Été 9/12
le long des glycines
aucune grappe ne bouge
malgré l’éventail
Été 10/12
un pylône chante
les étourneaux se rassemblent
à l’heure de pointe
Été 11/12
au sommet du pin
la cigale voit le ciel
nuit silencieuse
Été 12/12
parapluies en fuite
les embruns cinglant la grève
inondent le front
Les haïkaï (haïku au singulier) expriment l’excellence de la poésie japonaise. En 17 mores (son élémentaire phonétique), en un verset composé strictement en trois segments 5-7-5, calligraphié sur trois lignes en français (une ligne verticale en japonais), chaque haïku tente d’exprimer la quintessence de l’être, d’un état, parfois d’une actualité. Les haïkaï rythment généralement les saisons. Le poète Olivier Peraldi nous donnera à lire chaque dimanche matin un haïku de sa création à la une d’Opinion Internationale. Du pur bonheur ! Olivier Peraldi a publié, entre autres, l’ouvrage Ombres & Couleurs ou le voyage du Corbeau d’Arcimboldo au Mont Fuji aux Editions Caractères. Sa dernière publication : L’An Jeune, une œuvre à laquelle sont associés le musicien Filbö et le plasticien Richard Ferri-Pisani, qui entremêle poésie, musique et art graphique. Grâce à ces haïkaï, Opinion Internationale porte bien son nom dans cette nouvelle rubrique qui rapproche Japon et francophonie. Le premier haïku d’Olivier Peraldi serait-il un clin d’œil aux gilets jaunes ? Michel Taube
Précédents haïkaï :
Hiver 1/12
soleil d’hiver
un rond-point dans la brume
quel chemin prendre
Hiver 2/12
le vent se lève
l’année qui naît dort encore
loin des promesses
Hiver 3/12
la neige attendue
les enfants se poursuivent
maître bienveillant
Hiver 4/12
une question me vient
rien d’autre qu’innocence
flocon dans le vent
Hiver 5/12
sommets enneigés
l’être aimé languit au bain
chaleur d’étuve
Hiver 6/12
l’essence a gelé
son mat du jerrican
l’hiver fait son show
Hiver 7/12
foulant la poudreuse
sans ailes et sans intrigue
oh je m’envole
Hiver 8/12
là-haut une trace
branche poudrée de neige
le thé infuse
Hiver 9/12
mais où est l’hiver
voie lactée domestiquée
diodes d’insomnie
Hiver 10/12
les arbres chétifs
veillent la croisée close
le vieux va mourir
Hiver 11/12
le pas incertain
à la suite du torrent
vifs reflets d’argent
Hiver 12/12
modestes bouleaux
j’écris sur vos parchemins
jours silencieux
Printemps 1/12
réveil en sursaut
le premier chant du printemps
arrivé si tôt
Printemps 2/12
ombres glissantes
sous la porte encore fermée
le chat s’étire
Printemps 3/12
ô rayon naissant
même les poussières singent
la joie de vivre
Printemps 4/12
le maître de chant
espère encore quelque accord
généreux prunier
Printemps 5/12
formidables tours
nuageux torticolis
surtout vues d’en bas
Printemps 6/12
la main incertaine
trois sakura sur le cœur
l’amour peut-être
Printemps 7/12
le jour décline
au bain de fleurs de prunier
l’être aimé languit
Printemps 8/12
ils vont deux à deux
lune et reflet de lune
pluvieuse veillée
Printemps 9/12
assis au jardin
ils ne virent rien du deuil
du village clos
Printemps 10/12
là-bas le jardin
l’escargot sur la vitre
sa peine éperdue
Printemps 11/12
l’ombre du prunier
m’accueille moi l’étranger
c’était donc si simple
Printemps 12/12
soleil déclinant
l’autoroute est encombrée
tu ne viendras pas
Été 1/12
souple bananier
la palme frôlant le vent
l’être aimé sommeille
Été 2/12
jarre dans l’entrée
aux lents poissons désœuvrés
l’eau fraîche d’été
Été 3/12
le pas incertain
quittant l’allée des pivoines
soudain la chaleur
Été 4/12
en ce soleil du
six août deux mille dix-neuf
je recherche l’ombre
Été 5/12
recompter encore
les six cent quarante-quatre
grues de Sadako
Été 6/12
sixième nuage
à se grimer en serpent
je marque une halte
Été 7/12
le vent bleu d’été
tu le crois dans ma chambre
mouche vrombissante