Coronafiction
07H20 - mardi 31 mars 2020

Coronafiction. Feuilleton (2)

 

Lisez le deuxième épisode de Coronafiction du romancier Encélade. Revivez ici l’épisode 1.

9 septembre 2020

En traversant le store à lamelles, le soleil du matin projetait sur le sol des raies de lumière. L’une d’elles barrait le visage d’Hector encore endormi. On aurait dit une peinture de guerre d’indien. Après tout, les adultes disaient que nous étions en guerre. Contre quoi ? Je n’avais pas bien compris.  Je laissai Hector dormir et me levai pour aller dans la cuisine. Je versai dans un bol la moitié des corn-flakes restants. J’en gardai un peu pour Hector. Il n’y avait plus de lait. J’arrosai les céréales d’eau et y brisai quelques carrés de chocolat. Des écureuils se poursuivaient sur le tronc du grand cèdre devant la fenêtre de la cuisine. J’en avais jamais vu autant. Hector réveillé me rejoignit pour déjeuner.

-Regarde, lui dis-je lui montrant les écureuils.

-Donne moi le pistolet, on va les chasser.

-T’es con répondis-je. T’as déjà mangé de l’écureuil ?

-Non !

– Je préfère qu’on aille dans la forêt.

-Ok me dit-il. T’as un téléphone portable ?

-Ouais.

-Ce sera mieux si nous nous perdons. Je t’envoie mon numéro.

Hector pianota sur le clavier de son téléphone et son numéro s’afficha sur le mien. Il était 8h30.

Le petit déjeuner avalé, je vidai mon sac Eastpak de mes livres et cahiers de classe et y glissai le révolver, un  couteau de cuisine et une bouteille d’eau.

Quelques instants plus tard nous étions dans le parc de la résidence. On n’entendait que le pépiement des oiseaux. Je me demandai d’où sortaient les policiers ou les secours qui étaient venus chercher le corps de maman et avaient arrêté mon papa. J’interrogeai Hector.

-Ce sont des trouillards me dit-il. Ils restent barricadés dans leur commissariat ou leurs casernes. Ils ne sortent que rarement… quand quelqu’un les appelle. Ils ont peur des  morts-vivants !

-C’est n’importe quoi !

-Je l’ai lu….

Je ne répondis pas.

Après avoir longé une route sans voiture, nous devions emprunter un passage piéton souterrain qui menait vers la forêt.

-Attends dis-je à Hector !

Je sortis le pistolet de mon sac à dos et déverrouillai la sûreté.Qui sait ce que nous pourrions rencontrer dans ce souterrain ? Il m’avait foutu la trouille avec son histoire de morts-vivants. L’éclairage au néon ne marchait plus. Hector alluma la torche de son portable et nous nous engageâmes dans le souterrain. On crut voir comme une ombre qui fuyait. Je serrai fermement l’arme dans ma main. J’avais un peu peur.

-T’inquiète me dit Hector !

Il devait être un peu plus courageux que moi. Nous ressortîmes à l’air libre. Il y avait un chien mort couvert de mouches. Bientôt, nous entrâmes dans les sous-bois. Quel gibier allions-nous y trouver ?

D’après Hector des lapins y étaient réapparus en nombre. Abattre un lapin d’un coup de pistolet… c’était peut- être pas une bonne idée.

-Prête moi ton pistolet me dit Hector !

-OK… je le lui donnai.

Le oiseaux chantaient dans les arbres. On devinait la présence d’animaux qui s’agitaient dans les sous-bois : branches brisées, pattes qui s’enfoncent dans l’humus etc..  Soudain un  zèbre apparut, sortant  d’un fourré. Hector tira deux coups de feu. L’animal s’affala sur le sol.

-Merde dis-je ?

-Il a dû s’échapper d’un zoo.

On  s’approcha de la bête qui tentait de se remettre sur ses pattes. Sa respiration était haletante. Dans ses gros yeux coulait une sorte d’onguent. C’étaient des yeux humbles et stupéfaits, comme tournés vers l’intérieur. Ils me firent penser à ceux de ma maîtresse. Je m’accroupis près du zèbre et caressai son poil sec et dru.

-T’es con…. Qu’est ce qu’on va en faire dis-je à Hector ?

-Le manger…

-Manger du zèbre ?

-Les africains le font.

-Mais il faut l’achever, le dépecer, le découper… tu sais faire ?

-Donne moi le couteau …

Il me rendit le pistolet et je lui donnai le couteau. J’étais curieux de voir comment il allait s’y prendre. Mais la bête se remit sur ses pattes et disparut en vacillant dans les fourrés.

