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14H26 - dimanche 12 janvier 2020

Never explain, never complain : les dessous de la décision du couple Meghan – Harry. La chronique de Philippe Boyer

 

En annonçant leur souhait de prendre leur autonomie, Meghan et Harry se sont affranchis de l’autorité de la reine Élisabeth II. Un cas de lèse-majesté. Philippe Boyer, auteur d’un récent roman ayant pour personnage principal la reine d’Angleterre (« God save the tweet » paru aux Editions Kawa), analyse la chute de la maison Sussex.

 C’était en 2011. A quelques mois du début de son jubilé de diamant marquant les soixante années de règne de la reine Élisabeth II sur le trône du Royaume-Uni, le jeune Prince Harry, alors âgé de 22 ans, vient de rentrer d’un voyage d’une dizaine de jours à Bélize, en Jamaïque et aux Bahamas, territoires membres du Commonwealth. Comme à son habitude, ne laissant jamais rien au hasard, la souveraine a soigneusement chorégraphié cette sortie diplomatique de son petit-fils. Peu avant son départ, Harry confia qu’il avait eu une courte conversation avec sa grand-mère au Palais de Buckingham[1] : « Elle m’a souhaité bonne chance. », confia-t-il. Et d’ajouter sur le ton de la confidence : « Profites-en. J’espère que tu me rendras fière. »

Près de dix années se sont écoulées, une éternité au vus des bouleversements qui se sont abattus sur la Couronne britannique depuis ces derniers mois. Si tout commença par un conte de fées – le mariage de son petit-fils (préféré) avec une ex-comédienne d’Hollywood au mois de mai 2018 – les choses se sont récemment gâtées avec la chute du Prince Andrew entrainé dans la tourmente de l’affaire Esptein, la brouille quasi publique du Prince Harry avec son frère William et, de manière plus anecdotique mais qui en dit long sur l’ambiance actuelle au sein de la famille royale, le choix du couple Harry (désormais sixième dans l’ordre de succession au trône) et Meghan de ne pas fêter les fêtes de Noël en famille aux-côtés de la reine Elizabeth II, préférant passer du temps en famille au Canada avec leur tout jeune fils Archie.

 

Rébellion

Le coup de grâce s’est déroulé il y a quelques jours lorsque Harry et Meghan ont décidé de prendre leurs distances avec Buckingham en renonçant à leur rôle de premier plan au sein de la famille royale. Via les réseaux sociaux, le duc et la duchesse de Sussex déclarant : « Nous avons l’intention de renoncer [au rôle de] membres « senior » de la famille royale et de travailler pour devenir financièrement indépendants, tout en continuant à soutenir la reine.[2] ».

Fidèle à sa ligne de conduite consistant à ne jamais publiquement faire apparaitre la moindre émotion ou contrariété, nul doute qu’à réception d’une telle nouvelle, la souveraine a plus que jamais fait sienne la devise de son arrière-grand-mère, la reine Victoria, « Never explain, never complain », autrement dit « Jamais d’explications, jamais de plaintes ». Certes, et comme à son habitude, la reine ne réagit jamais de manière excessive, ni ne prononce d’opinions hâtives. Bien au contraire. Ses paroles sont toujours mesurées et murement réfléchies sans pour autant oublier, parfois, de laisser percer une certaine forme de surprise voire de colère froide. Le communiqué de presse paru quelques heures après l’annonce du couple princier est sans aucun doute à classer dans cette dernière catégorie : « Les discussions avec le duc et la duchesse de Sussex sont à un stade précoce. Nous comprenons leur désir de prendre une autre voie, mais ce sont des questions compliquées, qui prennent du temps à régler[3] », a ainsi réagi le Palais de Buckingham.

 

Une main de fer dans un gant de velours

De l’avis de tous ses biographes[4], plusieurs choses horripilent la souveraine : le gaspillage, de quelque nature qu’il soit, ainsi que le changement. Personnalité conservatrice, Elizabeth II entend que son clan marche d’un même pas. Qu’un membre de la famille royale entende s’écarter de la ligne et il sera immédiatement rappelé à l’ordre, voire purement et simplement passé à la trappe. Sans état d’âme, et avec la ferme volonté de préserver l’unité du clan Windsor, sa propre sœur, la princesse Margaret, en a fait les frais ainsi que son oncle, le duc de Windsor, sans parler de ses ex-belles-filles, la princesse Diana et la Sarah, duchesse de York.

