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15H42 - mercredi 11 décembre 2019

Maladies psychiatriques : quel traitement médiatique pour demain ?

 

Un « Grand Rendez-Vous » de la psychiatrie s’est tenu lundi 9 décembre 2019 à Paris. L’occasion pour les médias de clarifier leur position sur le traitement des sujets abordant les troubles psychiques et la santé mentale.

La santé mentale sera la première cause mondiale de handicap à partir de 2020. Cette prévision de l’OMS est déjà palpable : un Français sur cinq, et un Européen sur quatre, sont touchés par des troubles psychiques. Le « Grand Rendez-Vous » de la psychiatrie, qui s’est déroulé lundi 9 décembre à la Maison de la Chimie à Paris, est venu clore une phase d’un an et demi de débats dans sept régions de France, initiés par la Fondation de France et l’Institut Montaigne. Il est, surtout, venu ouvrir de nouvelles perspectives.

Parmi elles, celle de la place des médias pour promouvoir la santé mentale et faire de la prévention sur les troubles psychiques« Le rôle du producteur d’information se concentre sur la stigmatisation. Les médias, qu’ils soient d’information ou de divertissement, sont prescripteurs de stéréotypes et d’attitudes », assure Aude Caria, directrice de Psycom, un site d’information grand public sur les troubles psychiques. Première porte d’entrée dans le domaine de la santé, les médias y jouent un rôle transversal, en traitant des troubles eux-mêmes, mais aussi de la santé mentale positive et du bien-être. « Les médias doivent faire comprendre qu’il n’y a pas de santé sans santé mentale, et porter cette vision globale », poursuit Aude Caria. Selon elle, cette vision doit même s’imprimer dès l’école. « On n’y apprend pas à repérer ses émotions, à les apprivoiser, à les nommer ou à savoir prendre soin de son sommeil par exemple. »

 

Sensibiliser les étudiants en journalisme

Reste le piège du traitement sensationnaliste, pensé pour les faits divers plus que pour la rubrique santé. « Le titre de la Provence m’a beaucoup choquée il y a trois ans – « Les barjots, les schizos et les autres » – C’était insultant et dédaigneux », se souvient Marie-Christine Lipani, directrice-adjointe de l’école de journalisme de Bordeaux (IJBA) et membre de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI). Et d’ajouter : « Les mots ont une importance très symbolique. Il faut sensibiliser les jeunes à ces questions dans l’écriture journalistique. » 

En poste depuis quinze ans à Bordeaux, Marie-Christine Lipani l’affirme : ses étudiants sont plus ouverts aujourd’hui aux questions de discriminations et à la diversité, y compris dans la recherche de leurs sources. « Je suis plutôt optimiste. J’ai vu l’évolution de l’intérêt pour l’altérité et les questions concernantes. »

Cette médiatisation plus responsable de la santé mentale passe aussi par les formations des étudiants en journalisme. Les quatorze écoles reconnues en France entendent notamment poursuivre les formations croisées des médias, entre journalistes et internes en psychiatrie, dans l’objectif de prévenir la contagion suicidaire, avec le déploiement du programme « PAPAGENO ».

 

Des actions dans les médias

Pour les professionnels, un mémo « médias et psychiatrie » a été conçu à l’attention des journalistes. Le projet est soutenu par la Fondation de France, premier réseau de philanthropie de France, l’association de Journalistes pour une Information Responsable en Psychiatrie (AJIR-PSY) et l’Observatoire de déontologie de l’information (ODI). Il propose de repenser la manière d’aborder les sujets liés aux troubles psychiques, en s’opposant d’abord à une certaine titraille, celle qui racole, choque, dramatise et stigmatise.

En suivant, ensuite, quelques règles éthiques, comme la mesure des conséquences éventuelles d’un article sur le public, la protection de la vie privée, en réservant le lexique de la santé mentale aux seuls sujets qu’elle concerne pour éviter l’usage de métaphores dans l’actualité générale, ou encore d’apporter un contexte permettant d’informer plus généralement sur le trouble psychique traité. « On prend les chiffres qui permettent de déconstruire certains clichés, comme le fait que les schizophrènes seraient violents, principalement hérité de l’affaire de Pau en 2004 », détaille Marie-Christine Lipani, co-auteure de la plaquette.

Les propositions, elles, font suite à la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » présentée en juin 2018 par le Ministère des solidarités et de la santé. Un programme d’action défini par le gouvernement et qui se fonde sur l’analyse dressée par le Haut Conseil de la santé publique sur l’état de santé de la population. Le rapport fait notamment état d’« un silence et d’une forme de tabou autour des troubles psychiques et de la maladie mentale, alimentés notamment par une peur véhiculée par les médias à l’occasion d’actualités dramatiques. »

 

Psychiatrie et culture pop

 

Outre le cinéma et le cas emblématique du dernier film Joker de Todd Philipps, des évènements grand public sont aussi organisés chaque année. Parmi eux, le Psychodon a fait son apparition en France en 2018, inspiré du modèle des Enfoirés sur TF1, du Téléthon sur France 2 et du Sidaction. Le Psychodon sera de retour le 12 juin prochain pour sa troisième édition, retransmis en direct sur la chaîne C8 depuis l’Olympia. « Il fallait un grand rendez-vous à la télévision », explique Didier Meillerand, fondateur de l’évènement dont la Fondation de France organise la collecte pour la redistribuer vers la recherche et les actions de prévention sur les territoires.

Le rendez-vous se veut festif. Des artistes de toutes générations confondues viendront interpeller leurs communautés sur la maladie psychique. « L’objectif est de porter la santé mentale au regard de tous. C’est un vrai défi de santé publique. » Pour l’occasion, un hymne a été créé, chanté, entre autres par Yannick Noah, Dave, et Chimène Badi, avec ce refrain-symbole : « C’est une histoire de fou. Ça va pas bien la tête. Moi je suis seulement comme vous, pas très net. »

Didier Meillerand lui-même confie être devenu journaliste en partie grâce à son frère schizophrène, comme il en témoigne dans son livre La poire en bois, publié il y a deux ans. « Je suis allé un jour à l’hôpital psychiatrique, où mon frère avait littéralement fait une poire en bois, d’une dimension hors norme. Cette poire m’a fait découvrir que l’autre pouvait être d’une autre matière. Je n’avais jamais imaginé une poire en bois. Ça a orienté toute ma carrière et toutes mes interviews depuis vingt ans. Aujourd’hui, à chaque fois que je prends l’antenne, je me dis que la personne dont je fais l’interview est peut-être d’une autre matière et d’une autre dimension. »

 

Toucher à travers les réseaux sociaux

Ce mois-ci, une tribune « médias et psychiatrie » a été relayée sur les réseaux sociaux. Un choix par défaut qui convient finalement bien à l’association des jeunes psychiatres et des jeunes addictologues (AJPJA). « On voulait un socle à travers une diffusion dans la presse de cette tribune, mais deux grands titres nationaux nous l’ont refusé », précise Déborah Sebbane, vice-présidente de l’association.

La tribune relaye les idées discutées lors de la journée nationale de l’association, le 18 octobre dernier, à la veille du congrès français de psychiatrie, qui s’est tenu du 4 au 7 décembre.

Finalement, comme le conclut Aude Caria, directrice de Psycom, « les constats sont faits, il est maintenant temps d’agir ».

 

 Maxime Lemaitre

 

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