Réforme des retraites : « première » grève interprofessionnelle le 5 décembre
Affichant une unité rare, la CGT, FO, la FSU et Solidaires ont appelé ensemble mercredi à « une première journée » de grève interprofessionnelle le 5 décembre contre la réforme des retraites, rejoignant plusieurs syndicats de la RATP et de la SNCF.
Ces organisations, dont la mobilisation risque d’entraîner de fortes perturbations dans les transports, sont épaulées par les mouvements lycéens Fidl, MNL, UNL et étudiant Unef.
C’est le résultat notamment de discussions depuis quelques semaines entre Philippe Martinez, le numéro un de la CGT, et Yves Veyrier, son homologue de Force ouvrière, qui ont battu le pavé ensemble la dernière fois le 17 mars.
Ils défendaient alors le pouvoir d’achat, en plein grand débat organisé par l’exécutif pour répondre au mouvement des « gilets jaunes ».
Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le projet de réforme des retraites vise à fusionner en un système unique par points les 42 régimes existants, à l’horizon 2025. Le gouvernement prévoit de faire voter le projet de loi qui définira ce système « universel » d’ici juillet 2020.
Opposées toutes les deux à cette réforme, la CGT et FO avaient pourtant choisi de manifester chacune de son côté en septembre, au grand dam d’une partie des militants, mais aussi de Solidaires, qui appelaient à une mobilisation unitaire pour tenter de se faire entendre de l’exécutif.
Tout début octobre, à la suite d’une intersyndicale, CGT, FO, FSU et Solidaires avaient annoncé, très prudentes, vouloir discuter sur « la perspective » d’une grève interprofessionnelle.
Finalement la date du 5 décembre a été choisie, jour où plusieurs syndicats de la RATP ont appelé à une grève « illimitée » pour s’opposer au projet du gouvernement. Des syndicats de la SNCF et des transports routiers ont rejoint cet appel.
Une première grève, très suivie avec dix lignes de métro fermées, entre autres, avait été organisée le 13 septembre par la RATP. Il y a eu aussi en septembre des mobilisations, également très suivies, d’avocats, de médecins et de pilotes contre la fin des régimes spéciaux.
Sur le fond, si Philippe Martinez est favorable à une réforme du système actuel, datant d’après-guerre, il rejette celle, « mauvaise », de l’exécutif. Sa confédération défend un retour à l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans (contre 62 actuellement), le maintien des régimes spéciaux et une politique « volontariste » d’égalité salariale femmes-hommes. Elle réclame aussi un aménagement des fins de carrière pour les métiers pénibles, avec un droit à un départ anticipé à taux plein « à 55 ans, voire 50 ans pour les métiers les plus pénibles ».
De son côté, dans un édito paru mardi sur le site internet de FO, Yves Veyrier considère que le dossier des retraites concentre un ensemble de sujets. Il veut « garantir un véritable emploi dès l’entrée dans la vie active jusqu’à l’âge de la retraite, éliminer la précarité qui est à l’évidence devenue, pour trop d’entreprises et maintenant pour l’administration, un mode de gestion flexible de l’emploi », mais aussi « augmenter les salaires, le Smic ». FO réclame également le réexamen des allégements de cotisations aux entreprises.
Après le 5 décembre, la mobilisation contre cette réforme devrait se poursuivre: 15 organisations des professions du droit, de la santé et du transport aérien, réunies au sein du collectif SOS Retraites, ont annoncé une journée de grève le 3 février « si elles ne sont pas rassurées d’ici là ».
Tous les syndicats ne parlent pas d’une voix, puisque la CFDT et l’Unsa soutiennent un « régime universel » par points.
Toutefois, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, se montre prudent quant au projet en cours de discussion. Dans une tribune au JDD dimanche dernier, il a une fois de plus mis en garde l’exécutif contre une réforme guidée par une vision financière. « Nous avons les moyens de financer nos retraites. Mais si la retraite par répartition est aujourd’hui consolidée sur le plan économique, le contrat social sur lequel elle repose est fragilisé par les injustices, réelles, de notre système », a-t-il relevé.
Macron et Merkel discutent défense européenne à Toulouse
C’est à bord d’un Airbus-école qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel ont déjeuné mercredi à Toulouse, pour démarrer un conseil des ministres franco-allemand dominé par des questions de défense, à la veille d’un sommet européen lourd en enjeux, dans un contexte international explosif.