Tout occupés à la regarder s’éloigner, nous n’avions pas vu arriver des chiens. Ils aboyaient et grognaient. C’étaient des chiens errants. Leurs maîtres, les craignant contaminés, les avaient  abandonnés en forêt ou d’autres qui avaient perdu leur maître s’étaient enfuis. D’abord menaçants, ils se mirent à renifler les traces de sang laissées par le zèbre blessé. Finalement tous suivirent les  traces de l’animal blessé.

-On fout le camp dis-je à Hector…

-D’accord.

On continua notre course dans les sous-bois jusqu’à une route. Je me souvins qu’il y avait pas loin une grande ferme qui vendait des produit frais.

 

L’immense bâtiment de pierre était à l’abandon. Dans les champs, les légumes ou les fruits   pourrissaient sur pied faute d’avoir été récoltés. Des lapins couraient dans les sillons.

-C’est là que nous aurions dû venir dis-je à Hector.

Nous pénétrâmes dans le bâtiment. Les fruits et les légumes moisissaient sur les présentoirs. On dénicha quelques conserves. Des salades de fruits, des pêches, des abricots, des ananas. Je glissai les boîtes dans mon sac.

-J’aime pas les ananas me dit Hector.

-Tant pis, je les prends.

Dans un rayon d’outils de jardinage, il restait un gros sécateur et une pelle.

-Je prends la pelle me dit Hector.

-D’accord … tu la portes. Je suis chargé.

Dehors nous découvrîmes un sillon planté de fraises. On s’en empiffra…. Le visage d’Hector  barbouillé de rouge me rappela celui de ce matin barré d’un trait de lumière. C’était amusant. Nous étions comme  des guerriers.

Nous n’avions pas vu un homme qui s’approchait de nous en chancelant. Un grand type à la gueule émaciée, vêtu d’une salopette. Il était sale et mal rasé. Ce devait être un SDF qui avait trouvé refuge dans la ferme.

-Rendez moi ce que vous avez volé hurla-t-il !

-On n’a rien volé. En plus c’est pas à vous répondit Hector.

L’homme devint menaçant. Hector voulut qu’on lui  tire dessus mais je refusai.

-Tu vois bien que c’est un zombie…

On  se réfugia dans une voiture abandonnée sur le parking, un SUV Mercedes, et on verrouilla les portes. Le SDF tapa du poing sur les vitres puis essaya de les briser à l’aide d’un pavé sans y arriver. Il repartit vers la ferme peut-être pour en revenir avec un outil qui lui aurait permis de casser le pare-brise.  Il avait la démarche d’un homme fatigué.

-Il vaut mieux nous barrer dit Hector.

-On y va répondis-je.

On se dirigea vers un champ de maïs qui n’avaient pas été récoltés. Nous courions comme des dératés sans nous retourner. Mon sac chargé de conserves rebondissait sur mes reins. Ca faisait mal. Les tiges sèches des maïs se brisaient à notre passage. Après quelques minutes de course, nous débouchâmes sur une prairie, à bout de souffle. On s’assit sur l’herbe pour reprendre des forces et boire un peu d’eau. On ouvrit la conserve de pêches. Je pris les oreillons à l’aide du couteau et nous nous les partageâmes. Puis nous bûmes le sirop à même la boîte. C’était vachement bon. Le vent soufflait dans les maïs, libérant comme une plainte métallique. Il y avait dans l’air une odeur indéfinissable de pourriture et d’herbe sèche. Ca n’était pas désagréable.

-Tu crois qu’il nous a suivis dis-je à Hector ?

-Non, il est trop faible.

-Qu’est ce qui te faire dire ça ?

-T’as vu comment il marche. Il est malade.

Il avait sans doute raison. On reprit notre chemin pour arriver au pied d’un vaste bâtiment moderne construit en quinconce, percé de grandes baies vitrées. A l’entrée une plaque : Maison de retraite des chrysanthèmes.

La porte d’entrée automatique n’arrêtait pas de s’ouvrir et de se fermer.

-Il reste peut-être des choses à manger dans la cuisine. Elle doit se trouver au rez-de-chaussée ou dans les sous-sols poursuivit  Hector.

Je voulus laisser mon sac de conserves dans l’entrée mais il  s’y opposa.

-Garde-le … on ne sait jamais.

-Y a quelqu’un cria Hector !

Sa voix raisonna dans le hall désert. Pas de réponse.

-On y va lui dis-je.

On passa devant le comptoir de l’accueil couvert de poussière puis on pénétra dans un couloir en partie plongé dans la pénombre. Je tenais mon révolver dans une main et mon téléphone portable dans l’autre. Hector à mes côtes brandissait sa pelle. Nous avancions lentement dans l’obscurité.

 

Encélade

 

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