou un simple client.

Je n’ai pas fait de formation de gestion et mes partenaires doivent consacrer du temps pour m’expliquer les enjeux et les dangers d’une croissance soutenue.

 

Justement, êtes-vous bien entouré ?

Clairement oui et non. Par exemple, il y a un mois, mon aventure aurait pu se terminer en catastrophe car j’ai voulu aller un peu vite dans ma croissance. J’ai la chance alors d’avoir eu deux banquiers et non pas un seul. L’un des deux, la Kolb pour ne pas la citer, m’a véritablement mis en danger en ne respectant ni la loi ni les principes élémentaires de respect. Ces mots sont forts mais gérer une entreprise, c’est 18h par jour de travail, de stress et les partenaires ne doivent jamais l’oublier. Les conséquences auraient pu être graves et je ne me suis pas privé d’informer la Banque de France des agissements et des manques de cette banque. Nous avons d’ailleurs instruit une plainte pour préjudice subi.

De l’autre côté, ma banque historique, le Crédit mutuel, a été géniale. Elle m’a clairement sauvé. Je ne peux pas rentrer dans les détails mais ce n’est pas une question d’enseigne mais de personne. Mon banquier du Crédit Mutuel peut aller demain à la Kolb, je le suivrai probablement.

Aujourd’hui, je suis mieux entouré, j’ai pris un nouvel expert-comptable plus humain et plus adapté à mon secteur.

 

Quelle doit être la principale qualité d’un dirigeant ?

Il faut raisonner en réseau et être capable de trouver des partenaires compétents, ayant de l’empathie car sans cela, gérer une entreprise est impossible.

 

Propos recueillis par Daniel Aaron