Depuis quelques années se dessine un intérêt net pour la protéine de pois jaune. Un rapport de Grand View Research, publié en mars dernier, évoque un marché de près de 315 millions de dollars d’ici 2025, soit trois fois le montant actuel. Cela représente un volume de 275 000 tonnes de protéines végétales, chiffre qui a lui-même doublé depuis 2015, et qui augmentera de 30 %, rien que l’an prochain.
Le pois jaune risque même d’être victime de son succès, jusqu’à laisser craindre une possible pénurie, même s’il n’y a pas, de facto, de difficultés à produire cette culture. Le problème viendrait d’un nombre insuffisant d’usines qui transforment la protéine issue du pois.
Effectivement, cette forte augmentation de la demande a provoqué cette pénurie, qui comme toute pénurie, est source de spéculation. Elle a aussi mis en lumière de nouveaux investissements dans des unités de production. Un certain nombre d’entre eux devraient voir le jour ces très prochaines années, afin de rassurer les acheteurs soucieux de verrouiller les prix. À ce jour, et sur beaucoup de ces marchés, aucune réelle garantie ne peut être apportée sur la livraison, dans son intégralité, des volumes de protéine de pois, tant la demande est exponentielle.Cette légumineuse, de la même famille que le soja, le pois chiche ou la lentille, devient désormais un enjeu important et une alternative intéressante à la consommation de viande rouge. Elle évite en effet de nombreuses émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et suscite ainsi l’intérêt manifeste du consommateur.
Il est à noter que le pois jaune concurrence fortement le soja, également source de protéine végétale certes peu onéreuse, mais allergisante, et de nature à poser des problèmes de santé par les phyto-oestrogènes qu’il contient.
De plus, le soja est souvent d’origine génétiquement modifiée sur le continent américain (États-Unis et Brésil notamment). Les marchés de l’agroalimentaire ne s’y sont pas trompés, en scrutant avec intérêt la valorisation de BEYOND MEAT, société californienne produisant de la viande végétale, à six milliards de dollars à son introduction en bourse en mai dernier, soit plus de 350 % d’augmentation du cours de son action à Wall Street…. Jusqu’ à faire réagir Cargill, leader américain de la viande, qui investit désormais sur ce secteur en pariant sur PURIS, leader de la protéine de pois également avec un investissement de 25 millions de dollars.
La société Tyson (producteur de viande américain lui aussi) ou, plus proche de nous le géant suisse Nestlé, se positionnent désormais sur ces marchés et y investissent fortement. La France, représentée par Roquette, leader mondial des ingrédients d’origine végétale et pionnier de l’innovation sur les enjeux nutritionnels et de santé, mise sur la protéine de pois jaune depuis de nombreuses années déjà et investit tant dans la recherche que sur sa capacité de production. Cette société promet une véritable révolution des modes de consommation grâce à cette protéine dans les dix prochaines années, et parie également sur l’augmentation significative du marché en Asie, par l’ ouverture d’un nouveau centre technique dédié à l’alimentation à Singapour.
68,6 % de la production mondiale de la protéine de pois jaune 2018 aura alimenté les marchés des compléments alimentaires, de la boulangerie, des alternatives à la viande et des boissons (on peut faire des boissons type lait à partir de la protéine de pois jaune).
Telles sont quelques raisons parmi de nombreux autres qui expliquent un véritable intérêt de personnes souhaitant restreindre, voire éliminer, leur consommation de protéines animales, ou victimes d’allergies alimentaires, telles les intolérances au lactose, au soja ou au gluten. Les végétariens ou végétaliens (ne consommant aucun aliment d’origine animale, œufs et laits compris) sont également sensibles aux caractéristiques de ce produit pour des raisons d’éthique.
Les industriels suivent les consommateurs et ce marché sera porté par ses innovations et son développement à nous surprendre.
Anne-Carole NILSSON
Conseiller en développement durable, conseil scientifique