Article paru le 23 mars 2020
Monsieur le Président de la République,
C’est peu dire que vous avez rendez-vous avec l’histoire ! Les 35 millions de Français qui vous ont écouté le 16 mars annoncer que nous sommes en guerre attendent beaucoup (trop ?) de vous ! C’est toute la logique abyssale de la Vème République. Let it be !
La crise du coronavirus frappe la France de plein fouet. Et oui, nous sommes en guerre !
Guerre sanitaire avant tout. Chef de guerre, vous avez à vos côtés un excellent général en chef, Olivier Véran, qui, contrairement à sa prédécesseure, est à la hauteur de ce défi. Avec honnêteté, humilité, détermination et pédagogie. Vos généraux, Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, et toute une armée sanitaire (sauf ceux qui ont laissé s’effondrer les stocks stratégiques de masques), est au front, avec le renfort de l’armée (la vraie).
Nous sommes de tout cœur avec les victimes de cette pandémie mondiale, leurs familles et avec toute la chaîne des soignants, les salariés des commerces, des entreprises en activité, ou mobilisés pour fournir les biens et les services essentiels à nos concitoyens. Sans oublier l’Etat, les collectivités locales et tous les agents publics qui se mobilisent pour résister à cet ennemi invisible.
Nous voici à présent confrontés à un deuxième front car cette guerre est aussi économique. C’est au sujet de cette bataille que je m’adresse à vous, Monsieur le Président, pour vous appeler à prendre les mesures qui nous permettront de survivre en économie de guerre.
Le 12 mars, Monsieur le Président, vous avez déclaré aux Français que l’Etat fera tout pour sauver l’économie française, « quoi qu’il en coûte ». Ce rendez-vous avec l’histoire, c’est maintenant ! Et ce rendez-vous ne pourra consister à tenir de beaux discours (les vôtres sont toujours éloquents) ! Il faut des actes suivis d’effets.
Certes, une loi de finances rectificative vient d’être votée et le gouvernement a annoncé de nombreuses mesures. Les banques aussi se sont engagées à prendre leur part dans cet effort collectif. Nous saluons toutes ces mesures mais elles sont insuffisantes et ne répondent pas à l’urgence.
De quelle urgence parle-t-on ?
L’addition, c’est pour le 31 mars !
Malheureusement, Monsieur le Président de la République, la réalité est que vos mesures consistent principalement à reporter les obligations fiscales et sociales et à déplafonner l’indemnisation du chômage partiel (dont le décret doit sortir cette semaine). Elles ne suffisent pas à répondre à l’urgence.
Pire, vos décisions ne sont pas encore suivies d’effets et les administrations sociales et fiscales sont débordées. Un exemple ? Au bout du fil du service de gestion du chômage partiel, une voix charmante nous disait hier matin : « notre service est ouvert du lundi au vendredi de 8h à 18h. » Merci la mobilisation générale !
La réalité est que l’effondrement du chiffre d’affaires et l’annulation ou le report de la plupart des commandes dans de nombreux secteurs de l’économie font que des dizaines de milliers d’entreprises, de professions libérales et d’indépendants ne seront pas en mesure de payer les salaires ni les charges fixes à la fin de ce mois de mars et, avec certitude, fin avril.
La réalité est que les mesures annoncées reviennent à ce que les patrons doivent avancer la trésorerie des salaires des employés mis en chômage partiel. Quand seront-ils remboursés de ces avances dans le cadre du dispositif d’indemnisation du chômage partiel, lequel tarde à se mettre en place avec une administration débordée qui ne répond plus au téléphone ?
Avec quelle trésorerie les entreprises les plus fragilisées pourront-elles faire cette avance de salaires d’ici le 31 mars ?
Dans quelques jours et tout au long du mois d’avril, de nombreuses TPE et beaucoup de PME seront en cessation de paiements, entraînant la faillite des milliers d’entreprises et le licenciement de centaines de milliers de salariés, de professions libérales et de travailleurs indépendants à brève échéance.