« Il y a 50 ans, des décisions ont permis de développer une coopération étroite entre nos deux pays. Nous ferons tout pour garantir le succès de cette entreprise », a lancé la chancelière, quand le président français saluait « une entreprise formidablement solide » malgré « parfois des doutes et des inquiétudes ». Une allusion aux menaces américaines de taxer dès vendredi des produits européens, en représailles à des prêts publics à Airbus condamnés par l’OMC.
En visitant la chaîne d’assemblage du dernier-né de l’avionneur, l’A350, déjà vendu à 300 exemplaires avec 600 supplémentaires commandés, la chancelière a d’ailleurs insisté sur la nécessité de concurrencer Boeing.
Mais les deux dirigeants ont donné la priorité à la construction d’une défense européenne et à leurs projets d’avions et de chars du futur, alors que l’attaque turque en Syrie, condamnée par l’UE, déstabilise l’Otan. Passée l’impulsion politique donnée lors de leur lancement il y a deux ans, les programmes des futurs avions (SCAF) et chars (MGCS) de combat patinent. Le SCAF, sous leadership français, doit remplacer les Rafale et les Eurofighter, le MGCS, sous direction allemande, les Leclerc et Leopard.
Ce n’était pas prévu mais Angela Merkel et Emmanuel Merkel ont décidé en début d’après-midi de présider un conseil de défense franco-allemand réunissant leurs ministres des Affaires étrangères et des Armées. France et Allemagne veulent s’accorder sur des principes communs pour les exportations d’armes, pomme de discorde notamment pour les ventes à l’Arabie Saoudite, l’un des plus gros clients des armes françaises.
Contrairement à Paris, Berlin a suspendu ses ventes d’armes à Ryad depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018, en raison de la guerre menée au Yémen. Cette décision a pénalisé Airbus, qui a cessé de vendre à Ryad des équipements comportant des composants allemands. Paris et Berlin veulent aussi vérifier l’alignement de leurs positions sur les sujets qui domineront le sommet européen de jeudi, allant des pressions sur la Turquie au Brexit dont d’ultimes négociations se poursuivaient mercredi. En passant par Google qui refuse de rémunérer les contenus, en dépit d’une récente directive européenne.
Angela Merkel et Emmanuel Macron devaient être rejoints mercredi soir par la présidente élue de la Commission euroépenne Ursula von der Leyen.
Avec les deux dirigeantes, qu’il a déjà reçues dimanche et lundi, le chef de l’Etat veut s’assurer à Bruxelles de dégager une majorité au Parlement européen pour soutenir le programme de la nouvelle présidente.
Le rejet par les eurodéputés de la candidate française à la Commission Sylvie Goulard fait craindre aux Français une instabilité plus profonde au Parlement qui empêcherait de mettre en oeuvre le programme de la nouvelle Commission, largement inspiré des propositions françaises.
Après le conseil de défense, le conseil des ministres élargi devait se réunir en milieu d’après-midi à la préfecture dans le centre de Toulouse, où toute manifestation et circulation ont été interdites.
Une vingtaine de ministres des deux pays, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Economie, seront présents autour de la table du premier conseil des ministres franco-allemand depuis la signature en janvier du Traité d’Aix-la-Chapelle, destiné à renforcer les liens bilatéraux.
Angela Merkel et Emmanuel Macron finiront par un dîner avec la Table ronde des industriels européens, club libéral de regroupant 50 grandes entreprises.
Jeudi Emmanuel Macron rejoindra Bruxelles en participant pour la première fois à la réunion pré-sommet de Renew Europe, qui regroupe les formations centristes dont La République en Marche (LREM), depuis les élections européennes.
L’Elysée a indiqué qu’Emmanuel Macron ne proposerait de nouveau candidat pour remplacer Sylvie Goulard qu’après le sommet européen et une fois résolue « l’instabilité politique » au Parlement européen.
Syrie : Erdogan appelle les forces kurdes à désarmer et exclut toute trêve
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a sommé mercredi les forces kurdes de déposer les armes et se retirer du nord de la Syrie, rejetant l’appel au cessez-le-feu de Donald Trump qui a dépêché en Turquie son vice-président pour arracher un accord.
Dans un geste de défi, M. Erdogan a indiqué qu’il ne s’entretiendrait pas avec la délégation américaine emmenée par Mike Pence et le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, n’acceptant de parler qu’à son homologue, M. Trump.
