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07H00 - samedi 12 octobre 2019

Le procès d’un féminicide qui a choqué la Turquie

 

Les images du meurtre avaient suscité une onde de choc en Turquie : le procès d’un homme accusé d’avoir poignardé à mort son ex-femme sous les yeux de leur fille s’est ouvert mercredi dans une ambiance électrique. 

Des femmes tiennent une pancarte « Nous voulons vivre » lors d’une manifestation contre les féminicides, le 18 septembre 2019 à Ankara, en Turquie – AFP/Archives / Adem ALTAN

 

Le meurtre, en août dernier, d’Emine Bulut, 38 ans, avait provoqué des manifestations contre les violences faites aux femmes et relancé le débat sur la hausse des féminicides dans ce pays. Bulut, qui avait divorcé de son mari quatre ans plus tôt, a été poignardée dans un café sous les yeux de sa fille de 10 ans dans la ville de Kirikkale, située en Anatolie centrale. Elle est morte à l’hôpital.

Le procès a débuté dans une ambiance tendue dans une salle d’audience archicomble du tribunal de Kirikkale. L’accusé, Fedai Varan, comparaissait par visioconférence depuis la prison. Agé de 43 ans, l’ex-mari de Bulut risque une peine d’emprisonnement à vie pour « meurtre prémédité avec circonstances aggravantes ».

Le drame a eu un écho retentissant en Turquie en raison d’une vidéo prise juste après l’attaque, et devenue virale sur les réseaux sociaux, qui montrait Bulut agonisant dans le café, se tenant le cou et couverte de sang, disant à sa fille: « Je ne veux pas mourir ». Sa fille, en pleurs, répondait: « Maman, s’il te plaît, ne meurs pas ». Après avoir été arrêté, M. Varan avait tenté de justifier son geste en affirmant à la police que Bulut l’avait « insulté ».

Un total de 354 femmes ont été tuées en Turquie au cours des neuf premiers mois de 2019, selon le groupe de défense des droits des femmes « Nous ferons cesser le féminicide ». En 2018, ce chiffre s’est élevé à 440. En 2017, on en comptait 409, contre 121 en 2011.

 

Education, fermeté

Dans une société où de nombreux hommes ne considèrent pas les femmes comme leurs égales, une procédure de divorce ou une plainte peut amener le partenaire violent à attaquer, voire tuer sa compagne. Des associations critiquent les faibles peines de prison prononcées, dans certains cas, contre des accusés qui affirmaient avoir été « provoqués ».

Des groupes de défense des droits des femmes ont appelé à manifester devant le tribunal mercredi.

La Turquie a ratifié la Convention d’Istanbul de 2011 du Conseil de l’Europe qui vise à faire diminuer les violences domestiques, et le pays s’est doté de lois contraignantes sur le sujet. Mais les associations réclament plus de fermeté de la part du gouvernement dans sa lutte contre le problème, ainsi qu’une plus stricte application des lois. Elles soulignent notamment le manque de refuges pour les femmes dans le besoin, ainsi que la nécessité de s’attaquer au problème plus large des inégalités entre les sexes dans la société turque. « Il faut éduquer la population. La loi doit être appliquée strictement par les juges, les procureurs et les forces de police », déclare Nuray Çevirmen, de l’Association pour les Droits de l’Homme à Ankara. « Les mécanismes pour prévenir la violence faite aux femmes doivent être renforcés, le nombre d’abris disponibles augmenté », ajoute-t-elle.

Mme Çevirmen a également dénoncé le fait que, dans certains tribunaux, la manière de s’habiller ou de se comporter des femmes victimes était présentée comme une raison expliquant les violences qu’elles avaient subies.

 

Raziye AKKOÇ

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