A la RATP, une grève monstre contre la réforme des retraites
Du jamais-vu depuis 12 ans : les transports en commun de la RATP circuleront au compte-gouttes vendredi en région parisienne, où le trafic de la régie sera fortement perturbé par une grève très suivie, première salve des mobilisations annoncées contre la réforme des retraites.
Avec dix lignes de métro fermées, d’autres « partiellement ouvertes », une poignée de RER uniquement aux heures de pointe et seulement un tiers des bus en circulation, le trafic sera « extrêmement perturbé », a prévenu la direction de la RATP.
« Un premier coup de semonce », avertissent de leur côté les syndicats qui ont appelé à la grève, dont les trois organisations représentatives, Unsa, CGT et CFE-CGC. Ils ont décrété la « mobilisation générale » contre la réforme des retraites et pour le maintien du régime spécial des agents de la régie des transports parisiens. Les syndicats soulignent que ce régime tient compte des « contraintes spécifiques » et des « pénibilités liées à (leur) mission de service public ». Un dispositif appelé à disparaître avec la mise en place du « système universel » de retraite par points voulu par le président Emmanuel Macron.
A la RATP, ce sera la plus forte mobilisation depuis la grève du 18 octobre 2007, déjà contre une réforme des régimes spéciaux de retraite, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Ce jour-là, où les cheminots de la SNCF étaient aussi en grève, le réseau RATP avait été quasiment paralysé. La mobilisation massive attendue vendredi « montre le niveau de mécontentement des agents de la RATP », a relevé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, jeudi sur RTL.
Dans l’entreprise, « les agents sont très inquiets », a dit à l’AFP Thierry Babec, secrétaire général de l’Unsa-RATP, premier syndicat de la régie. « Nous voulons le maintien des garanties spécifiques de notre régime de retraite » car, « pour nous, la seule compensation réelle aux contraintes du service public, comme le travail le week-end, la nuit, c’est la retraite », a-t-il expliqué. Avec le régime universel, « on n’aura plus de compensation », a-t-il critiqué.
« C’est la réforme de trop. Il y a une prise de conscience des salariés », a estimé Bertrand Hammache, secrétaire général de la CGT-RATP (deuxième syndicat). Et cette réforme arrive dans une entreprise « en pleine transformation », avec l’arrivée de la concurrence fin 2024, ainsi qu’un « plan de productivité » entraînant des suppressions de postes et « l’intensification du travail pour ceux qui restent », a-t-il déploré.
Pour la CFE-CGC (troisième organisation), avec cette réforme, « les salariés ont beaucoup à perdre » et « les encadrants seront particulièrement pénalisés ». « Le régime de retraite fait partie du contrat social » entre l’entreprise et ses salariés, il ne doit pas être « remis en cause sans compensation », souligne le syndicat des cadres, qui veut avec la grève « peser sur les négociations à venir ».
Négocier dans quelles conditions ? Le Premier ministre a répété jeudi que les facteurs de pénibilité et de danger seraient intégrés au projet de loi de la réforme. Un texte qui sera voté d’ici « l’été prochain ».
Auparavant, se tiendront des « consultations citoyennes », jusqu’à la fin de l’année, et des concertations avec les partenaires sociaux, « jusqu’au début du mois de décembre ». Mais les opposants à la réforme n’attendront pas. Lundi, les avocats, avec les pilotes de ligne, hôtesses de l’air, stewards et professions médicales, manifesteront à Paris pour défendre leurs régimes « autonomes » de retraite complémentaire.
FO rassemblera contre la réforme le 21 septembre dans la capitale, avant la journée nationale d’action organisée le 24 septembre par la CGT, rejointe par Solidaires et SUD-Rail.