Une semaine jour pour jour après son déclenchement, l’offensive turque contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) a déjà rebattu les cartes dans le nord de la Syrie, nouvel épicentre du conflit qui déchire ce pays depuis 2011.
A la faveur d’un accord avec les forces kurdes, le régime est en effet revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années et Moscou a commencé à remplir le vide laissé par le retrait des forces américaines.
Alors que le président américain avait dans un premier temps semblé donner son feu vert à l’opération turque, il a depuis exhorté Ankara à stopper son offensive et autorisé des sanctions contre la Turquie.
Dans ce contexte, M. Trump a décidé d’envoyer mercredi en Turquie MM. Pence et Pompeo avec pour mission d’obtenir un cessez-le-feu.
Mais le président turc a indiqué mercredi à Sky News que les responsables américains seraient uniquement reçus « par leurs homologues » turcs, ajoutant qu’il ne parlerait qu’à M. Trump.
M. Erdogan a d’ores et déjà exclu de « s’asseoir à la table des terroristes », expression désignant les YPG, et soutenu que pour que l’offensive prenne fin, il faudrait que les forces kurdes désarment et reculent.
Le gouvernement espagnol prépare sa réponse aux violences en Catalogne
Le gouvernement espagnol préparait sa réponse mercredi aux scènes de guérilla urbaine sans précédent qui ont marqué dans la nuit de nouvelles manifestations à Barcelone et en Catalogne contre la condamnation des dirigeants indépendantistes pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017.
Au même moment dans la riche région du nord-est du pays, la mobilisation se poursuivait, avec des marches parties de cinq villes pour converger vendredi à Barcelone, jour de « grève générale » et de manifestation massive. De nouveaux rassemblements sont aussi prévus dans la soirée, notamment à Barcelone. Après avoir dénoncé dans la nuit la « violence généralisée » à Barcelone et dans d’autres villes de Catalogne, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a convoqué les chefs des principaux partis espagnols pour les consulter sur la réponse à donner.
Selon ses services, M. Sanchez, qui a déjà évoqué la possibilité de suspendre l’autonomie de la région comme la droite l’avait fait en 2017, « n’écarte aucun scénario ». A l’issue de sa rencontre avec le socialiste, le chef de l’opposition de droite Pablo Casado (Parti Populaire) a réclamé l’application de mesures exceptionnelles pour garantir la sécurité.
A moins d’un mois des prochaines élections législatives du 10 novembre, les quatrièmes en quatre ans, la Catalogne s’impose de nouveau comme le thème central du débat politique dans le pays.
Ces tensions pourraient même impacter le « Clasico », rencontre entre le FC Barcelone et le Real Madrid visionnée sur toute la planète. La Ligue de football a demandé à ce que le match puisse se jouer à Madrid le 26 octobre, et non à Barcelone comme prévu.
Barricades en flammes, policiers chargeant, manifestants casqués ou masqués : les images des violences vécues dans la nuit dans un quartier central et chic de Barcelone s’étalent mercredi à la Une des principaux quotidiens.
Des centaines de militants ont affronté les forces de l’ordre après une manifestation ayant réuni 40.000 personnes dans la grande métropole catalane. Des troubles ont aussi eu lieu à Gérone, Tarragone ou Lérida.
Lundi déjà, des heurts violents avaient eu lieu lors du blocage de l’aéroport de Barcelone par plus de 10.000 manifestants, juste après la condamnation par la Cour Suprême de neuf indépendantistes, dont l’ancien numéro deux du gouvernement régional Oriol Junqueras, à des peines allant de neuf à 13 ans de prison.
Selon le ministère de l’Intérieur, 51 personnes ont été arrêtées en Catalogne après les violences de mardi qui ont fait 125 blessés, selon les services d’urgence.
Au troisième jour des manifestations contre la sentence de la Cour suprême, des milliers de personnes ont entamé des « marches de la liberté » devant arriver vendredi à Barcelone. « C’est une grande démonstration de force. Nous ne devons pas nous arrêter », a dit à l’AFP Jordi Soler, étudiant de 25 ans, parti du bastion indépendantiste de Gérone sac sur le dos. Cette manifestation « est très pacifique et c’est bien (…) même si des fois, il faut être plus dur », a-t-il ajouté en référence aux violences de la veille.
En signe de soutien, le président indépendantiste catalan Quim Torra a participé à la marche partie de Gérone. Dénonçant une sentence qualifiée de « farce », il a évité de condamner les violences.