Jacques Chirac aimait les hommes. Il avait aussi quelques idées fortes empreintes d’humanité !
En 2001, en tant que président fondateur du 1erCongrès mondial contre la peine de mort tenu à Strasbourg le 21 juin, je reçus ce courrier de Jacques Chirac, président de la République : » Monsieur le Président, … Le 30 mars dernier, devant la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, j’appelais à l’abolition universelle de la peine de mort.
C’est un combat qu’il faut mener avec détermination et conviction. Car nulle justice n’est infaillible et chaque exécution peut tuer un innocent. Car rien ne peut légitimer l’exécution de mineurs ou de personnes souffrant de déficience mentale. Car jamais la mort ne peut constituer un acte de justice… »
Toute sa vie Jacques Chirac s’opposa à la peine de mort. Viscéralement, humainement, politiquement. Les députés et sénateurs membres du RPR, parmi eux François Fillon, avaient voté, – bien plus nombreux que ceux de l’UDF de Valéry Giscard d’Estaing – l’abolition de la peine capitale voulue par François Mitterrand et Robert Badinter en 1981. Ce faisant, Jacques Chirac prolongeait les initiatives courageuses d’élus de droite, notamment Philippe Seguin, Bernard Stasi et Pierre Bas, maire du 6ème arrondissement de paris, qui avaient tenté en 1978 de supprimer le budget de la guillotine pour contourner la position pro peine de mort d’Alain Peyrefitte, ministre de la justice, et de VGE.
On le sait peu mais Jacques Chirac a joué un rôle décisif dans le développement du mouvement abolitionniste mondial que l’auteur de ces lignes a amorcé et porté pendant huit ans de 2000 à 2007. L’Elysée de Chirac, avec les conseillers droits de l’homme du chef de l’Etat Jérôme Bonnafont puis Laurent Vigier, a notamment soutenu la création en 2003 de la Journée mondiale contre la peine de mort, une initiative française, qui se tient le 10 octobre de chaque année, au lendemain de la date de promulgation de la loi d’abolition française du 9 octobre 1981.
Mais surtout c’est Jacques Chirac, conseillé par Laurent Vigier et votre serviteur, et malgré le scepticisme d’un grand abolitionniste, qui décida d’inscrire l’abolition dans le marbre de la Constitution. Ce fut l’un de ses derniers actes de chef de l’Etat ! Le 19 février 2007 à Versailles le Congrès créa l’article 66- 1 de la Constitution qui stipule :
« nul ne peut être condamné à la peine de mort ».
Cette décision permit à la France de ratifier enfin le protocole 2 du Pacte international des droits civils et politiques des Nations unies qui interdit la peine de mort en toutes circonstances, même en temps de guerre.
L’ironie du sort voulut que ce fut Pascal Clément, en tant que Garde des Sceaux, qui fit graver dans le marbre du Château de Versailles cette révision constitutionnelle. Or en 1981, vingt-six ans plus tôt, c’est le même Pascal Clément qui, jeune député UDF, était monté au perchoir de l’Assemblée Nationale pour s’opposer au grand discours de Robert Badinter, nouveau ministre de la justice, demandant l’abolition. Quinze jours plus tard, le ministre Clément vint expliquer au Troisième Congrès mondial contre la peine de mort à Paris pourquoi il avait changé de point de vue et encourageait les Etats qui pratiquent cette peine barbare à faire de même.
En définitive, Jacques Chirac, à qui la France unanime rend hommage, acheva de bâtir l’édifice abolitionniste français auquel il ne manque plus que le vote d’une loi instaurant une Journée nationale pour l’abolition universelle de la peine de mort, votée par le Sénat en 2007 et, pour des raisons mystérieuses, jamais adoptée par l’Assemblée Nationale.
Il reste aux chiraquiens qui sont encore en politique de s’inscrire dans les pas abolitionnistes de leur mentor en votant cette ultime acte symbolique… Le 10 octobre prochain ?
Michel Taube