Le monde va de plus en plus mal ?
Au Soudan, un peuple enfoui dans les oubliettes de l’obscurantisme islamique et autoritaire s’est réveillé. La Ligue des professionnels (les commerçants et artisans en somme) et les femmes se sont soulevés. Seules et seuls contre tous ! Aujourd’hui, une femme, Asma Abudllah, est la nouvelle ministre des Affaires étrangères soudanaise. Personne n’y aurait cru il y a trois mois.
En Tunisie, la démocratie fait son chemin et le pays où les femmes arabo-musulmanes sont presque reines commencera à voter pour son destin dimanche 15 septembre au premier tour d’une élection présidentielle incertaine. Si la Tunisie est le seul pays arabo-musulman à avoir réussi pour l’heure son printemps arabe, elle le doit notamment au rôle pivot des femmes tunisiennes, attachées plus que les hommes à la sécularisation du politique et à sa séparation du religieux. Il est donc d’autant plus regrettable que les progressistes et indépendants se présentent devant les électeurs en ordre dispersé dimanche prochain : 25 candidats face à un seul candidat islamiste ! Nous y reviendrons dans la semaine…
En France, ce dimanche 8 septembre, un événement majeur est passé presque inaperçu… Deux femmes imams ont conduit la prière ! Problème : le lieu du culte est resté secret. Tout est dit de l’état des forces en France. Pendant que dans un des pays présentés parmi les plus rétrogrades du monde, les femmes crient LIBERTÉ, tandis qu’au sud de la Méditerranée les femmes résistent à la tentation islamiste, en France, elles doivent se cacher pour exercer leur culte.
Anne-Sophie Monsinay et Eva Janadin sont des héroïnes, des avant-gardistes. Tous les musulmans de France devraient être derrière elles. D’autant que rien dans le Coran n’interdit à des femmes d’officier. Dans la tradition, une femme, Oum Waraqa, a été désignée par Mahomet pour désigner la prière.
Pays des lumières riche de la plus grande communauté musulmane hors monde arabo-musulman, la France a tous les atouts pour faire émerger un islam sécularisé, un islam républicain, un islam des lumières. Il en devrait être de même d’ailleurs dans tous les cultes, comme le demande depuis des années Hélène Pichon, auteure de l’ouvrage de référence, l’Eternel au féminin.
L’instauration d’un Islam de France, d’un Islam des Lumières et du juste milieu, d’un Islam de la modernité surtout, serait-il en train d’échouer au profit des tendances salafistes et fréristes ?
Le mardi 17 septembre prochain, des religieux de tous les cultes se réuniront à Paris à l’initiative de Ghaleb Bencheick, président de la Fondation de l’Islam de France, et de la Ligue islamique mondiale, en vue de présenter, devant un parterre d’éminents religieux et spécialistes des cultes, la Charte de La Mecque portée par cette organisation qui est parmi les bras armés (spirituellement bien entendu…) de la diplomatie religieuse saoudienne.
Nous nous y rendrons pour poser une question aux organisateurs et aux intervenants français : soutenez-vous l’initiative courageuse de nos imames françaises ? Nous n’oserons consulter les représentants de La Mecque dont nous imaginons la réponse…
Mais l’occasion est trop belle de faire tomber les masques et, sur ce point aussi, nous reviendrons cette semaine… Car il ne faut plus qu’une femme imame se cache pour officier en France. Nous devons toutes et tous les y aider. Saluons à ce titre la réception donnée par Emmanuel Macron, président de la République, le 26 mars 2018 à l’imame danoise Sherin Khankan [notre photo].
Osons une suggestion : le chef de l’Etat serait inspiré de recevoir mardi prochain Anne-Sophie Monsinay et Eva Janadin, en marge du colloque du Palais Brogniart.
Car surtout ce sont aux dirigeants de l’Islam de France de soutenir ces femmes – courage et de ne plus se contenter de nous bercer de discours sur la tolérance.
Michel Taube