Tout récemment, ce fut au tour de son fils, le prince Andrew et du couple Harry et Meghan. A ce sujet, un petit détail n’a pas échappé aux « Buckinghamologues » d’Outre-Manche qui n’ont pas manqué de commenter la photo de famille posée sur la table à partir de laquelle la reine prononça son traditionnel discours de Noël[5] : aucun cliché d’Harry, de Meghan ou de leur fils Archie n’apparaît alors que d’autres cadres exposent le prince Philip, époux de la reine, leur fils Charles et son épouse Camilla, le prince William, Kate Middleton et leurs trois enfants, et enfin George VI, le père de la monarque, disparu en 1952. Le décryptage de ces symboles est clair : voici les personnes sur lesquelles la monarchie doit dorénavant compter et à partir desquelles l’avenir s’écrira. Exit le duc et la duchesse de Sussex.

 

Chef de famille

En n’ayant pas eu la délicatesse d’évoquer avec sa grand-mère son nouveau projet de vie éloigné des fastes de la cour, – la presse relate d’ailleurs que son père, le Prince Charles, ainsi que son frère n’ont été avertis que quelques minutes avant l’envoi du communiqué[6] – Harry s’est mis hors-jeu. Son statut de « petit-fils préféré » s’étant envolé à jamais aux yeux de la reine. Sous des dehors de monarque conciliante et attentive, Sa Majesté ne tolère pas ce genre de « trahison » et encore moins l’image que cela renvoie aux yeux de l’opinion publique à l’heure où, d’un point de vue politique, le Royaume-Uni traverse une zone de turbulences à quelques jours de sa sortie de l’Union Européenne.

Dans sa vie privée comme à l’occasion de ses très nombreuses obligations officielles, le long règne de la reine est une succession de devoirs auxquels elle s’est consciencieusement pliée depuis le 2 juin 1953 à l’abbaye de Westminster, jour de son couronnement. « C’est souvent dans l’adversité que nous trouvons la force » avait dit la souveraine dans un de ses précédents messages de Noël. Nul doute que cette force-là sera plus que jamais nécessaire à la couronne Britannique pour cimenter la Royauté à l’aune de cette nouvelle décennie marquée par le renouvellement dans la continuité.

 

 

Philippe Boyer

Philippe Boyer est un bloggeur reconnu en matière de numérique et d’innovation. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse économique et digitale : La Tribune, Les Echos, Forbes France, Opinion Internationale…
Conférencier et écrivain, Philippe Boyer est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les thématiques du numérique : « Ville connectée- vies transformées – Notre prochaine utopie ? » (2015) et « Nos réalités augmentées. Ces 0 et ces 1 qui envahissent nos vies » (2017). Il a publié son premier roman: « God save the tweet », paru aux Editions Kawa (mars 2019). Un roman qui met en scène la Reine Elizabeth II devenue éprise de numérique et tout particulièrement de Twitter.
Philippe Boyer est actuellement Directeur de l’innovation d’un groupe immobilier européen. Il est diplômé de Sciences-Po Aix et de l’EM Lyon (MBA), et a exercé diverses fonctions communication, marketing et développement dans des groupes liés à l’immobilier et aux services urbains.
 

[1] La Reine Élisabeth​ II – La vie d’un monarque moderne, par Sally Bedell Smith, éditions Des Equateurs, 2018.

[2] https://www.instagram.com/sussexroyal/?hl=fr

[3] https://www.royal.uk/statement-discussions-duke-and-duchess-sussex

[4] https://livre.fnac.com/a3829188/Marc-Roche-Elizabeth-II

[5] https://www.bbc.com/news/av/uk-50912433/the-queen-s-christmas-message-2019-in-full

[6] https://www.mirror.co.uk/news/uk-news/meghan-markle-harry-only-sent-21246027

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