Alors qu’au plus fort de la crise des gilets jaunes, d’aucuns invoquaient la fin du quinquennat Macron, le succès relatif du Grand débat, le résultat inespéré des élections européennes et la situation internationale ont au contraire permis à Emmanuel Macron de se relancer et d’initier l’acte II de son mandat et d’espérer (déjà ?) sa réélection en 2022.
Encore lui faut-il se débarrasser d’une image trop jupitérienne qui ne correspond pas nécessairement à la réalité du personnage, lui qui est capable d’échanges chaleureux et d’empathie, comme en témoignent ses bains de foule (les plus longs de la Vème République) ou son « itinérance mémorielle », hommage aux Poilus de la Grande Guerre, en novembre 2018.
C’est justement l’homme qui orchestra cet événement qui est aujourd’hui nommé à la direction de la communication élyséenne (et non l’auteur de ces lignes comme nous l’annoncions le 1er avril dernier).
La com’, entend-on parfois dire, ce n’est que du vent. Pourvu néanmoins qu’il soit porteur !
Parfois, la communication est le masque qui dissimule une réalité peu avouable ou une vacuité désespérante. Je communique, donc je suis, et je suis à vos yeux tel que je veux que vous me voyiez. La com’ est un prisme déformant dont le communicant maitrise la courbure. Elle est la différence entre ce qui est et le sentiment qu’on en a, ou plutôt qu’on doit en avoir. Alors qu’elle ne devrait être que l’écume des choses, elle devient la chose. Elle est la forme, l’emballage, l’écran, la vitrine.
Quand tout devient com’, le fond devient quantité négligeable. Souvent, la com’ n’est que bluff, car elle ne fait qu’apposer une fragile couche de vernis sur une réalité intangible. Un artiste milliardaire doit être de gauche (ou faire semblant), un politique, désormais, doit être écolo. Mais sur ce dernier point – et sur bien d’autres -, il ne peut plus faire semblant. La forme ne peut plus se permettre d’éclipser le fond, encore moins de pervertir la réalité, sans quoi, la com’ serait escroquerie.
Pour certains (il suffit de lire « le coup de com’ permanent » d’Arnaud Benedetti), la com’ de Macron n’est qu’escroquerie. La nomination à l’Elysée de Joseph Zimet à la direction de la communication, chargé de la politique intérieure, au côté de Nathalie Baudon à l’international, en est une tentative de démenti cinglante…
Joseph Zimet, un historien… Cela en aura surpris plus d’un. Âgé de 46 ans, le nouveau Monsieur Com’ de l’Élysée n’a pas le profil du marchand d’images. Ce n’est pas pour autant que le monde politique lui est étranger, ayant notamment été baigné de politique avec son ex-épouse Rama Yade, ancienne ministre des droits de l’homme de Nicolas Sarkozy. Proche des idées, en définitive très macroniennes, de Dominique Strauss-Kahn, il fut collaborateur de plusieurs personnalités de gauche, comme Bertrand Delanoë, Christian Sautter, Jean-Marie Bockel, alors ministre de Nicolas Sarkozy.
Joseph Zimet, fils du grand chanteur yiddish Ben Zimet, organisa fin 2018 l’itinérance mémorielle d’Emmanuel Macron, en qualité de directeur de la mission du centenaire de la Grande Guerre. Nommé à ce poste par Nicolas Sarkozy, confirmé par François Hollande puis par Emmanuel Macron, Joseph Zimet est un homme de conviction et non de dogme.
Ce dernier arrive au moment où commence l’Acte II du quinquennat. Le jeune président a fait ses classes et achevé son apprentissage. Il sait que rien ne lui sera épargné et que les tempêtes qui s’annoncent pourraient être plus violentes encore que le vent jaune qui souffla sur la République. Joseph Zimet n’a pas été choisi pour faire croire que… L’empathie du chef de l’État doit être effective, tout comme son inflexion écologique. Sans être dupe, car la politique est un combat intraitable : les meilleures idées, comme les pires, ne peuvent prospérer que si elles sont incarnées. La relation entre le locataire de l’Élysée et le peuple devra être plus directe tout en réhabilitant les corps intermédiaires. La quadrature du cercle, pourrait-on croire, mais aussi un challenge que Joseph Zimet devra réussir avec le président de la République.
Que le chef d’orchestre de plus de cinq années de commémorations de la Grande Guerre s’occupe désormais de la communication élyséenne est un message politique : le nouveau Macron se veut d’un style jupitérien moins vertical, moins arrogant, et désormais plus visionnaire et attaché à inscrire le court terme dans le temps long.
Dans ses différentes sorties médiatiques depuis la commémoration des soixante-quinze ans du débarquement en Provence le 15 août, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de vanter l’esprit de résistance du peuple français, celui qui ne se résigne jamais.
Une façon de parfaire, avec les conseils de l’historien mémoriel désormais communicant qu’est Joseph Zimet, le récit de l’art d’être français…
Michel Taube