Réforme des retraites : Philippe en opération déminage
« Confiance », « concertations », « justice » et « temps »: Édouard Philippe a tenté jeudi de déminer le terrain de la future réforme des retraites, tout en affirmant la détermination de l’exécutif à boucler ce dossier hautement inflammable d’ici l’été prochain. A la veille d’une journée de blocage dans les transports parisiens, et désireux de « lever les inquiétudes, les malentendus », le Premier ministre a avancé avec d’infinies précautions sur le sujet des retraites, en égrenant devant le Conseil économique, social et environnemental les gages apportés par l’exécutif.
« La méthode que nous voulons utiliser pour ce grand projet, c’est celle de l’acte II: plus d’écoute, plus de dialogue avec les corps intermédiaires », a souligné Édouard Philippe, qui doit intervenir au journal télévisé de 20H00 sur TF1 jeudi soir pour poursuivre son travail d’explication. Il s’agissait aussi de répondre au procès en immobilisme instruit notamment par les oppositions, qui soupçonnaient l’exécutif de vouloir temporiser sur la refonte après déjà 18 mois de consultations et un rapport remis mi-juillet par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye.
Ainsi, le projet de loi qui définira le nouveau système universel par points et les générations concernées devra être voté au Parlement « d’ici la fin de la session parlementaire de l’été prochain », soit juillet 2020, a annoncé M. Philippe, répétant que c’était selon lui « le bon moment » pour agir. Mais dans cet intervalle, l’exécutif veut multiplier les discussions car « la réforme n’est pas écrite », a martelé le Premier ministre. Les « consultations citoyennes », dans l’esprit du grand débat, s’étaleront de fin septembre « jusqu’à la fin de l’année », et se déclineront en réunions publiques et sur une plateforme numérique.
En parallèle, des concertations avec les partenaires sociaux « vont commencer dès la semaine prochaine » et « dureront jusqu’au début du mois de décembre ». Ces discussions porteront sur quatre thèmes, dont les « conditions d’ouverture des droits », en particulier « l’importante question de l’âge (de départ) et de la durée (de cotisation), et le « pilotage financier du système » pour le ramener à l’équilibre d’ici 2025, date d’entrée en vigueur du nouveau système.
Et les représentants des catégories professionnelles « impactées par la réforme » seront aussi reçus « d’ici le 15 octobre » par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye et les ministres concernés « pour dresser un état des lieux précis et chiffrés et pour se fixer un calendrier de travail », a indiqué M. Philippe.
Les avocats ont annoncé une mobilisation « extrêmement forte » lundi contre la réforme des retraites lors d’une manifestation parisienne à laquelle se joindront des médecins, infirmières, kinés, pilotes de ligne, hôtesses et stewards.
Migrants : l’Italie pousse à une « répartition automatique » entre Européens
L’Italie négocie en Europe l’organisation d’un système de « répartition automatique » des migrants secourus en Méditerranée, un dispositif provisoire dont la mise au point a été confirmée jeudi par une source diplomatique à Bruxelles. « Les discussions (sur ce mécanisme) avancent », a indiqué jeudi à l’AFP une source diplomatique à Bruxelles, précisant qu’une réunion d’experts doit se tenir vendredi à Malte sur le sujet pour préparer un mini-sommet entre plusieurs ministres de l’Intérieur, prévu vers la fin du mois. Porté notamment par l’Italie, ce dispositif temporaire de répartition a été présenté mercredi à Bruxelles par le chef du gouvernement Giuseppe Conte. Il impliquerait la France et l’Allemagne, qui y seraient favorables, ainsi que l’Espagne, le Luxembourg, la Roumanie, le Portugal et Malte, affirment jeudi les journaux italiens Repubblica et La Stampa.
M. Conte, qui a vu mercredi à Bruxelles la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, a indiqué aux médias italiens avoir rencontré de la part de ses interlocuteurs européens « une grande disponibilité pour trouver tout de suite un accord sur la redistribution des migrants sauvés en mer, même s’il n’est que provisoire ».
