International
08H31 - dimanche 24 novembre 2019

Dans le Golfe, « il faut que tout bouge pour que rien ne change ». La chronique de Dominique Trinquand

 

A l’occasion de la parution du livre « La face cachée des Emirats arabes unis » de Michel Taube, et par éthique du pluralisme, Opinion Internationale publie le point de vue du général (2S) Dominique Trinquand, chroniqueur d’Opinion Internationale et directeur des relations extérieures du groupe Marck.

Dans le Golfe, « il faut que tout bouge pour que rien ne change ». Cette citation du prince Salina dans le Guépard[1], immortalisé dans le film éponyme de Visconti pourrait s’appliquer à l’actualité dans le Golfe.

L’Iran est en crise, le Yémen en feu, l’Arabie Saoudite doute de son allié américain et dans ce chaudron les Emirats prônent la modération et la tolérance. L’effet majeur pour Abu Dhabi et les autres émirats de la fédération est que le développement économique et la transformation pour passer d’une rente pétrolière à des investissements diversifiés ne soient pas menacés par une guerre.

Pour cela tout doit bouger à fin que la prospérité du Golfe continue.

Au Yémen depuis le mois de juillet les Emirats sont passés d’une « stratégie militaire prioritaire à une stratégie de paix prioritaire » et ont retiré une partie de leurs troupes. En Iran, toujours en juillet, une rencontre entre gardes côtes des deux côtés du détroit a eu lieu pour parler coopération maritime, une façon d’aborder la liberté de naviguer dans le détroit d’Ormuz. Malgré l’antagonisme entre le Qatar et les Emirats, ceux-ci participent à la coupe de football du Golfe au Qatar. En dehors du Golfe, l’implication des Emirats dans le Sahel pour lutter contre le terrorisme ou en Ethiopie pour soutenir le développement de ce pays prometteur dont le premier ministre a reçu le prix Nobel de la Paix sont des signes croissant d’une implication dans la stabilité.

Les Emirats ont compris que la paix et la stabilité sont les moteurs de leur transformation et que leurs sociétés ont besoin de cette ouverture pour progresser. Qui n’a pas visité Le Louvre d’Abu Dhabi n’a pas compris l’effort d’ouverture de cet Emirat. Qui n’a pas noté la visite du Pape en février où une messe accueillit 135 000 fidèles chrétiens mais aussi 4 000 musulmans n’a pas compris l’effort de transformation d’une société certes musulmanes mais où la majorité des travailleurs sont immigrés et beaucoup chrétiens.

Il serait temps de comprendre que rien n’est figé et que le radicalisme de l’Etat Islamique a provoqué une réaction dont nous n’avons pas encore vu tous les effets. Il nous appartient d’aider ces transformations pour lutter contre un mal qui nous heurte de front mais ronge aussi les sociétés musulmanes de l’intérieur.

Pour que les équilibres soient préservés, il faut décidément que tout bouge. Y compris dans notre perception des autres.

 

Général (2S) Dominique Trinquand

[1] de Giuseppe Tomasi di Lampedusa

Général (2s) - Chroniqueur Opinion Internationale

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