Les tensions communautaristes se font vives, en ces jours de célébration de la loi de 1905[1]. Entre la manifestation contre l’islamophobie, qui a vu défiler les franges les plus revendicatives de l’islam, et la manif pour tous anti PMA, les tenants d’un retour du religieux en politique ne manqueront pas de chercher à se faire entendre lors du scrutin du printemps prochain. Ces poussées identitaires apportent avec elles leurs lots de violence et d’intolérance, dès lors qu’elles laissent la place, aussi, à un islamisme conquérant.
Le terreau qui a laissé pousser cette herbe folle qui gangrène notre jeunesse et nos quartiers ne peut continuer à prospérer. Pourtant, les élections municipales approchent et le danger de voir réinvestis ceux-là même qui ont activement travaillé à fragmenter le tissu national par leur clientélisme électoral s’apprêtent à être réinvestis.
La classe politique traditionnelle se sent menacée par l’enfant qu’elle a nourri, bercé pendant 40 années à coup de transgression de la Laïcité. Du bail emphytéotique à la garantie de l’emprunt pour construire un lieu de culte, tous les accommodements sont bons pour recueillir quelques voix, ou quelques bras pour coller les affiches. Il faut dire que les revendications sont fortes, les pressions nombreuses. Chacun pense que l’autre cèdera aux requêtes des communautés devenues les grands arbitres des élections locales, au détriment de l’intérêt général, laissé en friche depuis trop longtemps.
La Gauche a sombré dans un engrenage mortel. Elle s’est laissée embrasser par la veuve noire qui, lentement, a tissé sa toile maléfique et l’étouffe progressivement, tuant avec elle une partie de la République qui ne sait comment sortir de ce linceul dans lequel des élus peu scrupuleux l’ont attirée avec eux.
De petits accommodements déraisonnables en discours larmoyants, ils ont voulu laisser penser que la Laïcité était poussiéreuse, démodée, qu’il valait mieux reconnaître le droit à la différence, qui s’accompagne de droits différenciés, et sombrer dans un modèle anglo-saxon. La boussole de nos valeurs s’est perdue dans les enfers de Morphée ; tout le monde semble avoir oublié ce qu’elle est et les libertés que nous lui devons.
Car, oui, la Laïcité est la seule à garantir la liberté de conscience, de décider pleinement de notre destinée, sans assignation à résidence identitaire, due à une origine ou une religion. Or, aujourd’hui, se joue le dernier acte de ce beau principe, trop longtemps dévoyé, abandonné jusqu’au tréfonds des livres d’histoire, qui préfèrent se consacrer à l’enseignement des religions plutôt qu’à instruire nos enfants sur les massacres et autres exactions que ces dernières ont pu produire, partout dans le monde, toutes confondues, lorsqu’elles ont eu l’écoute des gouvernants, le pouvoir de dire la loi. La France en a été l’un de ces théâtres : Massacre de la Saint Barthélémy, révocation de l’Edit de Nantes et spoliation des Huguenots, port de la rouelle pour les Juifs… L’Espagne (mais elle n’est pas la seule) offre un autre témoignage, celui de la colonisation islamique et du statut de Dhimmi imposé aux non convertis, entre autres joyeusetés que l’on cherche à pervertir en période de cohabitation heureuse entre les peuples.
La France a su inventer un modèle garantissant la liberté de pratiquer son culte en imposant une totale étanchéité avec le pouvoir. Pour que les individus restent libres de leurs croyances, et le pouvoir libre de ses décisions. Toute incursion de l’un vers l’autre n’est que régression des libertés acquises. Il suffit, pour s’en assurer, de lire les revendications de Civitas, concernant l’IVG, pour s’en convaincre. Politique et religion ne font pas bon ménage.
