Petit coup de tonnerre dans le landernau parisien : dans un sondage IFOP – Fiducial pour le JDD et Sud Radio du 19 janvier 2020, Rachida Dati, avec 19 % des intentions de vote, dépasse le macronien bon chic bon genre Benjamin Griveaux, qui chute à 15 %, Anne Hidalgo se maintenant à 25 %, certes assez largement en tête, mais avec un score somme toute pas si glorieux pour la madone du vélo. Suivent le candidat EELV David Belliard (14%) qui, lui, double Cédric Villani (13%).
Certes, cette photographie est déformante car ce sont les dix-sept élections par arrondissements qui donneront de grands élus qui désigneront, elles et eux, le Maire de Paris au troisième tour. Mais le duel des chefs qui s’annonce ne sera pas probablement pas celui qu’on attendait : en doublant Benjamin Griveaux, en confirmant une tendance amorcée dès septembre 2019, Rachida Dati peut commencer à sérieusement rêver de l’impossible…
Rachida Dati, maire de Paris ! Il y deux mois, alors qu’elle venait d’être investie par Les Républicains comme candidate LR à la mairie de Paris, personne n’y croyait vraiment. L’ancien parti de Nicolas Sarkozy l’aurait choisie par défaut, tout comme il avait choisi Christian Jacob pour assurer sa présidence, faute de ténor d’envergure nationale. On ne se bousculait pas pour aller au casse-pipe, face à la Reine Hidalgo et à une macronie qui, bien qu’elle corresponde au profil sociologique de nombreux Parisiens, n’a su convaincre le transfuge Cédric Villani de laisser le champ libre au candidat officiel Benjamin Griveaux. S’y ajoutent les Verts, qui régissent Paris avec Anne Hidalgo, mais qui forts de leur bon score aux dernières Européennes, font montre d’un appétit nouveau, quitte à menacer pour la forme de revoir leurs alliances. Non, Rachida Dati pouvait au mieux espérer un score honorable, comme LR aux législatives de 2017. Le faible engagement du parti derrière l’ancienne Garde des Sceaux pouvait même laisser craindre pire : un score à un chiffre, qui contribuerait à la marginalisation et peut-être à l’extinction du mouvement néo gaulliste.
Mais c’est mal connaître Rachida Dati, la combattante déterminée, et peut-être les Parisiens, qui bien que majoritairement non-automobilistes, ne goûtent pas tous à la frénésie d’Anne Hidalgo en matière de travaux et de chasse aux voitures, sans développement alternatif des transports en commun. Peut-être lui tiendront-ils rigueur de son assourdissant silence et de son manque de compassion pour les Parisiens et les Franciliens en galère pendant 46 jours de grève cégétiste ! A trop flatter ses alliés, la maire sortante aurait-elle oublié son électorat ?
Duel classique droite – gauche
Rachida Dati annonce un petit séisme politique : les électeurs LR ne seraient plus trop tentés par les rives macroniennes, la République en Marche (LaREM) étant en définitive un parti de centre droit assez classique. Ainsi, le retrait de Pierre-Yves Bournazel au profit de Benjamin Griveaux profite paradoxalement à la candidature Dati dans les intentions de vote.
L’espoir peut donc renaître chez LR… Car Benjamin Griveaux n’imprime pas, selon l’expression d’usage. Qu’importe son programme, le statut d’apparatchik du parti lui colle à la peau, et il ne semble pas avoir le talent d’un Mélenchon ou d’un Macron pour électriser les foules. Le sondage de dimanche risque même de sérieusement le fragiliser dans le XVIIème arrondissement où le maire sortant LR, Geoffroy Boulard, doit se sentir pousser des ailes… Et si Griveaux n’était même pas maire d’arrondissement le 22 mars ?
Finalement, Rachida, on connaît, et elle connaît la maison. On aime ou on n’aime pas, mais elle fait partie du paysage parisien depuis une vingtaine d’années. Et sa force, son audace, sa volonté plaident pour elle et forcent le respect !
Allons-nous vers une confrontation droite-gauche, naguère traditionnelle, aujourd’hui vintage ? Le vintage est à la mode !
En aurions-nous bientôt fini de la macronie qui devait définitivement prendre la place de la coupure classique droite – gauche ? Ce duel est-il de retour avec le match annoncé Hidalgo – Dati ? La question se pose d’ailleurs dans de nombreuses villes de France. Dans la capitale, cette césure serait-elle en train de faire exploser de l’intérieur LREM, Griveaux et Villani (ancien président du comité de soutien d’Anne Hidalgo en 2014) incarnant chacun, au-delà de leurs egos respectifs, les ailes droite et gauche du « en même temps » macronien ?
En coulisses, on s’agite plus que jamais. Avec un système électoral complexe, qui fait penser aux « grands électeurs » de la présidentielle américaine, la victoire finale dépendra beaucoup du jeu des alliances. Or jamais ce jeu n’aura été aussi ouvert à deux mois du scrutin, et il pourrait bien se prolonger entre les deux tours et même au lendemain du vote. Hidalgo, Villani et Belliard pourraient former un attelage municipal, mais aussi un bricolage d’une sincérité de circonstance auquel les Parisiens pourraient ne pas goûter.
Les sondeurs ont coutume d’affirmer que la vérité des sondages est plus dans leur dynamique que dans l’instantané du moment. Or cette dynamique plaide clairement en faveur de Rachida Dati, qui a gagné 5 % en deux mois. Pourquoi ne proposerait-elle pas à Benjamin Griveaux de devenir son premier adjoint, une alliance qui pourrait faire tache d’huile lors d’autres scrutins ? Le compte n’y est pas, pour le moment, mais on pourrait aussi imaginer que Cédric Villani, qui joue sa carte personnelle, entre dans le rang au dernier moment pour former une majorité, bien qu’aujourd’hui, il reproche à Griveaux d’être de droite. On se croirait presque dans une élection israélienne, où toutes les alliances sont envisageables… mais où aucune ne parvient à constituer une majorité.
Toujours est-il que Rachida Dati, sans négliger l’écologie, se détache quelque peu de ce gloubi-boulga verdâtre que veulent nous servir tous les autres candidats. Elle parle (aussi) sécurité, propreté, famille, prix des cantines…
Et puis, un effet repoussoir anti-Hidalgo, des surprises toujours possibles dans la campagne, pourraient accélérer le décollage du vote Dati… La Maire sortante a beau avoir un bon bilan et un projet audacieux, sa méthode autoritaire (la rue Lobau n’a jamais autant mérité son nom de citadelle) pourrait produire son effet…
Et si Rachida Dati était la vraie alternance à Anne Hidalgo ? Faites vos jeux !
Michel Taube