La pandémie mondiale du Covid-19 a particulièrement impacté l’Europe, commençant son parcours meurtrier par les « routes de la soie » avec l’Italie, abandonnée à elle-même, recevant une aide médiatisée de la Chine et de la Russie quand l’Union européenne « chipotait » encore les aides à lui fournir.
Aux yeux de millions d’Européens, de plus en plus gagnés par le poison du populisme, si l’Union européenne doit servir à quelque chose, c’est dans cette crise sanitaire qu’elle doit, enfin, le prouver ; c’est l’heure de vérité !
Pour les eurosceptiques ou les anti-européens comme Marine Le Pen, la messe est dite ! Ils n’en veulent pour preuve que le silence de la Commission européenne, dès le début de la pandémie et le spectacle affligeant de pays membres de l’UE, se détournant entre eux, les masques, tests ou aspirateurs, sur le tarmac des aéroports.
Certes, cette réalité fut détestable mais ces « nationalistes » oublient une chose : l’UE n’a aucune compétence en matière de santé qui relève de la souveraineté de chaque État….
Par contre elle a compétence dans les domaines économique, financier et entrepreneurial. Après quelques jours de flottement, les présidentes de la Commission et de la Banque Centrale Européenne, mesdames Von Der Leyen et Lagarde, ont pris des mesures exceptionnelles : suspension du pacte de stabilité et de son sacro-saint 3% du déficit budgétaire, allègement des aides d’État pour permettre aux gouvernements d’aider leurs entreprises en difficultés, déblocage immédiat de 37 milliards d’euros et injection de 1000 milliards d’euros dans l’économie européenne, envoyant ainsi un signal fort aux États membres, aux entreprises et aux citoyens.
Les rappels à l’ordre de Jacques Delors et de Valéry Giscard d’Estaing ne sont pas restés sans effet. Malgré les désaccords de la conférence-à distance- des chefs d’États et de gouvernements des 27 pays membres, le 26 mars dernier, avec la coupure traditionnelle entre pays du sud et pays du nord, le bon sens a repris ses droits, chacun se persuadant des risques de disparition de l’UE mais aussi de l’effondrement des nations dans le chaos mondial provoqué par le virus.
La réunion de l’Eurogroup aujourd’hui 7 avril devrait confirmer cette nouvelle ambition de l’UE de répondre massivement à cette crise puis à la nécessaire reconstruction de l’UE et du monde, le « jour d’après ».
En effet, comme l’a souligné récemment son directeur général, le portugais Mario Centeno, pour éviter un naufrage économique et social du continent européen, il faut des mesures équivalentes à un « plan Marshall » visant les Etats, les entreprises et les salariés.
D’où les probables décisions suivantes : activation du Mécanisme Européen de Stabilisation (MES) pour 410 milliards d’euros dont 240 immédiats ; une garantie européenne pour les investissements des petites et moyennes entreprises par la BEI, pour un montant de 200 milliards. Se posera nécessairement, à défaut « d’eurobonds », la création d’un Fonds Européen de Relance qui pourra émettre des obligations à long terme pour financer les pays membres.
Entre les -3 % de PIB pour les États, les mesures sur les liquidités, -18% du PIB et les 1000 milliards de la BCE, jamais l’UE n’aura mis autant d’argent pour lutter contre une crise dont de nombreux experts annoncent qu’elle sera pire que la crise de 1929.
A ceux qui voudraient opposer les États aux grands blocs et qui prônent le retour à l’État nation contre l’Union européenne, cette crise exceptionnelle démontre que la solidarité entre les États et l’UE est la seule réponse fiable, durable et efficace face à cette pandémie. Seule une politique coordonnée d’investissements massifs par les États et l’UE nous permettra de répondre aux défis colossaux qui se posent à nous.
Beaucoup ont enfin compris « qu’entre notre aujourd’hui et notre hier, les ponts sont rompus » comme l’écrivait Stefan Zweig dans « Le monde d’hier ».
Face à ce type de cataclysme et il y aura, hélas, d’autres pandémies, un État seul ne peut pas grand chose même s’il s’est doté d’un remarquable système de santé, alors que dans une Union européenne réformée et osant remettre en cause la mondialisation, notre avenir pourra encore s’écrire.
Michel Scarbonchi