Pourtant, les discours bruyants, à l’approche des élections municipales de mars 2020, de ceux qui se réclament de gauche et veulent défendre la Laïcité tournent au ridicule. On se demande, d’ailleurs, quelle Laïcité ils défendent. Celle, dévoyée de Jean-Louis Bianco et de son abattoir de la Laïcité ou celle d’Elisabeth Badinter, tous deux issus des mêmes rangs ? Du PS, comme de leurs affidés, on voit poindre des appels à la concorde universelle d’une famille politique qui n’a en commun que l’amour du pouvoir et une vocation à occuper les postes pour nourrir ambitions et portefeuilles. Il est regrettable de constater que beaucoup d’entre eux ne savent rien faire d’autre. Mentir et oublier leurs méfaits passés pour accéder aux postes encore une fois est leur seul dessein. Tous les moyens sont bons, le reste a peu d’importance, tant que l’on peut remonter en selle. La défaite de 2014, cuisante, reste en travers de ces égos démesurés et tellement loin des peurs des Français.
Partout, on investit les mêmes candidats, dans ces mêmes villes où ils ont fait tellement de mal à la Laïcité, à la Concorde universelle. Ils sont heureux de nous les présenter sur Twitter et Facebook, tant ils n’ont rien de mieux à se mettre sous la dent, ni à nous proposer. Adhésion, cynisme ou fatalité, les responsables qui les soutiennent sont les fossoyeurs de la Laïcité qu’ils prétendent porter.
Ainsi, la gauche sarcelloise fait liste commune avec la Liste bleue[2] (qualifié de honte de la République par Dominique Strauss-Kahn), Argenteuil voit revenir Philippe Doucet gravement mis en cause par son successeur[3], Martine Aubry se représente à Lille malgré son accueil passif, années après années du congrès de l’UOIF, de ses prêcheurs de la haine[4] et ses piscines non-mixtes, Anne Hidalgo est soutenue, malgré ses financements de crèches loubavitchs[5] ou son rituel banquet du Ramadan[6] à l’Hôtel de ville. Et s’il n’y avait que ceux-là…
Malheureusement, on voit poindre les candidats LaREM, guère plus nets avec ce principe. En témoignent les attitudes face au débat des accompagnateurs et de la neutralité des sorties scolaires. Ils avancent à peine masqués, infiltrent les listes, dans les villes où ils sont incapables d’en constituer, faute de réels militants. Ainsi les franges communautaristes auront leurs têtes d’affiches en bonne position dans des listes.
A Lyon, Gérard Collomb s’imposera dans une double candidature, à la mairie et la métropole. Il soutient assidument, depuis de nombreuses années, le vœu des échevins[7], cérémonie anti-républicaine célébrée chaque année par le cardinale Barbarin et remise au goût du jour sous le régime de Vichy[8], à la basilique Notre-Dame de Fourvière de Lyon, face à un parterre d’élus en quête d’électorat. Il est à noter, par ailleurs, que ce dernier, et ses amis, n’ont émis aucune réaction face à l’étrange courrier que la préfecture[9] a adressé à l’université Lyon II, en vue de prochaines assises territoriales qui ont pour but de « mieux faire connaître l’islam dans la société ». Qui ne dit mot…
Ces nombreuses accointances ont aiguisé les velléités communautaristes et tous s’étonnent de voir fleurir des candidatures identitaires depuis les dernières législatives, alors-même qu’ils en ont la paternité. Ceux qui conduisent ces listes ont été, en d’autre temps, leurs faire-valoir lors des précédents scrutins, leurs colistiers ou leurs interlocuteurs dans les quartiers.
Alors, aujourd’hui je suis inquiète. Inquiète pour la République, pour l’unité de la Nation, que ces individus sans foi ni loi sacrifient à des fins électoralistes, carriéristes, corporatistes. Les intérêts financiers et personnels ont succédé à l’intérêt général, jeté aux oubliettes de l’histoire, de notre histoire, qui, pourtant, est regardée au-delà de nos frontières, comme une réussite du faire ensemble. Si nous n’y prenons garde, ces prochaines échéances feront le lit de ce que tout le monde dénonce, celui du repli communautaire et identitaire définitif, plus facile, il est sûr, car vivre ensemble demande un effort individuel et collectif.
