Ensemble contre le coronavirus
06H50 - lundi 23 mars 2020

Entretien avec Nicolas Goetzmann, économiste : « de l’urgence d’un plan de relance ! »

 

Nicolas Goetzmann, vous êtes responsable de la recherche et de la stratégie macroéconomique à la Financière de la Cité. Que pensez-vous des mesures annoncées par le chef de l’Etat et le gouvernement français pour faire face à la crise économique qui frappe notre pays ?

C’est le mauvais traitement sanitaire, plus que le COVID-19, qui provoque des dégâts économiques si lourds ! Nous faisons face à deux types de réactions : la Corée du Sud a privilégié de tester le plus grand nombre d’habitants. La méthode coréenne a manifestement porté ses fruits et sur le plan sanitaire et dans l’atténuation des effets économiques. 

En France, on a voulu privilégier le ralentissement de l’épidémie alors que l’OMS prône depuis plusieurs semaines l’endiguement par des tests généralisés. Je constate donc que, plus que le COVID-19, c’est la non réaction des autorités qui a provoqué cette crise. 

Ceci dit, sur le plan strictement économique, des mesures très intéressantes sont prises désormais telles que le chômage partiel, mais le gouvernement est encore dans un traitement des conséquences de la crise. Il faut préparer un plan de relance. Emmanuel Macron a dit que ce plan serait annoncé prochainement mais il est important qu’il soit rendu public dès maintenant. En effet, les entreprises ont besoin d’une visibilité sur le lendemain de la crise. Ce qui leur permettrait de ne pas licencier des employés par anticipation de l’inconnu. 

Certes, la Banque centrale européenne, après un premier loupé le 12 mars, a enfin sorti l’artillerie lourde mercredi 18 mars. Bref elle a réagi au bout d’un mois, alors qu’à la dernière crise de 2008, elle avait attendu sept années (2015) avant de mettre en marche un plan de relance. 

 

Qu’est-ce qu’un plan de relance apporterait de plus que les projets déjà annoncés ?

Les mesures annoncées pour le moment servent à atténuer les conséquences de la crise mais n’empêcheront pas le PIB de chuter au deuxième trimestre. L’enjeu d’un plan de relance est de combler les pertes qu’un pays subit dans une crise et donc de stabiliser l’économie une fois la crise finie. 

 

Vous avez émis l’idée, notamment sur BFMTV et dans le Figaro, que le plan de relance le plus efficace serait que l’État fasse des chèques aux particuliers et aux entreprises.

Claudia Sahm, une économiste aux États-Unis, a fait un travail très pragmatique en comparant de nombreux plans de relance. Elle est très active actuellement dans les médias américains. Certes, envoyer des chèques aux gens n’est pas ce qu’il y a de plus optimal car certaines vont épargner au lieu de consommer. Mais sa force est que cette réforme passera probablement plus rapidement qu’une simple négociation fiscale qui nécessite une discussion politique. Faire des chèques, le gouvernement étasunien sait l’organiser et n’en n’exclura personne, ce qui rend la tâche encore plus rapide. 

Cette économiste avait déjà depuis l’an dernier effectué un grand travail dans l’anticipation d’une récession, c’est-à-dire comment prévoir le moment où c’est susceptible de se produire et comment répondre au plus vite. 

 

Est-ce que ce plan peut marcher dans la culture française ?

Certes, l’idée du mérite tombe à plat dans cet acte de distribution d’argent gratuit. Ceci dit, la Banque centrale européenne est le meilleur exemple d’emploi de l’argent gratuit lorsqu’elle sort du chapeau 700 milliards d’euros.

Cette crise sera l’occasion de remettre en cause l’unicité de l’objectif anti-inflationniste de la Banque centrale européenne alors que la FED a, elle, aussi un objectif de plein emploi. Résultat, les Etats-Unis ont un taux de chômage de 3,5% et l’Europe de 7,4%.

Le fait qu’Emmanuel Macron continue d’inciter les gens à aller au travail montre qu’il reste dans le « en même temps » et ne répond pas à la demande de l’OMS, c’est-à-dire d’entrer dans une stratégie d’endiguement. Le gouvernement ne mesure pas que la mauvaise gestion sanitaire approfondit la crise économique. Les entreprises doivent se rendre compte de cela parce que le blocage du pays est la conséquence directe de la lenteur de la réaction sanitaire. Si le gouvernement avait simplement suivi les recommandations de l’OMS, le blocage aurait pu être évité. Les entreprises sont –moralement – en droit de présenter la facture.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Directeur de la publication