Un appel, initié par André Gattolin, sénateur des Hauts-de-Seine, Chien-Hui Wang, doctorante de littérature comparée et Pierre Lefèvre, chargé d’enseignement à l’Institut d’études politiques de Rennes, publié initialement sur le site de l’Obs, réclame l’instauration par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’une pleine collaboration avec Taïwan dans la lutte contre le coronavirus.
Taïwan a rencontré des résultats parmi les meilleurs du monde dans cette guerre mondiale et l’OMS ne peut se permettre de se priver de son expérience. 86 parlementaires français, 51 députés taïwanais et de nombreux représentants du monde médical, académique et de la recherche de ces deux pays ont déjà rejoint cet Appel que l’on peut signer sur le site www.taiwanforall.org et qui sera adressé à M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.
Alors que l’épidémie du coronavirus se propage rapidement à l’échelle mondiale, Taïwan parvient à contenir drastiquement sa diffusion sur un territoire insulaire à peine plus grand que la Belgique et peuplé de plus de 23 millions d’habitants.
En dépit de ses liens économiques et commerciaux étroits avec la Chine proche géographiquement, Taïwan totalise au 31 mars 2020, 322 cas et 5 morts, soit un taux d’infection et de létalité par habitant bien inférieur à ceux observés dans le reste du monde.
Néanmoins, le pays reste encore et toujours exclu de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Pourtant, le gouvernement taïwanais avait alerté le 31 décembre 2019 l’OMS, non seulement de l’émergence du virus mais aussi et surtout de la possibilité d’une transmission interhumaine. Il a su anticiper l’épidémie et préserver sa capacité d’action tant au niveau sanitaire qu’économique. Alors que nombre de pays dans le monde ont ordonné à leur population de rester confinée, la vie à Taïwan se poursuit presque normalement : les universités, les lycées et les écoles restent ouverts, les entreprises maintiennent leurs activités, les personnes circulent librement.
Une gestion exemplaire de la crise
A la suite du premier cas de coronavirus constaté sur son sol le 23 janvier, Taïwan a immédiatement mis en œuvre un dispositif de gestion de crise épidémique pour éviter la propagation du virus. Ce dispositif a été conçu et mis en place après l’expérience traumatique du SRAS vécue dans l’île en 2003.
Dès le 24 janvier, les autorités taïwanaises ont imposé des restrictions à l’exportation de masques et un contrôle douanier strict pour les visiteurs ayant séjourné en Chine au cours des quatorze jours précédents. En outre, les ressortissants taïwanais revenant des zones les plus gravement touchées ont été astreints à une quarantaine de quatorze jours. Tout nouvel arrivant dans le pays est désormais soumis à un suivi sanitaire continu. Le ministère taïwanais de la Santé et des Affaires sociales a interdit au personnel médical de quitter le pays. Actuellement, Taïwan dispose, chaque jour, de 13 millions de masques de protection contre le virus pour subvenir aux besoins de sa population. Leur production a été multipliée par quatre en un mois.
A ce jour, Taïwan reste le seul pays au monde où l’ensemble des décisions est centralisé au sein d’un commandement unifié et transsectoriel. A sa tête, le ministre taïwanais de la Santé et des Affaires sociales a autorité pour coordonner les mesures applicables aux douanes, à l’économie, à l’enseignement et aux transports. Cette centralisation du recueil d’informations et de la prise de décision est un facteur clé pour une gestion efficace de l’épidémie.
Taïwan a rapidement mis en place l’intégralité de son dispositif sanitaire sur l’ensemble de la chaîne de contamination potentielle : alerte aux voyageurs, traçage des personnes en contact avec des patients contaminés, confinement durant l’incubation, quarantaine, file d’attente dédiée aux cas suspects à l’hôpital, distribution de masques et de produits hydroalcooliques… Des chercheurs taïwanais ont isolé des souches virales du coronavirus et synthétisé l’antiviral remdesivir. Ils développent actuellement un dépistage en seulement quinze minutes.
L’OMS a besoin de Taïwan
La communication régulière d’informations détaillées continue de jouer un rôle important dans l’adhésion de la population au dispositif et pour éviter la diffusion de fausses informations et de rumeurs, susceptibles de provoquer la panique.
Taïwan démontre ainsi son expertise dans la recherche médicale et dans la prévention en même temps que la qualité de son système de santé, le neuvième meilleur au monde selon le classement annuel Bloomberg de l’efficacité des soins de santé établi en 2018. Taïwan est un acteur majeur et incontournable de la santé mondiale.
Pourtant, le pays n’a pas été convié à participer à la prochaine Assemblée mondiale de la Santé qui devrait se tenir du 17 au 21 mai à Genève.
Exclure Taïwan de cette réunion de toute première importance, notamment dans la situation exceptionnelle que nous vivons, est une erreur majeure. Cela remet en cause la sécurité sanitaire mondiale et celle de Taïwan, car les questions sanitaires ignorent les frontières comme le rappelle cette pandémie.
Taïwan mérite d’avoir sa place dans toutes les activités de l’OMS. Elle a un rôle spécifique à jouer dans le renforcement des systèmes de santé dans le monde, une des cibles principales des Objectifs de développement durable (ODD), et dorénavant, dans la lutte contre le coronavirus.
Nous, responsables de santé, chercheurs, universitaires et parlementaires de tous bords, déclarons que l’OMS doit veiller à s’abstraire de tout jeu politique, d’influences diplomatiques et à s’attacher à sa vocation première, celle de protéger au mieux la santé de chacun à l’échelle planétaire.
L’OMS a besoin de Taïwan, tout comme Taïwan a besoin de l’OMS.
C’est pourquoi nous appelons instamment l’Organisation mondiale de la Santé à être à la hauteur des enjeux sanitaires actuels en permettant à Taïwan de participer à sa prochaine assemblée et plus largement à l’ensemble de ses activités.
Parmi les premiers signataires :
Sénateurs : Alain Richard, président du groupe d’échanges et d’études Sénat-Taïwan, Claude Malhuret, Vincent Delahaye, vice-président du Sénat, Catherine Deroche, Hélène Conway-Mouret, vice-présidente du Sénat, André Gattolin…
Députés : Jean-François Cesarini †, président du groupe d’études à vocation internationale sur les questions liées à l’expansion de l’économie taïwanaise, Damien Abad, Marie-Noëlle Battistel, Laure de La Raudière, Jérôme Lambert, Eric Bothorel…
Universitaires : Jean-Yves Heurtebise, Jean-François Huchet, Stéphane Corcuff, Frédéric Keck, Valérie Niquet, Barthélémy Courmont, Paul Jobin, Gwennael Gaffric, Vincent Rollet, Frank Muyard…