Les discours bruyants n’ont, pour le moment, pas accouché d’actes forts. C’est une fausse couche pour la Laïcité. Une grande perte pour l’humanité. Nous signons, avec ces derniers agissements, l’acte de mort du cadeau le plus précieux que la Révolution et ses lumières ont su nous offrir.
Nous attendons plus de rigueur, le courage d’affronter réellement les enjeux qui nous attendent. Au lieu de quoi, les petites tambouilles d’arrière-cuisines électorales battent leur plein. Les accords électoraux se signent sur des promesses de nombre d’élus, laissant de côté les valeurs, accessoires tout justes bons pour les pauvres d’esprit qui lisent encore la propagande électorale.
Derrière cette échéance, se cache un projet désastreux, dans lequel gauche complaisante et macronistes ont trouvé leur point d’achoppement. La Laïcité en ligne de mire, chacun attend l’opportunité qui de retoucher la loi de 1905, qui celle de 2004, pour satisfaire l’appétit vorace de leurs nouveaux alliés. Plusieurs tentatives ont échoué. A en juger par la constitution initiale du conseil présidentiel des villes, intégrant des Yassine Bellatar ou des Mohamed Mechmache[10], tous deux soutiens de l’appel contre l’islamophobie[11] de novembre 2019 qui a débouché sur des Allahu Akbar en plein centre de Paris, on ne peut que s’inquiéter de ceux qui ont fait de ce patchwork qu’est LaREM un Cheval de Troie de l’islam politique. Ceux-là le disent clairement, ils trouvent nos lois liberticides et islamophobes. Ils ne sont pas là pour défendre nos principes. Et leurs alliés politiques détaillent clairement le programme sur leur site[12].
Les échéances municipales sont un enjeu majeur pour l’avenir de la démocratie de notre pays. Le 21 mars prochain, nous éliront ceux qui désigneront une moitié du Sénat en 2020, l’autre en 2023. En mars 2020, nous sèmerons les graines du pouvoir total à Emmanuel Macron, si aucune force politique crédible ne le lui dispute. Si le scénario de juin 2017 se rejoue, en 2023, les deux assemblées seront aux mains d’un même homme. Il aura les pleins pouvoirs pour nous imposer sa vision néolibérale et communautariste. Les beaux discours ne nous serviront plus à rien, il sera trop tard. Trop tard pour s’opposer à la destruction de nos principes, trop tard pour défendre notre identité si unique, trop tard pour dire « si j’avais su ». Ceux qui n’agissent pas aujourd’hui, seront ceux qui fournissent les armes de destruction de la République laïque telle que nos ancêtres se sont battus pour l’obtenir, pour la maintenir contre vents et marées.
Laurence Taillade
Auteure de « l’urgence laïque » (éd. Michalon), présidente du Parti Républicain Solidariste
[1] 9 décembre 1905, loi de séparation des Eglises et de l’Etat.
[2] https://www.lexpress.fr/actualite/politique/pupponi-chouchoute-ses-communautes-a-sarcelles_935767.html
[3] https://www.youtube.com/watch?v=5zmjAqDMu98
[4] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/01/28/31003-20160128ARTFIG00368-congres-de-l-uoif-a-lille-des-integristes-qui-prechent-la-haine-de-la-france-invites.php
[5] http://www.leparisien.fr/paris-75/la-region-ile-de-france-relance-la-polemique-sur-les-creches-loubavitch-09-04-2011-1400591.php
[6] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/07/07/la-tres-discrete-nuit-du-ramadan-de-la-mairie-de-paris_4965228_4355770.html
[7] https://www.leprogres.fr/rhone-69-edition-lyon-metropole/2018/09/08/lyon-perpetue-le-voeu-des-echevins
[8] https://www.lyoncapitale.fr/culture/Le-vaeu-des-echevins-une-tradition-renouee-sous-Vichy/
[9] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/islam-l-etrange-lettre-de-la-prefecture-du-rhone-20191201
[10] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/03/19/01016-20180319ARTFIG00302-banlieues-le-nouveau-conseil-des-villes-ne-fait-pas-l-unanimite.php
[11] https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/031119/marche-du-10-novembre-paris-nous-dirons-stop-l-islamophobie