Ce sera un des sujets majeurs des prochaines semaines, et assurément pas un des moins polémiques. Traçage, derrière ce mot, il y a une technologie, derrière cette technologie il y a un débat éthique, le sempiternel débat de l’équilibre entre sécurité et liberté.
Après chaque vague d’attentats terroristes, pour renforcer la légitime lutte contre ce fléau, nous avons adapté notre arsenal législatif pour pousser toujours un peu plus loin les capacités à traquer, poursuivre, arrêter et condamner les terroristes et leurs supports.
Un des enjeux du débat à venir, c’est de passer une étape supplémentaire en se servant de cette technologie pour rendre plus efficace la lutte contre le virus.
De quoi s’agit-il ? C’est la possibilité, en suivant votre portable, de savoir qui vous avez rencontré, où et pendant combien de temps. Si on voit l’intérêt que peut avoir telle solution pour, à partir d’une personne infectée mais asymptomatique ou en phase d’incubation, retrouver toutes les personnes qu’elle a approché pour les avertir du risque, cela pose nombre de questions en matière de libertés.
Certains pays, tels que la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour ou Taiwan, ont fait des tests à grande échelle et sont en voie de généralisation, voire d’imposition, de ces mesures avec des résultats, certes, intéressants. Pour autant, doit-on, nous, s’engager dans cette voie ? Pour ma part, je ne le crois pas, ou uniquement sur la base du volontariat et ce pour plusieurs raisons.
Je ne pense pas que cela soit dans notre culture, si ce n’est Européenne, tout au moins Française. Le respect de la vie privée et le droit d’aller et venir est dans l’article 2 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen. La directive européenne « e-privacy » de 2002 indique, quant à elle, que l’exploitation ou la diffusion de données de géolocalisation doit se faire de manière libre et éclairée avec le consentement express et non tacite.
L’émotion du moment, aussi légitime soit-elle, ne doit pas nous faire perdre de vue les fondamentaux de nos démocraties, et ne perdons pas de vue qu’un parti populiste, liberticide voire xénophobe peut, après une crise, arriver démocratiquement au pouvoir comme ce fut le cas en Allemagne en 1933 ! Si ces outils de surveillance, pour ne pas dire de contrôle de populations, tombent démocratiquement dans de mauvaises mains, nous pourrions amèrement le regretter. Big Brother de Georges Orwell n’est-il finalement pas si loin que cela ?
L’efficacité du système ne pourrait être totale que si tout le monde a son portable tout le temps avec soi. Cela pose aussi la question du droit de déconnexion temporaire (aller faire du sport ou se promener sans son téléphone, par exemple) ou totale (personnes âgées qui n’ont pas envie ou utilité d’un téléphone intelligent ou personnes qui ne souhaitent pas en avoir…).
Vous comprendrez mes réserves et ma volonté d’être, le moment venu, un législateur particulièrement vigilent et sourcilleux tant il me parait essentiel, dans ce domaine, plus que nul autre, de légiférer « la main tremblante ».