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06H45 - samedi 18 janvier 2020

Une conséquence inattendue du Brexit : l’Ecosse peut-elle redevenir indépendante ? La chronique de Didier Maus

 

La vie politique britannique offre toujours d’importantes surprises à un esprit continental. Qui aurait imaginé, il y a quelques années, que la question d’une nouvelle indépendance de l’Écosse serait à nouveau en discussion ? Certes, nous savons depuis longtemps qu’il ne faut pas regarder avec les mêmes yeux les deux côtés de la courte frontière (100 km) qui sépare l’Angleterre de l’Écosse. Pour se limiter à l’aspect juridique, le droit écossais conserve encore de larges éléments empruntés au droit romain et le système judiciaire est distinct de celui de l’Angleterre. Lors du référendum du 23 juin 2016 sur la sortie de l’Union européenne (Brexit), les Écossais ont voté à 62% en faveur du maintien dans l’Union européenne. Les résultats des élections législatives du 12 novembre 2019 ont confirmé la singularité de l’Écosse : sur les 59 sièges à pourvoir, 48 ont été gagnés par le Parti national écossais, favorable à un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse et, par voie de conséquence, à son maintien dans l’Union européenne.

Même si le Premier ministre britannique Boris Johnson a signifié le 14 janvier 2020 à la Première ministre écossaise, Mme Nicola Sturgeon, son refus d’envisager la perspective d’un nouveau référendum sur l’indépendance écossaise, il faut se souvenir qu’en politique rien n’est jamais définitif et que des circonstances nouvelles peuvent conduire à d’autres positions. D’où l’intérêt de comprendre comment l’Écosse pourrait revendiquer une nouvelle indépendance.

Jusqu’en 1707, l’Écosse et l’Angleterre formaient des royaumes distincts, se partageant, le premier au nord, le second au sud, le territoire de ce qui va devenir la Grande-Bretagne. Signé le 22 juillet 1706 le Treaty of Union stipule qu’à compter du 1er mai 1707 les deux entités n’en formeront plus qu’une. Le traité prévoit toute une série de modalités, mais n’intègre pas totalement l’Écosse dans l’Angleterre. Elle conserve une vraie personnalité. Il n’est évidemment pas question de baliser toutes les évolutions intervenues depuis le début du XVIIIe siècle. En 1998, dans le cadre d’un vaste programme de réformes constitutionnelles, le gouvernement de Tony Blair fait adopter le Scotland Act 1998 qui accorde à l’Écosse, comme à l’Irlande du Nord et au Pays de Galles, de nouveaux pouvoirs autonomes. Cette politique, connue outre Manche sous le non de Devolution, conduit, en particulier, à recréer un Parlement écossais et à le doter de pouvoirs législatifs propres. La Reine est ainsi amenée à accorder le Royal Assent à des textes votés à Édimbourg. Il est aisé de comprendre que cette réforme a renforcé le sentiment nationaliste écossais et a, à nouveau, posé la question d’une éventuelle indépendance de l’Écosse, c’est-à-dire de l’abrogation du traité de 1706.

Les négociations politiques menées par David Cameron, Premier ministre britannique, et Alex Salmond, Premier ministre écossais, ont débouché, le 15 octobre 2012, sur l’Accord d’Édimbourg relatif aux modalités de préparation et d’organisation d’un référendum sur l’indépendance écossaise. Cet accord est rapidement confirmé par le Parlement de Westminster. Le point le plus important, et le plus significatif, est la possibilité donnée au Parlement écossais d’adopter une loi sur l’organisation du référendum d’indépendance, alors qu’en application du Scotland Act de 1998 les matières, que l’on qualifierait en France de régaliennes, demeurent de la compétence du Parlement britannique et non du Parlement local. Par la suite, le Scottish Independence Referendum Act 2013, qui a reçu la sanction royale le 17 décembre 2013, détermine le cadre de la consultation et précise que la question soumise au référendum est « L’Écosse doit-elle être un pays indépendant ? » Une réponse négative conduisait au statu quo ; une réponse positive menait à l’ouverture de négociations sur les modalités et le calendrier de l’indépendance.

Comme on le sait, le référendum du 18 septembre 2014, avec une participation électorale exceptionnelle de 84,59%, a débouché sur un vote négatif de 55,30%. La question de l’indépendance écossaise est donc théoriquement réglée, sauf nouveaux rebondissements. Les consultations successives du Québec en faveur d’une sécession du Canada ou en Nouvelle-Calédonie à propos également d’une éventuelle indépendance montrent que tels rebondissements s’inscrivent dans la logique des résultats négatifs.

La conclusion de ce rapide parcours au pays du Loch Ness est claire comme l’eau du lac : il est parfaitement possible que l’Écosse redevienne un pays souverain. L’imagination juridique permettrait, si nécessaire, de trouver d’autres procédures. Il existe, par contre, au moins pour l’instant, un préalable politique à l’organisation d’un nouveau référendum, l’accord du gouvernement britannique. Il est loin d’être acquis. Il en découle donc une question beaucoup plus compliquée : l’Écosse peut-elle rompre unilatéralement ses liens avec l’Angleterre ? Peut-elle quitter la Grande-Bretagne ? Peut-elle proclamer seule, par un coup de force juridique, son indépendance ? Comme dirait Kipling, « ceci est une autre histoire ».

 

Didier Maus

Ancien conseiller d’État, Président émérite de l’Association internationale de droit constitutionnel, Maire de Samois-sur-Seine

 

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