L’ancienne colonie portugaise d’Afrique de l’Ouest n’en finit plus son deuxième tour de l’élection présidentielle du 29 décembre 2019. En effet, à l’issue du scrutin qui mettait en présence deux anciens premiers ministres, Domingo Simoes Pereira du PAIGC et Umaro Sissoco Embalo du MADEM, la Commission Nationale Électorale déclarait ce dernier, par ailleurs Général de réserve, élu. Ce que contestait aussitôt, par recours devant la plus haute institution du pays, la Cour Suprême, le Président du PAIGC, le parti majoritaire depuis l’indépendance. Corruption de la CNE, fraudes massives sont les arguments avancés par Domingo pour exiger un recomptage des voix. La CEDEAO s’en mêle adoubant la CNE et la victoire annoncée d’EMBALO, par 53,5%contre 46,5 % à son adversaire.
La Cour Suprême menace alors d’annuler le deuxième tour de l’élection. Légitimité nationale de la plus haute juridiction du pays contre légitimité régionale de la CEDEAO, la confusion juridique et constitutionnelle devient diplomatique et politique. On craint dès lors, malgré les dénégations du chef d’état-major, un coup d’État militaire dans un pays qui a connu neuf putschs ou tentatives depuis 1974.
Survient alors un « rétropédalage » de la CEDEAO, demandant un recomptage et annulant la venue du « Président proclamé » au 33ème sommet de l’Union Africaine le 7 février.
La commission électorale se réunit à nouveau comme le recommande l’arrêt de la Cour Suprême et confirme le 4 février les résultats précédemment annoncés.
Colère des juges de la Cour constatant que leur demande de prise en compte de tous les procès-verbaux n’a pas été effectué. Une nouvelle décision devrait tomber sous vingt-quatre heures.
Annulation du deuxième tour de cette élection, recomptage des voix, les jeux sont ouverts.
Constatons que la première victime de cet imbroglio électoral est la démocratie de Guinéé-Bissau, déjà malmenée par cinq années de batailles entre l’ancien président VIAZ et le PAIGC du fait d’une Constitution qui donne pratiquement des pouvoirs équivalents au Président de la République et au Premier Ministre, nommé par le parti majoritaire à l’Assemblée Nationale…
La seconde victime en est le peuple. Près de deux millions d’habitants dont 70 % vivent avec moins de 2 dollars par jour.
Moins de politique, plus de développement réclame la population.
Il serait temps qu’elle soit entendue !
Michel Scarbonchi