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Mes chers compatriotes, nous voici à la veille des départs en vacances et des fêtes de fin d’année.
Hier le Premier ministre terminait de recevoir les partenaires sociaux pour discuter des aménagements que ces derniers souhaitent apporter au projet de réforme des retraites présenté le 11 décembre au Conseil Économique, Social et Environnemental.
Edouard Philippe a annoncé hier des progrès substantiels sur les questions de pénibilité, de fins de carrière, des minimums contributifs et des transitions vers le nouveau régime.
Mais le chef du gouvernement a aussi confirmé notre détermination à mettre en place un système universel à points « plus juste, plus simple et plus solide », c’est-à-dire équilibré. Je salue devant vous la détermination et la souplesse du premier de mes ministres.
Mes chers compatriotes, j’ai été élu en 2017 sur la promesse de réparer le contrat social qui nous lie : le réparer, cela signifie le renouveler profondément dans ses modalités d’application largement détournées par des corporatismes et des places fortes qui en ont approprié les avantages. En même temps cela veut dire revenir aux sources du Conseil National de la Résistance qui en avait posé les grands principes.
Comme je l’ai déjà dit, nous lançons cette transformation, cette refondation, parce que c’est essentiel pour notre pays. Nous le faisons parce que la France et les générations futures en ont besoin pour recréer la confiance dans le système des retraites. Nous le faisons parce que je me suis engagé à le faire devant les Françaises et les Français.
Mes chers compatriotes, je sais que quelques milliers d’entre vous se sont lancés dans une grève contre ce projet et que certains ont fait le choix de passer les fêtes sur les piquets de grève. C’est leur choix, c’est leur responsabilité.
Je sais aussi que des millions d’entre vous souffrent tous les jours, depuis le 5 décembre, des conséquences désastreuses de ces grèves. Les Français sont fatigués par la situation. Les commerces de centre-ville sont mis en péril, notamment à Paris. Je suis notamment particulièrement sensible à la chute inquiétante des dons de sang consécutive aux entraves imposées à la mobilité des Français. C’est pourquoi je vous annonce, – et je vous encourage à faire autant -, que lundi 23 décembre, dès mon retour de Côte d’Ivoire, j’irai donner de mon sang à l’Établissement français du sang. Il y va de la continuité du service public de santé.
Mes chers compatriotes, je suis à vos côtés et j’ai demandé avec le gouvernement aux entreprises de transport de tout mettre en œuvre pour faciliter vos déplacements dans les jours qui viennent.
Je remercie les leaders syndicaux qui ont lancé ces derniers jours de nombreux appels à une trêve de Noël pour permettre à tous les Français, mais aussi aux étrangers et aux touristes qui vivent ou viennent sur notre sol, de rejoindre leurs familles et de se ressourcer autour de cet esprit de Noël si bienvenu.
Mes chers compatriotes, vous pouvez être sûr que malgré le chantage que le blocage des transports, les entraves à l’activité économique, les coupures (illégales) d’électricité imposent aux Français, je ne céderai pas sur les fondamentaux de la réforme des retraites. Il en va de ma responsabilité de président de la République.
Dès le 6 janvier, les discussions reprendront avec les partenaires sociaux et le gouvernement adoptera le 22 janvier un projet de loi qui sera soumis le 22 février au Parlement et adopté définitivement à l’été 2020.
Sur le fond, je ne céderai pas. Pourquoi ?
Un engagement du candidat
Pendant ma campagne pour la présidence de la République, j’ai clairement promis la création d’un régime unique, dans lequel un euro cotisé donnerait lieu aux mêmes droits pour tous. Jamais mes principaux adversaires n’ont mis cette proposition en accusation, ne l’ont brandie comme un mal absolu.
Bien au contraire, vous avez compris, accepté et souhaité que l’on mette fin à cette cacophonie d’un autre âge, discriminatoire, inégalitaire, injuste et injustifiable. Et à terme infinançable.
Lorsque je suis entré en fonction, j’ai presque immédiatement commencé à travailler sur le dossier des retraites, afin de tenir mon engagement de campagne. J’ai nommé Jean-Paul Delevoye au poste de Haut-commissaire afin de préparer cette réforme indispensable et durant près de deux ans, il a multiplié les rencontres, allant jusqu’à en débattre à la Fête de l’humanité. Nous avons complété le dialogue avec les partenaires sociaux par quelques grands débats avec les citoyens, afin que toutes les questions puissent être posées et les réponses apportées, y compris par moi-même.
