Que tous les arrondissements de Paris et les communes d’Ile-de-France s’engagent avec l’Etat à héberger des SDF… Le voeu pieux de la rubrique Paris Monde d’Opinion Internationale.
Voilà trois mois que le désormais ancien lycée Lazare Ponticelli rue Barrault dans le 13ème arrondissement de Paris semble l’objet d’un mini-chantage entre la Région Ile-de-France et la Ville de Paris… Avec l’Etat comme arbitre, les SDF du métro comme enjeu et les riverains du 13ème comme victimes d’un dialogue de sourd(e)s.
Les centaines de personnes à la rue qui dorment dans le métro tous les soirs doivent avoir un hébergement digne ! Il faut leur trouver des solutions (plutôt qu’une) d’hébergement d’ici l’hiver. Valérie Pécresse, en tant que présidente d’Ile-de-France mobilités, qui fédère tous les acteurs des transports franciliens, s’est donc engagée à créer des Maisons solidaires dans la région parisienne.
La Région (ce n’est pourtant pas dans ses compétences) a donc commencé par décider début juillet, de façon unilatérale, de créer un centre de 200 à 400 places dans ce lycée aujourd’hui désaffecté du 13ème dans l’un des quartiers les plus denses en dispositifs de solidarité. Levée de bouclier des habitants du 13ème, dont certains se sont constitués en association (le collectif Rungis), et ont déposé plusieurs recours juridiques contre cette décision qu’ils jugent illégale et profondément injuste vu les équilibres sociaux fragiles savamment construits dans le sud-est de Paris. Il est vrai qu’autour de la place de Rungis, entre la rue de Tolbiac, le boulevard Kellermann et la Poterne des Peupliers, déjà 1 200 places d’hébergement, sur un total de 5 125 places dans tout le 13ème, risquent de créer un « ghetto urbain » si l’on y ajoute de nouvelles structures d’accueil.
Valérie Pécresse a reçu (longuement) le 18 septembre les « plaignants » du 13ème et annoncé la création d’un centre à Clichy-la-Garenne qui permettra déjà d’accueillir 120 SDF. L’édile de la Région fait feu de tout bois et prétend que, depuis des mois, la Ville de Paris, qui se contente de dire NON à la « solution » Ponticelli, tergiverse à accepter de se mettre autour d’une table pour trouver des lieux alternatifs.
Ponticelli serait-il une monnaie d’échange dans un bras de fer qui ressemble plus à un dialogue de sourd(e)s dont font les frais des riverains du 13ème très inquiets ?
Nouvelle initiative à droite : Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement de la capitale, haut lieu historique de la solidarité (le mot « clochard » vient de cette fameuse cloche qui retentissait dans les Halles de Paris pour que les démunis viennent ramasser les invendus du jour), a proposé le 8 août que sa mairie soit transformée en « service d’accueil pérenne pour les personnes à la rue » à horizon 2020, lorsque les quatre arrondissements centraux auront fusionné. Le Maire du 1er, avec Edith Gallois, Pierre-Yves Bournazelet les élus du groupe 100% Paris, a déposé un vœu en ce sens au Conseil de Paris qui se réunit aujourd’hui et demain le 3 octobre 2019.
Surenchère de vœux ? Anne Hidalgo, qui a délégué son adjointe Dominique Versini pour rencontrer le collectif Rungis du 13ème et des riverains le 25 septembre, va aussi s’exprimer, par voix de vœux donc, lors du Conseil de Paris. Et de proposer, enfin !, que « l’ensemble des mairies d’arrondissement participent à cet effort pour favoriser la création de places pérennes d’hébergement au sein de leurs locaux chaque fois que cela est possible, au-delà de la poursuite de la mobilisation dans le cadre de la période hivernale ». Anne Hidalgo va même jusqu’à proposer dans ce même voeu que « dans le cadre de la création du futur secteur Paris centre résultant du regroupement des 4 premiers arrondissements de Paris, la création d’une halte dans la Mairie du 1er arrondissement puisse être travaillée avec l’État en fonction de la réaffectation de ces locaux en 2020 ». Petite victoire méritée pour Jean-François Legaret.
En revanche, rien dans ce voeu de la Maire de Paris sur le lycée Ponticelli ! Pas de quoi rassurer les habitants du 13ème.
Les citoyens de la capitale sont coutumiers de ces guéguerres de majorités qui, sous prétexte de millefeuilles administratifs, font perdre énergie et euros à tout le monde. Face à la montée des précarités, des incivilités et des violences dans la ville, la seule solution réside en effet dans une juste répartition concertée des efforts de solidarité dans des structures à taille humaine sur l’ensemble du territoire urbain : l’Ile-de-France, ce sont 11 millions d’habitants, près de 1000 communes.
Que la Ville de Paris, le Grand Paris et la Région, qui ont chacune des solutions d’hébergement à proposer, commencent donc par se mettre autour d’une table avec l’Etat. Ce n’est pas aux collectifs d’habitants ni aux médias de jouer les médiateurs et les entre-bâtisseurs de solutions.
Plutôt que le lycée Ponticelli qui est beaucoup trop grand et inadapté, et qui devrait revenir à sa vocation éducative, mieux vaudrait que les collectivités ouvrent des centres de 50 personnes sans-abri maximum et l’effort social serait indolore pour tout le monde.
Devra-t-on demander aux candidats à la Mairie de Paris et dans toutes les communes d’Ile-de-France de s’engager à remettre un lycée à Lazare Ponticelli et à bâtir ces solutions humaines dans tous les arrondissements de la capitale ?
En 2015, lorsqu’Angela Merkel avait ouvert les portes de l’Europe à un million de migrants, Jean-Pierre Raffarin avait proposé que chacune des 36 000 communes de France accueille une famille. Il s’était immédiatement rétracté mais il avait pourtant eu la bonne idée.
Il devrait en être de même pour les SDF de la région parisienne avec un dispositif permanent inter-collectivités qui chercherait en permanence des solutions adaptées et humaines face à une situation sociale de plus en plus explosive.
Michel Taube