Le peuple algérien va voter en masse… contre l’élection présidentielle ! Non, ce n’est pas le pronostic d’un institut de sondage mais c’est ce qui va arriver ce jeudi en Algérie.
Et c’est ce qui s’est produit, selon nos sources, toutes concordantes, dans les consulats d’Algérie dans le monde. A Paris par exemple, on a constaté des bureaux de vote clairsemés au consulat d’Algérie et des rassemblements de partisans du boycott malgré les interdictions de la préfecture de police de Paris. A Marseille, le profil des votants correspondait à cette noble classe d’âge qui était venue en France dans les années 60 et 70 et qui a grandi sous l’ère du FLN, mais dont beaucoup sont illettrés et suivent les appels du consulat.
En Algérie même, depuis l’immense manifestation de vendredi dernier, qui ponctua 42 semaines du HIRAK, qui veut dire « mouvement », les appels à la grève générale sont suivis et tous les jours de nouveaux rassemblements se succèdent au cri de « Ulac Ivote », « Pas de vote ! ». Les étudiants sont parmi les plus mobilisés.
Il va être difficile de voter jeudi. Certes, les personnes âgées et les fonctionnaires ont été fortement incités par les autorités à se rendre aux urnes mais l’abstention risque d’être massive.
L’enjeu est de taille : le peuple algérien souhaite ne pas se faire voler sa révolution, celle par laquelle il a obtenu le départ de Abdelaziz Bouteflika le 2 avril dernier. Mais qu’arrivera-t-il ce soir ?
L’armée, et son chef d’état-major, Gaïd Salah, veulent coûte que coûte, garder le pouvoir. A renforts de soutiens internationaux hostiles aux printemps arabes, comme nous le révélons dans « La face cachée des Emirats arabes unis », la violence politique s’abat sur les opposants et sur ceux des anciens caciques du régime aujourd’hui en disgrâce.
Ainsi, le tribunal d’Alger a prononcé le 10 décembre des peines extrêmement lourdes dans un procès pour corruption et abus de pouvoir : deux anciens Premiers ministres sont condamnés à de la prison ferme, ce qui n’était jamais arrivé dans le passé. Quinze ans de prison ferme donc pour Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre, et douze ans pour Abdelmalek Sellal, son prédécesseur. Deux anciens ministres de l’Industrie sont aussi condamnés à dix ans de prison, et trois hommes d’affaires, dont Ali Haddad, l’ancien patron des patrons, sont eux condamnés à sept ans de prison ferme.
Des manifestants du vendredi ont été arrêtés, notamment des journalistes et des jeunes qui brandissaient le drapeau kabyle.
C’est une leçon de politique que s’apprête à donner le peuple algérien en boycottant cette élection parodique (mauvaise parodie !). Mais que fera le pouvoir militaire et ses cinq affidés, candidats fantoches à la présidentielle ?
Le bourrage des urnes et des résultats écrits d’avance sont à craindre pour sauver un système dont les Algériens en majorité ne veulent plus.
Quel est celui des cinq candidats qu’a donc choisi Gaïd Salah pour faire semblant de présider aux destinées de l’Algérie ? Le sixième homme, le peuple, risque de ne pas accepter un verdict tronqué.
Michel Taube