Peut-être avons-nous trop débattu et pas assez expliqué. Car en réalité, le principe d’une réforme de retraites n’est pas une option mais une obligation incontournable. Laurent Pietraszewski, nouveau Haut-Commissaire aux retraites, poursuivra ce dialogue explicatif aux côtés d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et de l’ensemble des membres du gouvernement concernés.
Un régime juste
Mes chers compatriotes, la réforme du système de retraites est une urgence démocratique.
Dois-je rappeler que les régimes spéciaux de retraite coûtent chaque année environ sept milliards d’euros au contribuable, dont 3,3 milliards pour la seule SNCF ? Ce sont tous les Français qui payent pour que leurs agents, en particulier ces conducteurs qui bloquent le pays, puissent travailler moins et moins longtemps, et bénéficier de pensions bien plus élevées qu’ailleurs, notamment au regard de celles du secteur privé.
Les actuels bénéficiaires des régimes spéciaux qui seront affectés par la réforme sont en définitive peu nombreux, et ceux qui sont entrés récemment dans la vie active ne peuvent se considérer comme perdants au seul motif qu’ils devront travailler autant que les autres salariés. C’est le contraire qui serait injuste et injustifiable.
Mon devoir, ma responsabilité, c’est d’œuvrer à l’intérêt général.
Un combat budgétaire pour l’âge d’équilibre
Sur la question la plus épineuse pour les syndicats réformistes de l’âge d’équilibre proposé à 64 ans, je le redis comme l’a dit le Premier ministre : travailler un peu plus n’est pas une injure dans une époque où l’on entre dans la vie active bien plus tard et où l’espérance de vie s’est allongée.
Nous ne pourrons faire l’économie d’un report de l’âge effectif du départ à la retraite, sauf à prendre le risque d’une faillite du système ou, si l’on cédait aux revendications de certains syndicats et partis politiques, à la faillite de nombreuses entreprises et à l’affaiblissement général de notre économie.
Lors de cette campagne, je me suis également engagé à ce que les pensions ne baissent pas, une promesse que la situation fiscale et budgétaire de la France rendait pourtant particulièrement difficile à tenir. Nous avons veillé à ce que la hausse de la CSG n’affecte pas les petites retraites, car elle a été largement compensée par la suppression de la taxe d’habitation, d’abord partielle et bientôt totale.
Je ne suis pas dogmatique. Je ne suis pas non plus le président des riches comme l’attestent les nombreux progrès que le système universel à points apportera aux pensions les plus faibles, aux femmes et aux carrières professionnelles les plus hachées. Demain non seulement les pensions ne baisseront pas, mais certaines, comme celles des agriculteurs augmenteront, et ne pourront être inférieures à 1000 euros par mois pour une carrière pleine.
Je voudrais faire plus et mieux, mais contrairement à certains qui font comme si les comptes publics n’existaient pas, il est de ma responsabilité d’être dans le monde réel, et non dans celui fantasmé ou mensongèrement présenté par des doctrinaires de tous bords, dont le seul horizon est la conquête du pouvoir politique ou syndical. Et après, qu’adviendrait-il ?
Partout dans le monde développé, sur tous les continents, l’âge de la retraite est reculé parce qu’il n’est pas possible de vivre jusqu’à 80, 90, 100 ans, et bientôt au-delà, aux seuls frais du contribuable ou des générations suivantes. Avec 1,7 actif pour un retraité, la France est déjà le pays le plus déséquilibré du monde. Ils ne seront plus que 1,5 actif en 2040 et 1,3 actif en 2070, malgré notre natalité relativement élevée, mais qui donne également des signes de tassement, comme dans presque tous les pays développés, quelle que soit la politique familiale. La France consacre 14 % de son PIB, son produit intérieur brut, aux retraites, le double qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni. Certains voudraient que ce taux augmente. Ils veulent que tous les taux affectés à notre système social augmentent, refusent de comprendre que 100 % est un total, un seuil, un maximum, et que s’il est possible de la dépasser, cela s’appelle le crédit, que cela a un coût, et que ce sont les Français, en particulier les prochaines générations qui le supporteront. Ils affirment défendre le maintien des régimes spéciaux au nom de l’intérêt général et des prochaines générations, alors qu’ils ne font que vouloir leur léguer une dette, celle du maintien de leur situation particulière.
