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06H45 - lundi 2 mars 2020

Brexit : un divorce qui n’en a pas fini de faire des vagues. Tribune d’Alexia Germont, Présidente de France Audacieuse

 

Mardi 25 février les 27 pays de l’Union ont approuvé le mandat de négociation confié à Michel Barnier pour discuter avec le Royaume Uni des conditions concrètes par lesquelles va se solder un divorce enfin définitif entre l’Union Européenne et Londres et se déterminer les nouvelles relations entre les nouveaux « partenaires ». Michel Barnier s’est dit immédiatement inquiet de récentes prises de position britanniques, éloignées des engagements de séparation et qui annoncent un bras de fer déjà tumultueux.

Alexia Germont, présidente fondatrice du think tank France Audacieuse, auteure de « Réveillons Notre Europe » aux Editions Temporis, analyse ce que nous prévoient les prochains mois et le nouveau bras de fer entre Londres et l’Union.

Une actualité en chassant si rapidement une autre, le flux médiatique est désormais loin du Brexit. Pourtant, ce sujet demeure bien plus structurant pour notre pays que les péripéties de candidats malheureux à des fonctions exécutives locales, fussent-elles de premier plan.

Ce n’est que le 31 janvier dernier que l’Union européenne et le Royaume-Uni ont finalement entériné le principe de leur divorce, après 47 ans de vie commune. Les noces de cachemire auront donc été atteintes… mais pas les noces d’or qui auraient pu célébrer 50 ans de partenariat continu.

Il reste donc à déterminer aux époux séparés de corps le périmètre de leurs nouvelles relations, à l’issue de la période de transition. A l’instar d’un couple qui pendant sa vie commune vivait sous le même toit, avait la garde conjointe des enfants, accueillait des animaux domestiques, empruntait pour l’achat de la résidence secondaire, pratiquait les mêmes activités sportives ou culturelles, partageait les mêmes amis et faisait les mêmes voyages à l’étranger… il s’agit désormais d’écrire son avenir en toute indépendance, mais dans l’intérêt bien compris de la cellule familiale à préserver sous peine de dommages profonds.

En langage moins amoureux mais plus technocratique, il s’agit donc de détricoter les accords qui liaient le Royaume-Uni à l’Union européenne.  Un travail immense s’annonce dans un délai forcément trop court eu égard aux prouesses à réaliser.

Un calendrier serré

Rappelons tout d’abord que la période de transition doit théoriquement s’achever le 31 décembre 2020. Cette période (réduite du fait du report initial) se devait d’être relativement courte car une situation atypique s’applique alors : le Royaume-Uni continue d’appliquer les lois européennes sans avoir droit au chapitre et sans plus exercer de droit de vote.

En octobre 2019, les parties à l’accord de sortie avaient toutefois été prudentes en prévoyant la possibilité d’une extension de deux années complémentaires pour négocier avec plus de sérénité, délai à faire impérativement valider par les Etats membres avant le 1er juillet 2020. Mais c’était sans compter sur l’inventivité de Boris Johnson qui a ouvertement clamé son opposition à l’extension de la période de transition, inscrivant même cette position dans la loi d’application du Brexit de janvier dernier.

En pratique, la tâche de Michel Barnier, négociateur pour l’Union européenne, s’annonce donc ardue. Sa mission démarrera début mars dès lors que les Etats membres auront donné leur mandat de négociation.

Comment s’aimer à l’avenir ?

Tout le sujet est désormais de trouver un cadre contractuel à de nouvelles relations pérennes entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, acceptable par les deux parties.

Bien entendu, la position souhaitée par l’Union européenne serait de parvenir à la conclusion d’un accord qui ne permette pas au Royaume-Uni d’avoir un comportement de concurrence déloyale commerciale. L’Union européenne devra donc rester très soudée dans cette négociation éclair pour imposer notamment la plus grande convergence possible des Britanniques vers les normes environnementales, sociales ou même en matière d’aides publiques appliquées par l’UE.

D’un point de vue factuel, la position commune officielle de l’UE et du Royaume-Uni est de tendre vers un accord de libre-échange sans droits de douane ni quotas pour permettre au Royaume-Uni de conserver un accès privilégié au marché unique, sans être tenue à la libre circulation des personnes.

Pour sa part, Boris Johnson est un fervent défenseur d’une relation encore plus libre qui prendrait modèle sur le traité CETA qui unit l’Union au Canada, dans une version encore plus libérale.

