En pleine crise sociale, premier édito d’une trilogie française : 1. La haine. 2. Le déclin 3. L’espoir.
Il y a de la haine dans cette colère française qui a accouché des gilets jaunes hier et du mouvement du 5 décembre aujourd’hui. Haine de la France qui gagne, réussit, bâtit… Et se lève tous les matins pour partir au combat ? Faute de parachutes dorés, de protection d’un statut éternel ou de régimes spéciaux qui sont autant de privilèges catégoriels…
Emmanuel Macron, qui n’est pas exempt de responsabilités, est la cible de toutes ces haines. Vème République et système monarchique obligent…
Haine aussi de la bourgeoisie, qui est une forme de haine de soi, intrinsèque à l’esprit de classe qui travaille la société française et surtout ses élites depuis des siècles et se ravive en temps de crises.
Les Français, tout spécialement les Franciliens sévèrement impactés par cette grève illimitée, qui cherchent désespérément à gagner leur lieu de travail pour gagner leur vie et qui, dès le matin et surtout le soir, angoissent en se demandant comment ils rentreront chez eux, ont souvent aussi ce regard noir, chargé de ressentiments, que ce soit à l’égard des grévistes ou de Macron et des élites, encore.
Depuis la fin des « trente glorieuses », ces trois décennies de croissance qui suivirent la Seconde Guerre mondiale et qui prirent fin avec le premier choc pétrolier en 1973, le pessimisme, la peur de l’avenir, la déprime et la dépression collectives progressent inexorablement. Comme si à cette période charnière, on était passé de l’après-guerre à l’avant-guerre, civile cette fois, entre les riches et les pauvres, les citadins et les ruraux, les Parisiens et les provinciaux, les habitants des centres-villes et les banlieusards, les cyclistes et les automobilistes, la droite et la gauche (toutes deux devenues majoritairement extrêmes), les laïcs et les religieux, les fonctionnaires et le privé, les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes… On pourrait continuer cette litanie tel un interminable inventaire des mécontentements et des haines qui risquent fort de nous conduire à l’avènement du Rassemblement national, dont il est de plus en plus envisageable qu’il soit flanqué de la France insoumise comme force d’appoint dans sa conquête du pouvoir : la coalition haineuse des antisystèmes.
Il sera alors trop tard pour regretter Macron, Hollande ou Sarkozy. L’effondrement moral et économique de la France serait effectif, entraînant, comme ce fut toujours le cas dans ce type de situation, une quasi-disparition de la classe moyenne, qui rejoindrait la classe populaire. La jalousie revancharde susciterait sans doute quelque satisfaction malsaine, avant que les plus pauvres ne deviennent rapidement encore plus pauvres, beaucoup plus pauvres. Les riches qui n’auraient fui avec armes et bagages seraient tondus, mais leur laine ne réconforterait pas grand monde, et surtout pas très longtemps. Outre la plèbe maîtrisée par un État policier, fer de lance de tout régime autoritaire, ne subsisteraient que les notables du régime, leurs proches, et la mafia, plus riches encore que les riches d’aujourd’hui.
C’est à cela que va conduire la haine qui suinte des pores d’une France qui se voit malade, alors que les Français, même les plus pauvres, se portent mieux que les habitants de l’immense majorité des pays du monde. Cela ne console pas, mais démontre qu’on ne rase jamais gratis.
Les Français ont pourtant élu Emmanuel Macron. Mal élu, nous dit-on, mais tel est le sort de tous nos présidents. Pas si mal, en définitive, car les élections législatives lui ont donné une large majorité pour appliquer sa politique, y compris la mise ne place d’un régime de retraite universel.
Ce n’est pas la CGT qui gouverne la France, ce syndicat qui méprise les salariés et se fiche des retraités et des chômeurs (samedi dernier à Montparnasse la CGT n’a réuni que 300 personnes pour défendre les chômeurs). Philippe Martinez veut uniquement prendre sa revanche contre les gilets jaunes et contre Laurent Berger, leader de la CFDT, premier syndicat de France qui accepte le principe d’une retraite par points et l’idée d’un régime universel.
La haine va bien au-delà de la fronde contre la réforme des retraites. Elle est un sentiment de moins en moins diffus. Elle s’exprime, parfois dans la furie et la violence, largement impunie s’agissant des blacks blocs.
Si la haine est un cauchemar, on devrait s’en réveiller… Pas avec Le Pen à l’Élysée et Mélenchon à Matignon ! Français, réveillez-vous maintenant !
Michel Taube
Demain, le déclin…