Edito
19H40 - dimanche 26 janvier 2020

Coronavirus : pourquoi l’OMS ne déclare pas une épidémie mondiale ? L’édito de Michel Taube et son passage sur BFMTV

 

Tedros Adhanom Ghebreyesus, DG de l’OMS, et le président français du comité d’experts Didier Houssin. Pierre Albouy / AFP

 

La pneumonie de Wuhan est-elle en train de devenir une épidémie mondiale ?

Le fossé entre la radicalité des mesures prises subitement par les autorités chinoises ces trois derniers jours et le silence assourdissant de l’OMS (Organisation Mondiale du Commerce), réunie en comité d’urgence les 22 et 23 janvier, interroge.

Rappelons le calendrier des faits qui est décisif : les premiers symptômes sont apparus le 8 décembre 2019, il y a sept semaines donc. Les premiers cas suspects ont été signalés le 31 décembre, il y a donc quatre semaines. Le marché de Huwan a été fermé le lendemain et les personnes présentant les symptômes ont été isolées. Il y a vingt-six jours…

Le 13 janvier 2020, il y a quinze jours, le premier cas en Asie est déclaré en Thaïlande. Il y a une semaine, le 21, les Etats-Unis sont touchés. La France est frappée le 24, il y a trois jours.

Conclusion inquiétante tirée de ce calendrier : pendant 45 jours, des centaines de milliers d’habitants de Wuhan ont circulé dans toute la Chine et dans le monde entier. Pire, le déclenchement en plusieurs phases, jeudi 23 janvier, de la mise en quarantaine de la région incriminée n’a pas empêché que se produisent quelques centaines de milliers (voire des millions) de déplacements de ou vers cette province pour les préparatifs du Nouvel An chinois.

Quatre continents sont touchés à cette heure. Le rapport entre le nombre de morts et le nombre de personnes contaminées connues laisse à penser que l’épidémie serait moins dangereuse que le SRAS en 2002 – 2003.

Est-ce la raison pour laquelle le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, premier patron africain de l’organisation, Ethiopien de nationalité, ne se presse pas pour s’exprimer ? Le comité d’urgence chargé de le conseiller s’est réuni les 22 et 23 janvier à Genève en Suisse a trouvé bon de conclure que « la flambée » ne constitue pas pour le moment une « urgence de santé publique de portée internationale », une USPPI, et que « un niveau d’alerte intermédiaire » devrait être envisagé. Le directeur général convoquera d’ici dix jours, peut-être avant, une nouvelle réunion.

Xi Jiping ne doit pas être tout à fait du même point de vue sur l’urgence de la situation… Et c’est là que le bât blesse peut-être. Pourquoi la Chine a-t-elle décidé subitement le 23 janvier de mettre en quarantaine 11 puis 55 millions d’habitants, d’annuler les festivités du Nouvel An dans toute la Chine et d’interdire aux agences de voyage chinoises toute vente de réservations d’hôtels et de séjours à des groupes ?

De deux choses l’une : ou bien les autorités chinoises disposent de données sanitaires d’une extrême gravité et la « flambée » dont parle l’OMS est une véritable épidémie foudroyante de l’ordre du SRAS en 2002 – 2003. Et dans ce cas, soit la Chine n’en a pas informé l’OMS ou l’OMS est coupable de silence et de passivité.

Soit Xi Jiping, le nouveau Mao chinois, prend prétexte de cette crise sanitaire pour imposer un peu plus son contrôle sur le pays. En effet, Xi Jiping a tout de même dit samedi 25 janvier, lors d’une réunion de la plus haute instance de direction du pays, le comité permanent du Bureau politique du Parti communiste, devant les six autres caciques qui dirigent la Chine : « Face à la situation grave d’une épidémie qui s’accélère (…) il est nécessaire de renforcer la direction centralisée et unifiée du Comité central du Parti ».

Une chose est sûre : le directeur général de l’OMS devrait s’exprimer publiquement. Rassurer l’opinion publique internationale, appeler à des mesures de prévention. La santé est aussi une question de prise de parole. En matière de santé publique, le silence est coupable ! Aux instances les plus élevées de l’ONU santé de trouver les bons mots.

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

Michel Taube commente la crise du coronavirus sur BFMTV le 25 janvier 2020 à l’invitation de Gilane Barret et Céline Pitelet avec les interventions du Professeur Liya JU, immunologie, chef de mission Chine pour l’AP-HP, Vincent Enouf, virologue, directeur du centre national de référence de la grippe à l’Institut Pasteur, François Godement, conseiller pour l’Asie à l’Institut Montaigne et spécialiste de la Chine, et Alain Ducardonnet, consultant santé de BFMTV.

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