Coronafiction
06H12 - dimanche 19 avril 2020

Coronafiction. Episode (7)

 

Découvrez les épisodes de la Coronafiction d’Encélade, romancier transgressif :

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Episode (4)

Episode (5)

Episode (6)

-Lucie veux-tu trouver deux lits pour nos invités ?

-Oui papa.

Une fois les conserves rangées, nous l’accompagnâmes dans le fond du hangar où elle dénicha deux lits de camp que nous dressâmes à côté des autres lits. On avait l’impression d’être dans un dortoir.

-J’ai faim, dis-je ?

-Moi aussi dit Hector.

Lucie nous prépara un chocolat et des tartines de beurre et de miel. J’eus l’impression de revenir aux jours d’avant le coronavirus quand la vie était plus douce.

Le soleil couchant donnait au ciel une belle couleur orange.

Ma collation achevée, je retrouvai  Martin qui fouillait dans la boîte à outils.

-Qu’est-ce que tu cherches ?

-Une pince coupante et du fil de fer pour rapiécer la clôture.

Il glissa une pince dans la poche arrière de son jeans, enfila des gants de chantier et glissa sur son épaule un rouleau de fil de métal.

-Tu m’accompagnes me demanda-t-il ?

-Ok.

On grimpa sur la Norton. On longea à faible allure la clôture. Damoclès nous suivait en aboyant. On s’arrêta à plusieurs reprises. Martin rapiéçait les maillons faibles dont le trou par lequel on pouvait pénétrer sur le tarmac. Dans l’ensemble le grillage était en bon état. Il vérifia  la serrure du portail  donnant sur la route et déroula sur son sommet un fil métallique relié au grillage de part et d’autre.

De retour au hangar, il fixa sur les deux bornes d’un compteur électrique les fils dénudés d’un long cable qui se terminait par deux pinces. 

-On appelle ça des pinces crocodile parce qu’elles ressemblent à la gueule de l’animal me dit-il.

Il fit semblant de me mordre les doigts. Je rigolais. Il était sympa. Il en fixa une au grillage et enfonça l’autre dans le sol.

-Tu vois me dit-il, sur la clôture c’est  le + ,  dans la terre  le  – .

-C’est dangereux lui demandai-je ?

-Oui. Normalement il faudrait un appareil qui diminue l’ampérage. Mais je n’en ai pas. Si tu touches la clôture électrifiée, t’y restes collé. Je mettrai le courant dans la soirée.

De retour au hangar, nous plaçâmes les deux ULM côte à côte et Jean  les chargea de bouteilles d’eau, de boîtes de conserves et d’un jerrican d’essence.

-Je préfère avancer nos préparatifs dit-il. Il faut prendre de quoi tenir vingt-quatre heures maximum.

-Et Frankenstein dis-je ?

-Tu veux qu’on aille le chercher  dit Martin ? On peut tenir à trois dans chaque ULM.

-Pas la peine dis-je.

J’avais reconnu sa silhouette derrière le grillage. Il nous faisait des grands signes. Je me levai et courus dans sa direction suivi par Damoclès. Martin enfourcha sa moto et arrivé sur place, démonta  le rapiéçage du grillage et  ouvrit un passage par lequel Frankenstein pénétra sur le tarmac.

Jean, voyant son pansement ensanglanté autour de la tête, lui dit :

-Puis-je voir, je suis médecin et se tournant vers Lucie : Peux-tu aller me chercher ma trousse ?
Il dénoua la bande dont une extrémité resta collée à l’oreille de Frankenstein. Il y fit couler de l’eau et la détacha délicatement.

-Je vais réparer ça dit-il.

Il nettoya l’oreille coupée, y colla un pansement adéquat et sortit une seringue de sa trousse.

-Qu’est ce que c’est demanda Frankenstein ?

– Une piqure anti-tétanos.

Jean le piqua dans le bras.

-Merci dit l’homme.

-Nous partons demain à la première heure dit Jean. Les appareils nous permettraient de faire des escales de cinq à six heures mais comme nous serons trois à bord et chargés, je préfère ne pas dépasser les quatre heures. Il nous faudra trois ou quatre étapes pour rejoindre le sud. Martin tu vérifieras que nos réservoirs sont pleins.

-On va retrouver Muriel dis-je à Lucie ?

-Oui.

-Mais pourquoi va-t-on là-bas ?

-Parce qu’un savant aurait trouvé un remède contre le coronavirus répondit Jean.