Enfin, le tissu économique français est menacé de s’effondrer car les acteurs économiques n’ont aucune visibilité à très court terme et personne ne sait quand nous sortirons de cette crise.
Une solution simple !
Une fois de plus, la solution vient d’Amérique. Certes, les Etats-Unis sont comme nous très en retard dans la gestion de la crise sanitaire. Mais l’administration a décidé en quarante-huit heures d’envoyer immédiatement des chèques aux entreprises et aux particuliers pour leur permettre de bénéficier de ce qui manque cruellement : de la trésorerie et du pouvoir d’achat !
Dans les pas de Roosevelt dans les années 30 et d’Obama en 2008, Donald Trump, oui, même Donald Trump, inspiré par les travaux de l’économiste américaine Claudia Sahem, est au rendez-vous !
Monsieur le Président, je sais que vous aimez l’Amérique et son esprit libéral ! C’est le moment de vous en inspirer !
Car en France aussi, il faut un plan de relance massif. Avec des mesures puissantes, simples et immédiates.
Puissantes, cela va de soi au regard de l’arrêt brutal de pans entiers de l’économie ;
Simples car bon nombre de vos mesures demandent encore trop de documents à remplir et butent sur des administrations débordées voire dépassées ;
Immédiates car la plupart de vos mesures sont à effet différé. Or, comme nous venons de l’expliquer, c’est dès maintenant que les besoins les plus cruels se font sentir.
Voici donc notre contribution au débat public avec cinq propositions puissantes, simples et immédiates !
- Reconnaissez au plus vite l’état de catastrophe sanitaire pour que les assurances remboursent la perte d’exploitation (charges fixes hors salaires et les coûts matières) de nos différentes entreprises ;
- Abrogez, évidemment, la loi qui oblige une entreprise à déposer le bilan dans les 14 jours suivant sa cessation de paiement.
- Pour les entreprises déjà en redressement judiciaire ou en sauvegarde, annoncez une suspension immédiate de toutes les échéances des annuités de leurs plans de remboursement (homologués par jugement du Tribunal de Commerce) depuis le 17 mars jusqu’en septembre (dans un premier temps) avec report de ces échéances en fin de plans, ce qui revient donc à les rallonger tous d’un an.
- Afin de permettre aux patrons de payer les salaires et de couvrir les charges fixes à la fin du mois de mars, l’administration du budget devrait adresser fin mars (et chaque mois tant que l’arrêt quasi total de l’économie se prolongera) un chèque correspondant à 50% du chiffre d’affaires réalisé en mars 2019 et notifié dans la déclaration de TVA d’avril 2019 à toutes les entreprises, artisans, agriculteurs, commerçants, professions libérales, indépendants. Grâce à ces chèques, tous les salariés pourront être payés à la fin du mois ! Sinon, trop de patrons ne pourront faire l’avance de trésorerie qu’exige le système d’indemnisation du chômage partiel. Cette mesure est beaucoup plus efficace que les mesures techniques et décalées annoncées jusqu’à présent ! Elles peuvent même s’y substituer.
- Pour que les Français se remettent à consommer au plus vite, des chèques consommation de 500 euros par mois devraient être adressés pendant trois à six mois par l’Etat aux 38,9 millions de foyers fiscaux français (ou à tous ceux qui vivent en-dessous d’un plafond de revenu dont je vous laisse juge).
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les ministres, écoutez les besoins du terrain : plus que tout, les petites entreprises ont besoin de trésorerie immédiate et les ménages modestes de pouvoir d’achat. Ce seront les deux leviers de la relance.
Nous évaluons ce plan simple et puissant à 100 milliards d’euros par mois. Ainsi employés, les centaines de milliards mobilisés par la Banque centrale européenne, l’Union Européenne, l’Etat français et les régions, actionneront fortement les leviers de la reprise.
Monsieur le Président de la République, vous parlez souvent de l’art d’être Français. Parlons de l’art d’être un grand chef d’Etat !
Puisque nous sommes en guerre, Monsieur le Président, sachez vous inspirer de la vertu cardinale dont a su faire preuve le général de Gaulle dans les pires heures de notre histoire : l’audace !