Partout au sein de l’OCDE, on travaille au moins jusqu’à 65 ans. Est-ce un drame ? Il n’y a qu’en France qu’on le pense. En réalité, les Français sont manipulés, trompés, induits en erreur. Ceux qui brandissent le spectre de l’espérance de vie en bonne santé se livrent à une véritable supercherie. Que l’on travaille ou non, les problèmes de santé surviennent avec l’âge. Telle est la dure réalité de la vie. Hors métiers pénibles, la retraite est trop souvent l’antichambre d’un déclin physique et psychique. On ne vit pas moins longtemps ni en moins bonne santé parce que l’on travaille.
Par ailleurs, la réforme que nous élaborons n’empêchera pas les Français de profiter de leur retraite, s’ils en sont le désir. L’espérance de vie était de 74,05 ans en 1980 et de 82,27 ans en 2016. Avec l’évolution inéluctable de la technologie, en particulier de la robotique et des assistantes aux tâches pénibles, mais aussi du fait de la révolution que connaîtra prochainement la santé grâce à l’intelligence artificielle, ces limites seront encore repoussées. Alors qu’en pratique, l’âge effectif de départ à la retraite s’approche déjà des 64 ans pour bénéficier d’une pension complète, j’ai du mal à comprendre pourquoi certains font d’une fixation d’un âge d’équilibre à 64 ans un épouvantail inacceptable. Comme l’a dit le Premier ministre Édouard Philippe, les partenaires sociaux sont libres de trouver une autre solution alternative qui préserverait les équilibres budgétaires, mais il est évident que les taux de prélèvement actuels à la charge de l’employeur sont déjà si importants qu’il serait fort dangereux de les augmenter, en particulier à la charge des PME et TPE, qui représentent 99,8 % du nombre total d’entreprises, 36 % du chiffre d’affaires de toutes les entreprises françaises et près de la moitié des salariés de notre pays.
Mes chers compatriotes, nous ne pourrons régler les problèmes de financement des retraites en taxant davantage les riches, comme on dit, ni les grandes entreprises, parce qu’ils iraient voir ailleurs. Fuite des cerveaux, fuite des capitaux. Ceux qui le nient vous mentent, une fois encore.
Nous ne pouvons davantage taxer ou augmenter les cotisations patronales des commerçants, artisans, professions libérales, TPE, PME. Elles sont déjà beaucoup trop élevées et découragent l’initiative.
N’étant prisonnier d’aucun dogme, je ne suis pas opposé à un aménagement de l’âge d’équilibre, à ce qu’il puisse éventuellement être modulé, notamment en fonction de critères de pénibilité, à condition que celle-ci ne soit pas instrumentalisée et que les équilibres budgétaires soient préservés.
Je m’étais également engagé, lors de la campagne présidentielle, à lisser l’entrée en vigueur de la réforme sur dix ans. Finalement, et malgré le dernier rapport alarmiste du COR, le gouvernement a proposé un étalement plus long encore, qui au final permettra de préserver notre système par répartition, au plus grand bénéfice de l’immense majorité des Français, en particulier ceux qui aujourd’hui sont lourdement pénalisés par un système qui n’est plus en phase avec son temps.
Le gouvernement en discutera avec les partenaires sociaux dès le 6 janvier 2020.
Il faut avancer dans le sens de l’histoire
La première solution au problème des retraites et à bien d’autres, c’est la baisse de ce chômage endémique qui handicape la France, grève ses finances publiques et frappe évidemment de plein fouet les sans-emplois et leurs familles.
Or il faut que ceux qui pensent qu’on n’a qu’à taxer les entreprises pour régler tous les problèmes comprennent que ce sont elles qui sont pourvoyeuses d’emplois. Certaines entreprises se battent sur des marchés internationaux où la concurrence est sans merci. Je suis totalement d’accord que les revenus du capital devraient davantage contribuer à la solidarité nationale, que l’échelle des rémunérations devrait être resserrée, qu’il est absurde que des multinationales comme les GAFAM américains puissent échapper à l’impôt par des pratiques d’optimisation fiscale qui sont si illégitimes qu’elles devraient être illégales et impossibles. Le gouvernement et la majorité présidentielle travaillent sur ces chantiers et ont obtenu les premiers résultats.