Puis se tournant vers Frankenstein :

-Tu viens avec nous Van Gogh.

C’était moins  une question qu’une invitation.

-Pourquoi m’appelles-tu comme ça ?

-Laisse tomber.

-Oui. Je vous accompagne.

Je me tournai vers Lucie.

-Il s’appelle pas Van Gogh …

Elle ne me répondit pas.

Jean poursuivit :

-Il va falloir être sur nos gardes cette nuit. Damoclès restera avec nous dans le hangar. Martin va électrifier la clôture. Les adultes monteront la garde à tour de rôle.

Lucie, Hector et moi retournâmes dans le hangar. Lucie alla chercher un grand livre avec des reproductions de peintures. Sur l’une d’elle, on voyait un homme vêtu  d’une veste épaisse, coiffé d’une  sorte de toque, un bandage sur l’oreille, fumant la pipe sur un fond rouge et orange. La toile s’intitulait « Autoportrait à l’oreille bandée ».

-On dirait Frankenstein dis-je.

-Oui… c’est un peintre qui s’est coupé l’oreille. Il s’appelait Vincent Van Gogh.

-Il a fait exprès ?

-Oui… il était un peu fou !

Elle alla ranger le bouquin et  trouva un autre lit pliant pour Frankenstein.

A la nuit tombée, Martin alluma la clôture électrique. On voyait ici ou là  de petits éclairs bleus.

-Ce doit être des bestioles qui se crament  dit-il.

La mezzanine où se trouvait le bureau et les armes était surmontée d’un vasistas  auquel on  accédait par un escabeau. On avait une vue sur l’ensemble de l’aérodrome.

-Martin, tu prendras le premier tour de garde, Van Gogh le second et moi le dernier dit Jean.

A la nuit tombée, Lucie, Hector et moi nous couchâmes pas loin de Jean et de Frankenstein qui sommeillaient et Martin prit son premier tour de guet.

Je dormis mal. Je  rêvai à une scène de Pinocchio où des bandits le poursuivent et le pendent à la branche d’un chêne. J’appelai mon papa au secours mais il n’était pas là et c’était Lucie qui venait me sauver.

Il ne se passa rien jusqu’à minuit pas plus que pendant la garde de Frankenstein. Ce n’est qu’à la fin  du tour de garde de Jean vers six heures du matin qu’une rumeur lointaine se fit entendre. Damoclès grogna.

-On y va hurla Jean qui nous rejoignit au rez-de-chaussée avec trois fusils à canon court et une besace remplie de cartouches.

On ouvrit les deux battants de la porte, poussa sur le tarmac les deux ULM.

On voyait des types qui s’agitaient derrière la clôture cherchant à décoller du grillage l’un d’eux qui  y était comme crucifié. Il avait les cheveux dressés sur la tête. Avec son survêtement jaune, on aurait dit un clown. La scène était drôle. Ses autres compagnons essayaient à l’aide de branches et de pierres d’abattre la clôture pour pénétrer sur la tarmac. Ca faisait plein d’étincelles jaunes et bleues et ça sentait la viande cramée.

Hector, Lucie et Damoclès montèrent avec Jean dans l’ULM en forme de gros insecte. Il roula sur la piste, prit de la vitesse et s’envola difficilement. 

Je grimpai dans le second ULM en compagnie de Martin et de Frankenstein. Je ne savais plus comment l’appeler, Frankenstein ou Van Gogh.

Une demi-douzaine de pillards avaient réussi à franchir la clôture électrifiée et couraient dans notre direction.

-Heureusement qu’ils n’ont pas d’armes dit Martin.

Et s’adressant à Frankenstein. :

-Tire dans le tas !

Frankenstein dut en abattre plusieurs de son fusil à canon court.

Je me souvins  du pistolet que j’avais dans mon sac mais  n’osai pas l’utiliser.

L’ULM prit son envol et rejoignit le ciel bleu du matin laissant derrière lui l’aérodrome. La vue était plus impressionnante et plus belle que  celle que j’avais eue de la cabine de la grue. Château d’eau,    station-service, villages, clochers, immeubles semblaient avoir été dessinés avec précision sur un patchwork aux dégradés de couleurs allant du jaune au  beige.  L’engin fit un  un large cercle pour retrouver  l’autre ULM qui filait en direction du sud. Frankenstein qui n’avait pas du se laver depuis des mois sentait mauvais. Mais peu m’importait. J’étais heureux.

                                                                                                                                 

Encélade

 

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