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07H34 - mardi 3 décembre 2019

Les réformes d’Emmanuel Macron, une atteinte à l’autonomie des collectivités locales ? La chronique de Didier Maus

 

Le long discours prononcé par le Président de la République le 17 novembre dernier devant le 102econgrès des maires de France est-il de nature à améliorer les relations entre le chef de l’État et les 36 000 maires de ce pays ? Il ne fait aucun doute que depuis le Grand Débat de l’hiver dernier, le climat a changé et que les responsables politiques de la majorité, à commencer par le Président et le Premier ministre, ont mieux compris l’utilité des 550 000 élus locaux, donc des maires, pour le maintien des solidarités nationales. Les discours ne manquent plus désormais d’exalter le rôle de ces élus des champs et des villes qui, revêtus de leur écharpe tricolore, symbolisent un véritable vouloir vivre ensemble républicain. Chacun a compris que le dévouement et le sens du service public des hommes et des femmes qui composent les conseils municipaux, et par extension les intercommunalités, ne pourront jamais être remplacés par des robots ou les « merveilles » de la société numérique.

Il n’en demeure pas moins que les réactions des intéressés sont demeurées très prudentes et, parfois même, très négatives. La raison, au-delà de toutes les bonnes paroles, en est simple : l’autonomie des collectivités locales, pourtant garantie par la Constitution, risque de disparaître. La mise bout à bout des réformes successives, en particulier dans les domaines fiscaux et financiers aboutira à la négation de l’autonomie des gestion des collectivités locales, et en premier lieu des communes. Il en sera de même pour les départements et les régions.

Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, inscrit avec force à l’article 72 de la Constitution, et dont le Conseil constitutionnel réaffirme régulièrement la valeur, repose sur trois éléments : l’existence de conseils élus, l’exercice de compétences et une autonomie financière. Les deux premiers éléments ne sont pas en cause. L’avenir des conseils municipaux, départementaux et régionaux est assuré. La définition des compétences confiées aux collectivités locales et à leurs groupements peut varier, mais le mouvement ne fera pas marche arrière. Il n’en va pas de même pour la troisième composante, le nerf de la guerre, en l’espèce les ressources que les collectivités sont en mesure de mettre au service de leurs compétences et, par voie de conséquence de la population. Personne ne discute le fait que les conseils élus conserveront la possibilité d’affecter les ressources en fonction des priorités locales, encore faut-il que ces ressources existent et soient adaptables aux besoins locaux. C’est là que les réformes successives mettent à mal le principe d’autonomie des collectivités locales.

La réforme de la taxe d’habitation, c’est-à-dire sa suppression pour toutes les résidences principales, illustre à merveille cette volonté des budgétaires et financiers de l’État, dont le Président Macron a pris le relais, de réduire, voire de supprimer, l’autonomie fiscale des communes et des autres collectivités. La taxe d’habitation était, selon des modalités assez complexes, payées par les habitants d’un appartement ou d’une maison, soit à titre de locataire, soit à titre de propriétaire-occupant. Certes les bases étaient devenues obsolètes, mais l’existence de cette taxe, dont le taux, dans certaines limites déterminées à juste titre par la loi, était décidé par le conseil municipal, établissait un lien direct entre le contribuable local et son vote lors des élections. Son remplacement par la généralisation de la taxe foncière au profit des communes supprime ce lien. Certes la taxe foncière est payée par les propriétaires, mais environ 50% des Français sont locataires et certains propriétaires n’habitent pas nécessairement la commune où est localisé leur bien. La réforme va donc aboutir à déconnecter la demande de services locaux (stades, salles culturelles, crèches, entretien de la voirie…) de l’effort fiscal demandé à ceux susceptibles d’en profiter. La majorité des électeurs ne seront plus des contribuables locaux, ce qui altère de manière grave le principe du consentement à l’impôt. Le contribuable doit pouvoir sanctionner ceux dont il estime qu’ils gèrent mal les ressources auxquelles il a consenti.

Certes le Conseil constitutionnel a pris soin dans plusieurs décisions, dont en dernier lieu celle du 28 décembre 2017 à propos de la première étape de la suppression de la taxe d’habitation dans la loi de finances pour 2018, de juger que la part des ressources propres des collectivités doit demeurer « déterminante », conformément à l’article 72-2 de la Constitution, dans l’ensemble de leurs ressources, mais nul ne sait exactement comment calculer le seuil en deçà duquel l’autonomie financière des collectivités ne sera plus assurée.

En réaffirmant que l’autonomie financière des communes consiste à répartir des ressources attribuées par l’État et non à assumer une part de la responsabilité fiscale nationale, Emmanuel Macron a non seulement pris un risque politique, mais également ouvert la possibilité d’une large contestation juridique sur l’équilibre entre le citoyen et le contribuable, l’un et l’autre détenteur d’un même bulletin de vote. Le discours, à la limite de la démagogie, sur les excès financiers des collectivités locales serait plus crédible s’il reposait sur une lecture plus positive et novatrice des articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 relatifs au libre consentement aux dépenses publiques.

 

Didier MAUS
Président émérite de l’Association internationale de droit constitutionnel, Maire de Samois-sur-Seine

 

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