Opinion Internationale salue la mémoire des treize soldats morts au Mali et témoigne de son affection à leurs familles et à l’armée française. Parmi les disparus, Jean-Marie Bockel, sénateur, Alsacien comme nous, que nous connaissons depuis plus de trente ans, a perdu son fils. Respect, hommage, espérance.
MT
Treize soldats français appartenant à la force Barkhane sont morts dans un carambolage d’hélicoptères au Mali qui étaient engagés en plein combat.
Une nouvelle fois, des soldats français ont péri en Afrique. Le Président Emmanuel Macron a rappelé qu’ils « n’avaient qu’un seul but : nous protéger ». Morts pour la France, donc, au champ d’honneur.
Pour la France, pour l’Europe, pour l’Afrique : liberté, le prix du sang
Mais les forces françaises ne défendent pas seulement la France. Elles défendent l’Europe, la liberté, la démocratie et notre civilisation des lumières. Elles défendent aussi l’Afrique noire qui est en train de sombrer dans les mailles du djihadisme le plus sombre dans des Etats si fragiles comme le Mali et le Burkina Faso.
La France, avec ses 4500 soldats et forces d’élite, ne peut à elle seule être le rempart de l’islamisme subsaharien qui se rapproche inexorablement des côtes méditerranéennes. Elle bénéficie pourtant du partenariat entre l’Union européenne et le G5 Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger). S’y ajoute la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), forte de 12 000 hommes, dont un millier d’Allemands. Mais sur le terrain, au contact des djihadistes, l’Europe combattante se résume presque exclusivement à la France. Il y a bien quelques Estoniens à nos côtés mais cela ne fait pas une armée européenne sur un front qui pourtant protège les 28 de l’Union !
Si les pays européens ne veulent risquer la vie de leurs soldats ou s’ils ne disposent pas de capacités militaires, ils ne peuvent se contenter d’un apport logistique. L’Europe doit assumer pleinement la charge financière de sa défense conduite principalement par l’armée française, la seule du continent, à plus forte raison après le Brexit, à pouvoir assumer pareille mission. Aujourd’hui, le compte n’y est pas. Emmanuel Macron avait déclaré dans une interview au magazine anglais « The Economist » que la règle des 3 % de déficit public était d’un autre âge. C’est un autre débat, mais ne serait-il pas légitime et équitable qu’à défaut de financement des forces françaises ou d’engagement massif d’autres nations, les dépenses militaires soient exclues du calcul des 3 % et acceptées comme tel par l’Union, l’Allemagne en tête ?
Une cause perdue ?
L’immensité du territoire ne rend-elle pas la mission illusoire ? Dans des zones de plus en plus grandes d’Afrique, l’islamisme radical gagne du terrain, parfois avec le soutien ou la résignation d’une population locale pauvre et qui ne croit plus aux lendemains qui chantent. Ici comme là-bas et comme ailleurs, aujourd’hui comme autrefois, l’obscurantisme politique et/ou religieux prospère sur la misère, même si ceux qui le promeuvent sont tout sauf des miséreux. Les djihadistes, qui comme en Irak et en Syrie, se vendent au plus offrant d’Al-Qaïda ou de Daesh, vénèrent le Dieu dollars plus que celui du Coran. Les populations qu’ils asservissent n’auront jamais les dollars et se contenteront d’une charia importée du Golfe arabo-persique, Arabie saoudite et Emirats arabes unis en tête.
Que pouvons-nous, avec nos quelques avions et véhicules blindés ? Quelles frontières devons-nous défendre ? La toile islamiste se tisse en Afrique, et l’Europe regarde, indifférente, quand elle ne détourne pas le regard. Après l’Afghanistan, les États-Unis, qui représentent environ la moitié des dépenses militaires de la planète, se retirent progressivement de zones de conflits au Moyen-Orient.
Le Sahel ne peut conduire à un nouveau Diên Biên Phu ou devenir notre Vietnam.
Le salut peut-il venir de la formation et de l’encadrement des forces africaines, notamment celles du G5 Sahel ? Pour l’instant, celui-ci n’a su être une digue capable d’arrêter la propagation de l’islam radical et du terrorisme. Les Etats du Mali et du Burkina sont menacés d’effondrement. Des campagnes anti-françaises s’y développent, faisant craindre un autre conflit dans ces pays fragilisés, celui de l’opinion, comme le soulignait le député Vincent Ledoux à l’Assemblée nationale cet après-midi.
Respect aux morts et à leur famille. L’heure des interrogations géopolitiques viendra. Rapidement…
Trop rapidement d’ailleurs !
L’indécence de la France insoumise
Le lourd bilan de ce nouveau drame, le pire qu’ait connu l’armée française depuis l’attentat du Drakkar, à Beyrouth en 1983, ravive déjà le débat sur le bienfondé de l’intervention française au Sahel, malgré le souci bien compris des pouvoirs publics de l’esquiver le temps du deuil : morts pour quoi, pour qui ? Quelle est la grande cause que nos soldats défendent dans les sables du désert, si loin de leurs frontières ? Que ces questions brulent la langue des journalistes (elle fut d’ailleurs posée à Florence Parly, ministre de la Défense, durant son premier point de presse) est compréhensible. Mais qu’un Adrien Quatennens twitte que les soldats « mettent leur vie en danger en obéissant aux autorités politiques » ou que son collège Bastien Lachaud, dans les questions au gouvernement cet après-midi demande le retrait de la France du Mali, ne relèvent pas de l’interrogation de circonstance.
Ces déclarations ne sont-elles pas un appel à peine voilé à la désobéissance, voire à la désertion ? Ce n’est finalement guère surprenant de la part d’un parti politique dont le leader Jean-Luc Mélenchon, prétendument incarnation de la République, déploie constamment une stratégie quasi insurrectionnelle, dans l’espoir d’un grand soir qui ne se jouera pas forcément dans les urnes.
Michel Taube