Marine Le Pen est donc candidate à l’élection présidentielle de 2022. Un secret de Polichinelle mais un petit coup politique pour agrémenter ses vœux à la presse d’un petit effet de surprise. Une façon aussi de soutenir pleinement ses troupes dans la bataille des municipales de mars et départementales et régionales de 2021.
Marine Le Pen a-t-elle un destin présidentiel ? En 1998, nous écrivions un opuscule « On n’en a pas fini avec le Front national ». Or la conquête du pouvoir est un long fleuve aux eaux turbulentes dont la percée fulgurante d’Emmanuel Macron constitue une véritable exception. François Mitterrand et Jacques Chirac en savaient quelque chose qui ont dû s’y reprendre à de nombreuses reprises avant de toucher le graal. L’instauration du quinquennat a arithmétiquement multiplié les chances d’être élu pour un animal politique qui ne penserait qu’à cela du réveil au coucher, et même dans ses rêves et ses cauchemars. C’est le cas de Marine Le Pen.
Les sondages lui prédisent de plus en plus ce destin français. Le verrou, le cordon sanitaire, le tabou de la menace démoniaque du parti d’extrême-droite semblent disparaître peu à peu dans l’esprit d’une majorité de Français. Sa qualité de femme, le changement du nom du parti, le renouvellement des cadres, le renoncement (tactique) au Frexit produisent leur effet et font oublier le double ADN du Front national et de la dynastie Le Pen, pourtant bien présents au cœur du projet du parti qui reste bien d’extrême-droite.
Même Jean-Luc Mélenchon lui a trouvé une once d’humanité en déclarant récemment que Marine Le Pen avait fait « un progrès en direction de l’humanisme » en soutenant le mouvement de grève contre la réforme des retraites. Emboite-t-il le pas à ses électeurs ? Un sondage Ifop paru dans le JDD le 3 novembre dernier indiquait que près de deux tiers des électeurs de LFI aux élections européennes accorderaient leur suffrage à Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles, dans l’hypothèse où ils ne s’abstiendraient pas. Il est vrai que l’air du temps n’est pas à l’abstention…
Si l’on y ajoute le report des voix d’une partie des électeurs de LR, on obtient pour le moment une victoire d’Emmanuel Macron 55-45, chacun d’eux étant crédité de 27 à 28 % au premier tour. Marine Le Pen est la plus grande bénéficiaire des multiples difficultés qu’a déjà affrontées Emmanuel Macron, sans que celui-ci ait la certitude que le pire est derrière lui.
Qu’en sera-t-il en mai 2022 ? Tout d’abord, rien n’est gagné côté Macron. Dans le duel populistes – démocrates, on oublie trop que François Fillon a fait un excellent score au premier tour de la présidentielle d’avril 2017 malgré le Fillon-bashing. Si Xavier Bertrand, François Baroin ou un(e) invité(e) surprise de la droite républicaine arrivait à rogner sur la droite philippienne de la macronie, si Yannick Jadot réussissait à ouvrir les vannes politiques de l’écologie et à s’imposer définitivement aux socialistes et à la France insoumise en large perte de vitesse (pour cause de liquéfaction vers l’extrême-droite de son électorat), rien ne dit qu’Emmanuel Macron serait l’adversaire de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle.
Macron ou un autre, notre conviction est qu’il ou elle l’emporterait pour les démocrates sur Marine Le Pen et les populistes en 2022. De peu, mais tout de même.
En revanche, le score que ferait la patronne du Rassemblement National serait un tel séisme qu’elle serait lancée pour 2027 et là aurait toutes ses chances de l’emporter en inversant le résultat : 50,5 – 49,5… D’autant que si Macron est réélu en 2022, il ne pourra se représenter en 2027, depuis la limitation des mandats par la réforme constitutionnelle de Nicolas Sarkozy.
Un destin présidentiel à un fil et le crépuscule d’une République victime de cette colère française qui n’en finit plus de miner le pays….
Michel Taube