Mais il est indispensable que nos compatriotes prennent la pleine mesure de la réalité mondialisée, globalisée. Nous tous sommes embarqués dans ce train de l’Histoire qui depuis des millénaires est celui des échanges, en général pour le meilleur : le commerce, les échanges, le libéralisme, termes qui écorchent les oreilles des marxistes dont le système de prédilection n’est qu’un capitalisme d’État absurde et, au final, si inégalitaire qu’il n’y existe aucune classe moyenne, les échanges donc, ont contribué à la prospérité et à la paix. Et ce chemin de l’Histoire ne s’arrêtera pas.
En face, il y a le repli sur soi, le protectionnisme et la guerre. Ce que l’on appelle la mondialisation n’est que l’hypertrophie de ce mécanisme libéral et libre-échangiste. Nous en mesurons aujourd’hui les dérives, les inconvénients, les dangers, tant en termes économiques qu’écologiques. Il est temps d’encourager une économie de proximité, d’ajuster notre fiscalité au bénéfice de nos entreprises sans sombrer dans le protectionnisme et dans une guerre économique et fiscale dont nous serions tous perdants.
La France n’a pas peur ni du travail ni des échanges. Elle sait se protéger et s’ouvrir en même temps, surtout dans le cadre européen. L’Union européenne est notre meilleure protectrice.
Mes chers compatriotes, je déplore qu’à force d’entendre des discours catastrophistes, les Français finissent par croire qu’ils sont les miséreux du monde moderne, alors qu’un dépit de tous les excès et méfaits de l’économie de marché et de la mondialisation, il n’existe que fort peu d’endroits dans le monde où l’on vive mieux qu’en France, même si l’on est en bas de l’échelle sociale, grâce à un système redistributif qui n’a pas d’équivalent sur la planète.
Mais je sais qu’il faut faire mieux et que l’on peut faire mieux, en particulier en relançant ce que l’on appelle l’ascenseur social. Nous sommes le pays qui consacre 56 % de sa richesse nationale au secteur public : les Français peuvent à juste titre considérer qu’ils n’en ont pas pour leur argent. L’État de nos hôpitaux, parfois de nos écoles, de certaines de nos routes, de notre justice que nous réformons actuellement en profondeur, ne peut se comprendre ni se justifier au regard de ce chiffre de 56 %.
Mes chers compatriotes, la réforme des retraites n’est pas la grande affaire de mon quinquennat : elle est simplement un des piliers de la vision que je propose aux Français. Celle d’une France plus dynamique, plus solidaire, plus active.
C’est pourquoi, en plus de la finalisation de cette grande réforme au premier semestre 2020, le gouvernement poursuivra deux chantiers vitaux : vaincre le chômage et réformer l’État en profondeur et notamment l’organisation de toutes les fonctions publiques avec une nouvelle politique de management des administrations et une grande loi de décentralisation.
Mes chers compatriotes, nous surmonterons nos difficultés, parce que nous sommes un grand peuple : nous avons toujours su surmonter les épreuves. C’est aussi cela l’art d’être Français !
Nous avons tant de grandes choses à construire, à construire ensemble.
Joyeux Noël !
Vive la République ! Vive la France !
Emmanuel Macron
Vous venez de lire la troisième livraison de notre série de politique fiction : « les grands discours – fiction d’Emmanuel Macron ». Ces textes sont commis par Michel Taube et Raymond Taube lorsque la situation de la France se crispe trop… :
– le 3 décembre 2018 : « Mes chers compatriotes… Ma réponse aux gilets jaunes » par Emmanuel Macron.
– Le 15 mars 2019 (jour de la clôture du Grand Débat national consécutif au mouvement des gilets jaunes) : « Mes chers compatriotes… Je vous ai entendus : je crée un Haut Comité pour la refondation de la République »
Retrouvez dès demain notre série « Vivement 2020 ! » avec chaque jour, pendant les Fêtes, un kaléidoscope à la fois léger et sérieux pour revivre l’année 2019 et anticiper 2020.