Les Forums se succèdent, les colloques fleurissent années après années et les chefs d’Etat se réunissent à fréquence de plus en plus régulière au rythme de la pression grandissante de l’insécurité des territoires. L’ombre du terrorisme s’étend et grignote, sans vraiment s’arrêter, les campagnes ou les villes. Il y a bien ça et là quelques petites victoires sporadiques, des sursauts d’un instant et parfois, enfin, de remarquables reculs de la pauvreté. Car il faut bien le nommer : ce mal profond qui frappe le continent et s’exprime dans le sang, le terrorisme, est aussi né du parent pauvreté.
Et pourtant la pauvreté n’est pas une fatalité. Sur un continent qui va voir sa population doubler en une génération – record historique à l’échelle du globe – et la concentration urbaine multipliée par deux en quinze ans, certains se confortent à l’idée que les taux de croissance économique y sont remarquables et durables, que l’Afrique recèle des pépites d’innovations en une classe d’entrepreneurs que peu de territoires peuvent concurrencer. Il suffit pourtant de voyager pour comprendre à quel point les inégalités sont profondes d’un pays à l’autre. Les priorités se bousculent, au gré des programmes politiques mais, hélas aussi, des modes faciles et médiatiques, parfois même tristement opportunistes. Nous voulons ici revenir sur ce que nous considérons essentiel à l’agenda du XXIème siècle pour assurer « un avenir pour chacun dans un monde commun », comme le dit à juste titre le député Hervé Berville. Et bien sûr, point d’avenir sans paix ni stabilité !
L’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’électricité (Objectifs de développement durable, ODD 6 et 7) sont les trois priorités – mais aussi les droits fondamentaux – consacrés par l’Assemblée générale de l’ONU et affichés comme droits humains essentiels à l’exercice de tous les autres droits de l’homme. Et au-delà, facteurs de croissance économique et véritable antidote à la pauvreté.
Réussir ces trois priorités n’emporte pas de schéma d’organisation complexe, de technologies savantes ni ne nécessite de programmes d’aide mais plutôt celui d’un seul moteur, la gouvernance. Les pays qui, il y a des années, ont décidé de mettre clairement la priorité sur ces trois accès sont peu nombreux, mais ceux qui l’ont fait et assumé dans le temps -choix institutionnels, régulation, opérateurs, financement – ont vu localement reculer les marqueurs de pauvreté. Là encore, attention aux indicateurs : l’indice de pauvreté multidimensionnelle utilisé par le PNUD montre par exemple au Mali entre 2007 et 2017 une baisse de 10% de l’indice de pauvreté mais une augmentation du nombre de laissés pour compte de 10%, par le simple effet de la croissance numérique globale de la population. Mais ce qui compte, ce sont les femmes et les hommes et pas les pourcentages.
Des trois priorités, Eau – Assainissement – Electricité, découlent l’amélioration de la scolarité, des services de santé, de la mesure du bien-être et à la fin, de la dignité de chacun. C’est bien lorsque la volonté publique est là – et à son initiative – qu’on peut passer du concept au discours, du discours aux actes… Pour enfin mettre en œuvre les outils de la paix.
Moussa Mara
Ancien premier ministre du Mali, président du parti malien Yelema
Patrice Fonlladosa
Président Afrique du CEPS et Président du think tank (Re)Sources, ancien président du Comité Afrique du Medef International, et ancien Président Afrique Moyen Orient du groupe Veolia