« Pour causer, tu causes. Mais pour oser, tu oses ?! » Cette réplique est tirée du film Full Metal Jacket de Stanley Kubrick. Elle pourrait être le slogan de campagne des jeunes et des associations qui s’adressent aux grands de ce monde en ce jour de Sommet onusien sur le climat…
Alors que partout dans le monde se multiplient les manifestations en faveur d’un traitement effectif de l’urgence climatique, une soixantaine de dirigeants mondiaux se retrouvent en effet ce lundi à l’ONU pour un sommet sur ladite « urgence climatique » censé revigorer le chancelant Accord de Paris.
Ce sont les jeunes qui ont pris la tête de cette véritable croisade climatique, alors que jamais l’humanité n’a rejeté dans l’atmosphère autant de gaz à effet de serre. La France est également en première ligne, du moins depuis la COP21, dont les engagements ont été repris par Emmanuel Macron et son « make the planet great again », à l’attention du climatosceptique Donald Trump. Il est effectivement urgent de passer aux actes….
Trois jours après que des millions de jeunes ont manifesté sur cinq continents pour le climat, et quatre jours avant une nouvelle grève mondiale de l’école, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, espère que des dizaines de leaders annonceront une révision à la hausse de leurs plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Symbole de la jeunesse révoltée, la Suédoise Greta Thunberg, 16 ans, a été invitée à prononcer devant les dirigeants un discours qu’on attend sans détour.
Force est néanmoins de déplorer que moins de la moitié des 136 chefs d’États et de gouvernements qui viennent cette semaine à New York pour l’Assemblée générale annuelle de l’ONU ont demandé à participer. Il faut dire que le chantier est gigantesque, coûteux et pas toujours populaire, puisqu’il impose des modifications dans les modes de vie des populations, comme dans celui de la production des entreprises. En outre, la reculade américaine (en attendant le probable second mandat de Trump) nourrit le prétexte de se dire qu’on ne va pas faire des efforts dans son coin, alors que d’autres, et non des moindres, s’en lavent les mains.
À la tribune, les États-Unis seront évidemment les grands absents : Donald Trump sera dans les murs, mais s’exprimera à un événement sur la liberté de religion. Le Brésil et l’Australie, dont le Premier ministre conservateur était à la Maison Blanche la semaine dernière, non plus, faute de choses à annoncer. Mais la Chine, qui dévore du charbon et émet deux fois plus de gaz à effet de serre que les États-Unis, s’exprimera par la voix de son chef diplomatie, Wang Yi.
Chaque dirigeant disposera de trois minutes pour faire passer son message. L’Indien Narendra Modi, dont le pays est comme la Chine fidèle au charbon, mais qui installe des quantités industrielles de panneaux solaires, commencera la journée avec Angela Merkel et les dirigeantes de Nouvelle-Zélande et des Îles Marshall, dans le Pacifique.
Un nombre important d’États devraient annoncer leur intention d’être neutres en carbone d’ici 2050, selon Antonio Guterres, c’est-à-dire qu’ils réduiront grandement leurs émissions et compenseront le reliquat, par exemple en replantant des arbres, qui absorbent le carbone de l’air.
Semaine diplomatique
Ce but de « neutralité carbone », considéré comme trop radical en 2015 de sorte qu’il avait été exclu du texte de l’Accord de Paris, est devenu un point de ralliement pour de plus en plus d’États (Royaume-Uni, France… Union européenne…) et de multinationales, rendu plus pressant par les canicules de l’été dernier, les cyclones et les images de glaciers fondant presque à vue d’œil.
Les cinq années passées devraient constituer la période la plus chaude jamais enregistrée, selon un rapport publié dimanche par l’ONU. La Terre est en moyenne plus chaude d’1°C qu’au XIXe siècle, et le rythme va s’accélérer. Mais les promesses de lundi n’auront pas de valeur légale. Le Sommet n’est qu’un « tremplin » vers la réunion COP25 au Chili en décembre puis COP26 à Glasgow en Ecosse fin 2020, quand les pays sont censés soumettre à l’ONU des engagements révisés à la hausse de lutte contre le changement climatique. Selon l’ONU, 75 des 195 pays signataires de l’Accord de Paris ont déjà dit leur intention de le faire. Les États-Unis de Donald Trump n’en font pas partie.
Il y a vraiment urgence : les océans et les mers, polluées et expurgées de leurs ressources par l’homme, menacent la planète et les hommes qui doivent se mobiliser pour les préserver. C’est ce qu’ont demandé haut et fort le Forum de la mer tenu à Bizerte le 21 septembre en Tunisie et son président Pascal Lamy.
Dans l’actualité plus brûlante, l’Amazonie sera aussi le sujet d’une réunion organisée par le Chili, la Colombie et la France juste avant le sommet climat lundi matin à 08H00 (12H00 GMT), avec le lancement prévu d’une initiative pour la protection des forêts tropicales. Le sujet est sensible après que le président brésilien Jair Bolsonaro, en conflit ouvert avec Emmanuel Macron, a dénoncé une remise en cause de la souveraineté du Brésil, qui contient la majorité de la forêt amazonienne.
La voix (verte) de la France
La France rassure : la réunion se fera « dans le respect de la souveraineté de chacun », selon le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. De toute manière, on voit mal comment il pourrait en être autrement. On ne peut que chercher à convaincre, mais non imposer, en attendant que quelques accidents climatiques dévastateurs ne dictent aux États leur agenda en cette matière.
Les grands discours à l’Assemblée générale de l’ONU commenceront mardi matin, mais les quartiers de New York autour des Nations unies, quadrillés par la police, vibreront dès lundi du vacarme des cortèges officiels, des centaines de rencontres et d’événements étant prévus dans la ville. Comme toujours, ils ont souvent une vocation plus interne qu’internationale. Emmanuel Macron entend faire du climat un socle, peut-être le plus important, de l’acte II de son quinquennat. Il marchera sur des œufs (bio) après que l’acte I se soit achevé dans le fracas du mouvement des gilets jaunes, né d’une révolte contre les taxes sur les hydrocarbures.
Ne pas opposer les fins de mois à la fin du monde… Voilà un slogan, un de plus, que le théoricien du « en même temps » aura bien du mal à mettre en œuvre. Mais il n’a désormais plus le choix.
Michel Taube avec AFP New York (ONU)