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03H03 - jeudi 20 février 2020

Une implosion fatale… ou pas ! Chronique d’une nouvelle époque par Jean-Philippe de Garate

 

Si on en croit les chiffres les plus récents de l’Organisation Mondiale de la Santé, les trois pays « champions du monde du suicide » seraient la Lituanie – 32 victimes pour cent mille habitants – la Russie – 31 – et le Guyana – 29. Les chiffres, on le sait, ne veulent rien dire. En Russie, la plaisanterie de carabin appliquée aux suicidés survivants, amenés aux urgences, est bien connue : « Avec ou sans vodka ? » Et des pays comme le Japon, où le suicide – 18,5 – s’inscrit dans une « esthétique à la Mishima », ont à l’évidence peu à voir avec le Guyana, où la drogue a touché pour ainsi dire toutes les tranches de la population. Ce pays, où dans la forêt amazonienne, avait été mis en scène naguère le suicide collectif de presque 800 personnes, sous l’emprise du gourou Jim Jones.

La mort volontaire, « c’est un ensemble ». Si – exception rarissime en Amérique – on roule à gauche à Georgetown, capitale guyanienne, la population indienne et africaine connaît une pauvreté si profonde qu’elle suscite les « solutions » les plus tristes, comme la vente d’organes après suicide, au profit du groupe familial. Tel n’est pas le cas de la France – 17,7 – mais pour autant bien des idées reçues gagneraient à être balayées.

Ainsi du mode d’emploi. En France, la pendaison – qu’on croyait appartenir à un passé révolu – concerne un suicide sur deux. Et les veufs ont les taux de décès les plus élevés – 87 – suivis des divorcés – 55 – et des célibataires – 52 -. Chez les femmes, les divorcées sont les plus touchées – 20. Première conclusion digne de la Palice : le suicide est un acte solitaire. Un acte de solitaire. Et les hommes ne se ratent pas. Les femmes les devancent en revanche par leurs tentatives, dont nombre s’analysent en demandes de secours.

Le suicide suscite un appel d’air. Une société suicidaire produit des suicides. Oui, c’est contagieux !… « Le Mal français » s’est clairement aggravé depuis le célèbre ouvrage d’Alain Peyrefitte, il y a presque un demi-siècle. L’Etat partout, l’Etat nulle part. « L’autre » a disparu, et les Français, qu’on savait intelligents, ont désormais besoin d’apprendre à « laisser descendre avant de monter » les passagers du métro. Comme au beau temps des régimes totalitaires, les mégaphones donnant des ordres remplacent le bon sens le plus élémentaire, la demi-seconde d’attention portée à l’autre…

Les médecins sont en première ligne, c’est logique. Et bien sûr, ils s’interrogent sur ce qui précède parfois le « passage à l’acte », par ce terme anglais « burn out » qui littéralement, signifie « se consumer ». Relevons que l’Asie connaît de longue date le « karoshi » nippon, la mort par épuisement au travail. Avec certaines photos sépia et leurs esclaves malais aux yeux caves, aux côtes saillantes…

Les auteurs d’un ouvrage pratique, intelligent, « Burn-out, le vrai du faux », mettent cependant en garde sur des catégories trop rigides. Considéré comme l’expression de l’exténuation, le burn-out caractérise une forme chronique du stress. Le stress, le mot du siècle…

La première voie à emprunter consiste à ne pas demeurer seul avec ce « quelque chose qui vous ronge de l’intérieur », mais à exprimer, exsuder… faire sortir de soi ce cancer de l’âme ! En une formule, passer du « stress in » au « stress out ». Mais pour autant, pas de recette miracle, de demi-tour, droite ! Mais de nouvelles pistes de soins, certaines insolites. Avec de douces incitations à évoluer, voire changer. Pas des pilules, mais un éloge de la différence. Chacun a son chemin propre, selon son caractère, son travail, ses habitudes.

On s’en serait douté, les médecins établissent des diagnostics, analysent le corps et son état d’affaissement. Parmi les troubles physiques, le sommeil qui vous envahit ou vous fuit, une fatigue lourde, intense, qui s’installe en soi, l’absence d’appétit ou la boulimie compulsive, le peu d’appétence à voir autrui, les retards à répétition et la procrastination : remettre à demain, après-demain… Avec pour corollaires une douleur sourde, cette sensation de paysans seuls et de citadins évoluant dans des espaces froids, laids comme un open-space, des couloirs de correspondance… Une foule indifférente d’humanoïdes identiques, formatés, qui engendrent la dépréciation de soi, une immense lassitude… La tentation d’en finir.

Consulter, bien sûr, mais surtout rompre le cycle infernal… et renouer avec la vie réelle ! La détente, les amis, le rapprochement familial. Marcher, respirer, risquer les premiers pas vers le sport… Mais pas seulement ! Ce qui n’est pas banal dans le conseil médical, c’est la claire mise en garde envers les réseaux sociaux et leurs amitiés virtuelles, très virtuelles… Enfin, d’autres avis, bien pratiques.

Le petit livre du docteur Ali Afdjei, médecin « des urgences et catastrophes » au Chesnay en Yvelines, médecin du sport et de son confrère Alain Delabos, nutritionniste, avec l’impulsion du coach François Michalon – à l’origine de vrais miracles – se lit avec facilité.

Un livre intelligent, pour survivre à un monde toxique, à une implosion programmée.

Jean-Philippe de Garate

 

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