Automne 7/12
cet amer marais
les cigognes y font halte
je pose mon sac
Les haïkaï (haïku au singulier) expriment l’excellence de la poésie japonaise. En 17 mores (son élémentaire phonétique), en un verset composé strictement en trois segments 5-7-5, calligraphié sur trois lignes en français (une ligne verticale en japonais), chaque haïku tente d’exprimer la quintessence de l’être, d’un état, parfois d’une actualité.
Les haïkaï rythment généralement les saisons.
Le poète Olivier Peraldi nous donnera à lire chaque dimanche matin un haïku de sa création à la une d’Opinion Internationale. Du pur bonheur !
© Baptiste Hamousin
Olivier Peraldi a publié, entre autres, l’ouvrage Ombres & Couleurs ou le voyage du Corbeau d’Arcimboldo au Mont Fuji aux Editions Caractères. Sa dernière publication : L’An Jeune, une œuvre à laquelle sont associés le musicien Filbö et le plasticien Richard Ferri-Pisani, qui entremêle poésie, musique et art graphique.
Grâce à ces haïkaï, Opinion Internationale porte bien son nom dans cette nouvelle rubrique qui rapproche Japon et francophonie.
Précédents haïkaï :
Automne 1/12
l’encre se répand
mon carnet tombé dans l’eau
vers quel océan
Automne 2/12
bien sûr la leçon
et ce chiot dans la cour
que le maître ignore
Automne 3/12
il y eut un bang
nous voyions tous sans y croire
ce trottoir en sang
Automne 4/12
l’être aimé est nu
indifférent au regard
faudrait-il le croire
Précédentes saisons :
été
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souple bananier
la palme frôlant le vent
l’être aimé sommeille
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jarre dans l’entrée
aux lents poissons désœuvrés
l’eau fraîche d’été
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le pas incertain
quittant l’allée des pivoines
soudain la chaleur
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en ce soleil du
six août deux mille dix-neuf
je recherche l’ombre
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recompter encore
les six cent quarante-quatre
grues de Sadako
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sixième nuage
à se grimer en serpent
je marque une halte
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le vent bleu d’été
tu le crois dans ma chambre
mouche vrombissante
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parapluie volé
en sortant du konbini
chaude pluie d’été
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le long des glycines
aucune grappe ne bouge
malgré l’éventail
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un pylône chante
les étourneaux se rassemblent
à l’heure de pointe
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au sommet du pin
la cigale voit le ciel
nuit silencieuse
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parapluies en fuite
les embruns cinglant la grève
inondent le front
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Printemps
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réveil en sursaut
le premier chant du printemps
arrivé si tôt
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ombres glissantes
sous la porte encore fermée
le chat s’éveille
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ô rayon naissant
même la poussière singe
la joie de vivre
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le maître de chant
espère encore quelque accord
généreux prunier
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formidables tours
nuageux torticolis
surtout vues d’en bas
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la main incertaine
trois sakura[1] sur le cœur
l’amour peut-être
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le jour s’étire
au bain de fleurs de prunier
l’être aimé languit
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ils vont deux à deux
lune et douxreflet de lune
pluvieuse veillée
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assis au jardin
ils ne virent rien du deuil
le village clos
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là-bas le jardin
l’escargot sur la vitre
sa peine éperdue
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l’ombre du prunier
m’accueille moi l’étranger
c’était donc si simple
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soleil déclinant
l’autoroute est encombrée
tu ne viendras pas
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[1]Fleur du cerisier.
