Dans son discours de rentrée judiciaire prononcé le 24 janvier dernier, Nicolas Jacquet, le procureur de la République de Lyon, appelait les partenaires de la justice, certainement en forme de vœux de bonne année, à signaler davantage les faits de délinquance occulte en col blanc, tel que l’a rapporté le quotidien Le Progrès le 25 janvier.
Il est vrai que le plus haut magistrat du parquet lyonnais vient de créer une section économique et financière spécifique de la Juridiction inter-régionale spécialisée, pôle de magistrats engagés dans la lutte contre la criminalité organisée. Il ne faudrait pas que l’équipe mise en place s’ennuie trop.
Les révélations de Lyon Mag le 4 février 2020, annonçant une guerre judiciaire entre Olivier Pelat et Jean-Christophe Lépine, deux promoteurs lyonnais, avec la tour Oxygène de La Part-Dieu en toile de fond, devraient déjà secouer le landernau lyonnais et donner du grain à moudre au procureur…
C’est qu’à Lyon, depuis quinze ans, il n’y a pas eu de grand procès financier ! Les cols blancs de la capitale des Gaules et de la gastronomie française et mondiale (Bocuse survivra au guide Michelin) seraient-ils plus transparents et irréprochables que la couleur de leur encolure ?
Mais à y regarder de plus près, de beaucoup plus près, on en viendrait presque à se demander si la raison à l’absence de grands procès financiers n’est pas exactement inverse, et si certains décideurs lyonnais ne se seraient point employés à étouffer certaines affaires qui auraient pu venir perturber leur sérénité… et leurs intérêts.
En effet, moins spectaculaire que les cimes de La Part-Dieu où nous emmène l’affaire de la tour Oxygène, mais bien plus troublante – et élaborée – en termes de droit, une autre affaire puise dans les tréfonds des petites pratiques cachées aux Lyonnais par certains puissants de la ville. Fait assez rare au civil, le 19 février, la Cour d’Appel de Lyon a tenu une audience de révision civile relative au dossier « Autofinance contre la SCI Vaise » (émanation du promoteur Diagonale). L’affaire a été mise en délibéré au 26 mars prochain.
Quelques grandes affaires d’assises ont donné lieu à procès en révision, souvent parce qu’elles ont ému l’opinion publique et que leur objet était principalement de réhabiliter la victime d’une erreur judiciaire. En matière civile, la chose est plus confidentielle. Ici, même s’il n’y a pas eu mort d’homme, de nombreux éléments troubles, dont certains pourraient relever du pénal (une plainte a d’ailleurs été déposée), donnent à penser qu’il y aurait peut-être tentative de mise à mort sociale, économique d’une personne. De quoi sonner le tocsin dans le landerneau lyonnais, bien au-delà de la sphère judiciaire.
Mieux, ce serait une première qu’une révision civile émeuve l’opinion. Si l’on a tant de raison de l’envisager, c’est que le dossier est particulièrement lourd.
Voyez plutôt : un notaire éminent de la ville, un promoteur connu et certains dirigeants d’une grande banque seraient impliqués dans des agissements qui pourraient faire penser à une forme d’escroquerie, et même d’escroquerie au jugement, le cas échéant en bande organisée comme il est dit dans la plainte, et une possible fraude à la TVA, au plus grand préjudice d’un chef d’entreprise respecté, entre autres concessionnaire automobile de son état, à Lyon. Si celui-ci n’avait le cuir dur et la volonté farouche d’obtenir justice et gain de cause, jamais ce qui s’apparente à un crime en col blanc presque parfait n’aurait été éventé.
Heureusement, – car la justice finit toujours par triompher (n’est-ce pas ?) -, cette affaire jugée en 2015 vient de connaître des rebondissements significatifs qui ont conduit les plaignants à demander cette révision au civil, à partir de la conviction que les précédentes décisions judiciaires ont été prises au moyen d’une escroquerie au jugement. Un lanceur d’alerte de la banque impliquée dans l’affaire, a saisi l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), une institution intégrée à la Banque de France, chargée de la surveillance de l’activité des banques et des assurances en France. Selon nos informations, il demande avec insistance à être entendu… En parallèle ont été engagées deux actions en responsabilité civile à l’encontre d’un notaire et d’un avocat, dont les conseils et les initiatives se seraient révélés contraires aux intérêts de leur client.
Cette affaire n’a que trop duré, selon les avocats de la victime, puisque le « crime » a été initié il y a déjà dix-sept ans ! L’entrée en scène de deux éminents avocats parisiens, dont un spécialiste de la TVA à la compétence unanimement reconnue, devrait éclairer les juges.
Sur un autre front judiciaire, les plaignants attendent du doyen des juges d’instruction qu’il daigne désigner un de ses vaillants collègues dans le volet pénal de cette affaire. Une plainte contre X avec constitution de partie civile a été déposée le 2 décembre 2019 pour escroquerie au jugement, un délit qui consiste à tromper les juges, par exemple en produisant de faux documents ou de faux témoignages pour obtenir une décision favorable. Il serait pour le moins curieux que le doyen des magistrats instructeurs de Lyon, qui contrairement au procureur de la République, est un magistrat indépendant, laisse trop de temps au temps pour opérer cette désignation, quand bien même d’injustifiables lenteurs auraient-t-elles déjà été constatées ailleurs.
Les dessous de cette affaire rocambolesque révèlent les relations parfois incestueuses entre certains notables lyonnais. Une histoire lyonnaise qui risque d’éclabousser nombre de sommités rhodaniennes.
Des lyonnaiseries dont se seraient bien passés les candidats aux élections municipales, notamment dans le 9ème arrondissement de Lyon, fief de Gérard Collomb, où se sont passés les faits.
Michel Taube