Rappelons enfin que deux autres types d’accords auraient pu être envisagés, car déjà pratiqués par l’Union européenne : soit un accord du type de celui qui lie l’UE avec la Norvège qui appartient à l’Espace Economique Européen, ce qui garantit l’accès au marché unique à condition de respecter les quatre libertés fondamentales (libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes), soit un accord plus strictement commercial avec la création d’une union douanière ad hoc (comme celui passé avec la Turquie). Dans les deux cas, le Royaume-Uni est opposé à ce type d’accords : dans le premier cas (comme avec la Norvège), le Royaume-Uni ne souhaite perdre aucun degré de souveraineté, ni payer un accès au marché unique. Et dans le second cas (comme avec la Turquie), le Royaume-Uni craint de perdre la maîtrise de sa politique commerciale.

Et si le désamour s’installait ?

Un équilibre subtil devra impérativement être trouvé.

En premier lieu, il s’agira de sanctuariser l’importance des échanges entre l’Union et le Royaume-Uni, afin de ne pénaliser l’économie d’aucun des deux blocs.

En second lieu, il faudra veiller à ce que le Royaume-Uni ne prenne pas la direction d’une déréglementation trop appuyée de son marché, pour que les conditions qu’il offrira en matière d’attractivité économique ou de souplesse en matière environnementale, sanitaire ou sociale ne soient pas trop concurrentielles.

Si Michel Barnier, négociateur en chef pour l’Union, ne parvenait pas à trouver le chemin d’un avenir en commun, rappelons qu’il s’agirait alors techniquement d’un « no-deal » à l’issue de la période de transition. Le Royaume-Uni redeviendrait alors un simple pays tiers à l’Union. La conséquence immédiate serait, à l’exception de l’Irlande qui bénéficie d’un régime particulier, le retour dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce, avec application des droits de douane et réapparition des frontières physiques.

Jusqu’où ira le divorce ?

Dans l’immédiat, certains dossiers emblématiques comme la pêche fâchent les deux parties, celles-ci ayant bien des difficultés à trouver un terrain d’entente à ce stade.

En matière commerciale, quelle sera l’ombre portée du grand frère américain des Britanniques ? Si d’aventure une relation commerciale bilatérale Royaume-Uni / Etats-Unis devait être organisée, le risque serait alors l’éloignement réel du Royaume-Uni de l’UE.

Et plus que tout, les questions de sécurité et de défense doivent rester une priorité absolue dans les négociations à venir pour que ces domaines soient sanctuarisés et toujours traités de concert entre le Royaume-Uni et l’Union. En effet, dans un contexte d’incertitude grandissante autour de l’OTAN, il serait très dommageable pour la sécurité de l’UE que l’armée britannique ne participe plus aux opérations communes post-Brexit, que les Britanniques ne participent plus à Europol, au Système d’Information Schengen (SIS) ou au Fonds Européen de Défense.

L’Union européenne est une fois de plus à un carrefour de son histoire. Souhaitons qu’elle reste unie et saisisse les difficultés de l’histoire pour passer un cap politique dans sa construction toujours en mouvement.

 

Alexia Germont

Présidente fondatrice de France Audacieuse

@AudacieuseF

Alexia Germont prête serment comme avocate au Barreau de Paris en février 1995. Quelques années plus tard, elle suit le « Program of Instructions for Lawyers » à l’Université de Harvard. A son retour, elle quitte le barreau et rejoint une entreprise d’investissement française au sein de laquelle elle occupe divers postes à responsabilités à Paris puis à Londres.

En parallèle, dès 2014, elle s’engage dans la vie publique au sein du mouvement « Nous Citoyens », puis auprès de Jean-Marie Cavada comme membre fondatrice de Générations Citoyens, dont elle fut secrétaire générale. Elle sera par la suite élue présidente de Nous Citoyens – France. Elle est aujourd’hui engagée dans la campagne municipale parisienne auprès de Philippe Goujon, maire du 15ème arrondissement.

En septembre 2016, elle fonde le think tank France Audacieuse, espace de réflexion libre et indépendant s’appuyant sur les travaux de personnalités éminentes de la société civile portant sur des sujets économiques mais également sociétaux. France Audacieuse, dont elle est présidente, rassemble une quinzaine de contributeurs réguliers,  a d’ores et déjà réuni plus de 1 million de visites de son site internet et plus de 350.000 visiteurs uniques (www.franceaudacieuse.com). Elle est reconnue comme association d’intérêt général.

Elle est très engagée dans la défense des idées européennes et a publié en octobre 2018 « Réveillons Notre Europe » aux Editions Temporis, avec une préface de l’ancien ministre François d’Aubert.

Elle est très présente dans le débat public et s’exprime très régulièrement dans les médias (Public Sénat, LCI, CNews, BFMTV, France Info, Sud Radio, Radio Orient, etc…)

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