Depuis la pandémie de Covid-19, tous les soirs à 20 heures, la France applaudit ses soignants hospitaliers, ce qu’ils méritent sans le moindre doute, et nous appelons même à ce qu’ils soient en tête du prochain défilé du 14 juillet. Mais d’autres professionnels, restés dans l’ombre, sont aussi en première ligne à l’hôpital, comme les psychologues et les assistantes sociales (au féminin, car leurs collègues mâles sont très minoritaires dans la profession !).
Les assistantes sociales, donc, font également un travail formidable, permettant notamment aux patients de conserver ou d’accéder à leurs droits en sortant de l’hôpital. S’y ajoute le relais qu’elles assurent auprès des familles, privées de visite en ces temps de confinement.
Brigitte Tarasco, cadre supérieur socio-éducative, dirige le service social des malades du CHU de Nice, une ville qui se trouve dans une situation paradoxale à bien des égards : en zone verte, et donc relativement peu touchée par le Covid-19, mais proche d’une Italie meurtrie ; au bord de la Méditerranée où profiter du rivage et de la plage aux beaux jours est inscrit dans les gènes des Niçois, alors qu’ils en sont privés depuis le 17 mars.
Nous lui avons demandé comment fonctionne le service social en cette période de pandémie et de confinement. Entretien.
Opinion Internationale. Qu’est-ce au juste le rôle d’un service social hospitalier ?
Brigitte Tarasco : Le service social des patients a deux missions principales : organiser leur sortie et s’occuper de l’ouverture et de la régularisation de leurs droits, en particulier dans le cadre de la prise en charge de leurs soins. S’y ajoutent les missions habituelles des assistantes sociales comme la protection de l’enfance et des personnes vulnérables, et l’ensemble de l’accompagnement social.
Vivez le monde d’après…
Inscrivez-vous au 1er @Live Opinion Internationale du 11 mai |
Faites un don défiscalisé pour notre indépendance ! |
Opinion Internationale. Le service social a-t-il été très impacté par l’épidémie et le confinement ?
Brigitte Tarasco. Il n’y a pas eu d’interruption, mais j’ai donné aux assistantes sociales la directive d’éviter autant que possible le contact avec le patient, ce qui n’est toutefois pas toujours possible. En outre, il n’y a eu aucun contact direct avec les familles, les visites ayant de toute manière été interdites avec le confinement. C’est un point très important, car nous sommes souvent une interface entre les patients et leurs familles, et nous avons donc beaucoup communiqué avec les proches par téléphone et par mail, avec toutes les précautions et limites que cela suppose en termes de confidentialité et de respect des droits du patient. Certains n’ont ni mail, ni téléphone, et il faut donc s’organiser, par exemple en faisant déposer des papiers à l’accueil.
Opinion Internationale. Lorsque les contacts avec les patients sont inévitables, les assistantes sociales sont-elles équipées pour se protéger ?
Brigitte Tarasco. Nous ne sommes pas des soignantes et pouvons plus facilement observer une distance de sécurité avec le patient. Mais les assistantes sociales portent néanmoins toujours un masque en entrant dans un service médical et bien sûr dans la chambre d’un patient.
Opinion Internationale. De nombreux services publics, comme la justice, fonctionnent au ralenti depuis le début du confinement. Le travail social est largement pluridisciplinaire et fondé sur la coopération, notamment avec des services externes à l’hôpital. Dès lors, comment avez-vous fait face à ces difficultés ?
Brigitte Tarasco. Certains services ont été plus impactés que d’autres. Par exemple le centre communal d’action sociale a fonctionné presque normalement, et nous avons pu maintenir les processus habituels de suivi des patients Covid ou non Covid, après leur sortie. On ne peut effectivement pas en dire autant du tribunal, qui est resté longtemps fermé, ce qui nous pose des problèmes pour les protections de justice comme les sauvegardes ou les curatelles. Certains services, comme l’assurance maladie, ont été ralentis sans être interrompus, mais au moins, les dossiers urgents ont pu être traités par mail. Malgré la réduction des lits de SSR (soins de suite et de réadaptation) acceptant les patients COVID, nous n’avons pas rencontré beaucoup de problèmes pour orienter les patients. Ils ont été réactifs et ont joué le jeu.
On peut dire que pendant cette période le service social n’a pas été surchargé car de nombreux services hospitaliers étaient fermés ou en service restreint, comme les chirurgies non urgentes. Mais depuis une dizaine de jours, et donc sans attendre la fin officielle du confinement, l’activité revient peu à peu à la normale.
Opinion Internationale. Les patients sont-ils systématiquement testés en arrivant à l’hôpital ?
Brigitte Tarasco. Non. D’abord n’étaient testés que les patients arrivant aux urgences avec une suspicion de Covid-19. Puis le Docteur Pierre-Marie Tardieux, responsable de la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS), a mis en place une équipe mobile pour dépister les précaires, démarche désormais systématique. Mais de toute manière, nous prenons les mêmes précautions avec tous les patients, sans distinction. Et s’agissant des assistances sociales, elles ne reçoivent plus les patients dans leur bureau depuis le déclenchement de l’épidémie.
Opinion Internationale. Cette épidémie va-t-elle modifier durablement certaines pratiques professionnelles, et notamment développer le télétravail ?
Brigitte Tarasco. Deux assistantes sociales du CHU de Nice ont télétravaillé avec les patients qu’elles connaissaient déjà. Cela peut fonctionner pour le suivi des dossiers, mais globalement, ce n’est pas adapté au travail social. On doit voir les gens, parfois leur faire signer des documents, et ils ne sont pas tous en situation de recourir aux outils numériques.
C’est même le contraire : nous devons parfois les aider à utiliser de tels outils, à aller sur internet lorsque c’est indispensable. Ni la visiophonie ni le téléphone ne peuvent remplacer le contact humain, surtout pour des personnes en difficulté ou des personnes âgées. Généraliser le travail social sur écran ne me paraît pas envisageable.
Opinion Internationale. Une dernière question d’un Parisien à une Niçoise, plus qu’à la cadre socio-éducative d’un hôpital : le confinement est-il moins pénible sur les rives de la Méditerranée ?
Brigitte Tarasco. Sincèrement oui, même si les conditions de logement n’y sont pas idylliques pour tout le monde. Pendant toute cette période de confinement, j’ai eu des pensées de solidarité avec ceux qui subissaient à la fois la vie dans de grands ensembles, sans jardin ni balcon, et la grisaille du temps. La Promenade des Anglais nous manque, mais on sent que la mer n’est jamais loin !
Propos recueillis par Raymond Taube, rédacteur en chef d’Opinion Internationale et directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique
Vivez le monde d’après…
Inscrivez-vous au 1er @Live Opinion Internationale du 11 mai |
Faites un don défiscalisé pour notre indépendance ! |