Le mécanisme devrait être discuté le 18 septembre lors d’une rencontre à Rome entre le président français Emmanuel Macron et Giuseppe Conte, puis de façon plus détaillée le 23 septembre à Malte par les ministres de l’Intérieur de divers pays dont la France, l’Allemagne, Malte et la Finlande, et des représentants de la Commission européenne. M. Conte a aussi évoqué, devant la presse italienne, de « possibles pénalités financières » pour les pays européens qui refuseraient d’intégrer le dispositif, dans une allusion aux quatre pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) qui refusent l’accueil de migrants.
Le projet de répartition serait temporaire, dans l’attente de la renégociation, réclamée par Rome, du règlement européen de Dublin, qui confie le traitement des demandes d’asile au pays d’arrivée.
Selon La Repubblica, dans le cadre du « dispositif automatique », la France et l’Allemagne accepteraient d’accueillir chacune 25% des migrants secourus, l’objectif étant qu’une dizaine d’autres pays s’y associent. L’Italie en accueillerait 10% pour tenir compte du fait qu’en 2019, « la grande majorité des migrants ont débarqué de façon autonome dans la péninsule, et y sont restés », selon Repubblica. « Je ne peux pas confirmer ces chiffres de répartition. Cela dépendra du nombre de pays qui participeront au mécanisme », a déclaré à l’AFP la source diplomatique à Bruxelles. Selon cette source, plusieurs questions demeurent en suspens comme le choix du pays où auront lieu les débarquements, comment et dans quel pays les migrants seront répartis, et si ces répartitions concerneront les seuls demandeurs d’asile ou également les migrants économiques.
La contrepartie d’un tel accord serait la réouverture des ports italiens aux navires de secours, un accès fermé par le gouvernement précédent sous l’impulsion du patron de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini. Une réouverture des ports italiens mettrait un terme aux négociations bateau par bateau, comme celles qui se sont succédé depuis un an avec les ONG dont certains navires ont dû attendre plusieurs semaines en mer.
Selon un rapport publié mi-août par le gouvernement italien, 8.691 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes sur les 12 mois précédents, soit 80% de moins que sur la même période précédente.
Migration et « mode de vie européen » : von der Leyen sous pression
La nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen était sous pression jeudi pour changer l’intitulé du portefeuille d’un commissaire liant migration et « protection du mode de vie européen », face aux critiques d’eurodéputés et même de son prédécesseur Jean-Claude Juncker.
La question est sensible, dans la perspective des auditions (prévues du 30 septembre au 8 octobre) des nouveaux commissaires par le Parlement européen, qui doit adouber par un vote le nouvel exécutif européen.
Le Grec Margaritis Schinas (PPE, droite) a été nommé vice-président pour « protéger notre mode de vie européen » et chargé notamment du dossier des migrations, dans la nouvelle équipe annoncée mardi par l’Allemande Ursula von der Leyen.
L’intitulé a suscité la polémique dans les rangs du Parlement européen et de la part d’ONG dénonçant une « rhétorique empruntée à l’extrême droite ».
Le président sortant de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui appartient comme Mme von der Leyen au PPE (conservateurs), première force dans l’hémicycle, a ajouté sa voix jeudi à la polémique. « Je n’aime pas l’idée que le mode de vie européen s’oppose à la migration », a-t-il déclaré sur Euronews. « Accepter ceux qui viennent de loin fait partie du mode de vie européen », a-t-il insisté.
Une porte-parole de la Commission a toutefois refusé d’y voir une critique.
Socialistes, libéraux et Verts, les trois principaux groupes rivaux du PPE au Parlement, réclament l’abandon de ce titre.
« Le moment est venu pour le Parlement de dire qu’il ne peut accepter un tel intitulé », a déclaré à l’AFP l’eurodéputée Karima Delli (Verts), présidente de la commission transports et tourisme, qui a soumis l’idée d’une lettre de protestation à adresser à Mme von der Leyen.