Yannick Jadot serait-il en train de faire la révolution verte au sein de la mouvance écolo française ? C’est l’impression qu’il a donnée à nouveau lors de son interview le 10 janvier par Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC. Lui, le député de Strasbourg, inspiré par un esprit européen plus ouvert qui souffle sur la scène des Verts européens, saura-t-il élargir le spectre de l’écologie à tout le personnel politique français ?
Greta Thornberg nous l’annonce, les incendies tragiques en Australie et en Amazonie le confirment, les bons scores des Verts aux élections européennes en France de juin dernier en suscitent l’ambition politique : se préparer au désastre écologique annoncé et tenter de réduire son ampleur, telle est désormais la mission fondamentale qui nous incombe, à charge pour les politiques de donner le la. De quoi faire monter les intentions de vote pour la présidentielle de 2022 en faveur de notre géant vert vert.
Jusqu’alors, l’écologie politique française était enfermée dans un dogmatisme néo marxiste : des écolos-pastèques, verts dehors, rouges dedans. L’écologie politique fut confisquée par l’extrême gauche, plus sensible au sort des migrants qu’à l’avenir de la planète. Une frange anti-humaniste, détestant l’homme (Antoine Waechter et consorts), a aussi préparé le terrain idéologique au sein de certains historiques d’Europe – Ecologie – Les Verts. L’orientation marxiste des Verts les amenait (et les amène encore majoritairement) à considérer que pour être écologique, il faut d’abord abattre le capitalisme et sortir radicalement du modèle de croissance.
Peut-être, sans doute même, ont-ils raison, et pas seulement pour des raisons environnementales. Mais ils confondent le possible et le souhaitable, ne proposent aucune alternative crédible, réaliste et viable à notre modèle universel (les régimes néo marxistes et les théocraties islamistes sont tout aussi capitalistes que les démocraties libérales), croient (ou feignent de croire) que la sagesse guidera l’Homme, transformé en ange, nient qu’une décroissance progressive puisse être fondée sur le développement durable, et qu’en attendant un hypothétique changement de système, l’urgence environnementale impose au contraire de développer une économie non polluante ou à minima moins polluante, source de croissance saine, de création d’emplois, d’un confort de vie accru, d’une meilleure santé… En s’enfermant dans un dogme gauchiste et antisystème, l’écologie politique française s’est elle-même condamnée à rester spectatrice d’un monde qui change, alors qu’elle devrait en être un acteur, voire l’acteur, principal.
C’est pourquoi il faut se réjouir et même s’enthousiasmer du virage pris par Yannick Jadot, devenu définitivement le champion de l’écologie française aux dernières élections européennes. La réussite d’Europe Ecologie-Les Verts à ce scrutin, c’est d’abord la sienne. Yannick Jadot n’a pas sacrifié son âme et celle de l’écologie au plus offrant. Mais il a compris que l’écologie ne pouvait être de gauche et encore moins d’extrême gauche, surtout de ce qui reste de la gauche française, archaïque et dogmatique s’agissant de Mélenchon et de la France insoumise, ou moribonde pour ses autres franges.
Yannick Jadot refuse encore d’envisager toute alliance avec Les Républicains, au prétexte que l’ancien parti de Nicolas Sarkozy serait hostile à l’écologie. Il ne l’est pas moins que La République En Marche et même de la gauche qui a toujours plus parlé d’écologie qu’elle n’a œuvré à son développement.
Si les populistes de tous bords devaient faire alliance, ce qui serait conforme au désir d’un nombre croissant de leurs électeurs, et si la macronie s’effondrait (ce que nous ne souhaitons pas mais ce que de nombreux indices tangibles laissent espérer à beaucoup de ses adversaires), une écologie non gauchiste pourrait devenir l’alternative crédible et responsable pour éviter le basculement de la France dans le populisme de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon (ou des deux car une alliance deviendra évidente si elle est la condition arithmétique de leur prise du pouvoir).
Yannick Jadot peut jouer un rôle décisif dans l’ancrage de l’écologie dans une posture audacieuse, révolutionnaire même sur le plan du modèle économique, mais responsable face aux bouleversements déjà inévitables (par exemple, l’afflux massif de migrants climatiques), ceci contre l’incantation révolutionnaire marxiste teintée d’un multiculturalisme aux relents islamogauchistes de bon nombre d’écologistes français.
S’il arrive à s’émanciper, sans les délaisser, d’Europe – Ecologie – Les Verts, Yannick Jadot peut avoir un destin national. Ou, sur le modèle allemand ou autrichien, s’allier soit avec Emmanuel Macron (le parti vert serait menacé d’implosion mais la menace de victoire de Marine Le Pen au second tour scellerait cette alliance) soit avec une Anne Hidalgo réélue Maire en mars 2020 et qui rêverait d’un destin national pour 2022 avec Jadot comme premier ministre !
Bien sûr les modes de scrutin présidentiel et législatif n’y poussent pas en France, mais l’Allemagne donnera peut-être l’exemple, avec une prochaine alliance entre la CDU et les Verts. Si elle n’est pas acquise, elle n’est aucunement exclue. C’est ce que l’Autriche fait aussi aujourd’hui : le chancelier Sébastien Kurz quitte l’extrême-droite pour s’allier aux Verts. Contre-nature vu de France mais bien compris en Europe.
Puisse notre écologie politique s’inspirer des Verts européens et adopter une position constructive. Yannick Jadot a ouvert le bal. Espérons que l’on ne s’acharne pas à lui marcher sur les pieds comme on le fit en son temps sur Nicolas Hulot.
Michel Taube